Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2017, la SARL JN Consultants, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1403033 date du 7 février 2017 en tant que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de TVA et des pénalités encore en litige ;
3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- la procédure a méconnu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'émission de la facture du 23 juin 2009 de 358 800 euros ne la rendait pas redevable de la TVA mentionnée car cette facture a été annulée le 28 septembre 2009 par une facture d'avoir dont le montant a été comptabilisé par la société MC2B ;
- elle ne pouvait faire l'objet d'une amende sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts dès lors que la facture en litige est une facture d'acompte pour avance et ne portait pas sur une livraison ou une prestation ; de plus, l'administration ne justifie pas d'un degré de certitude suffisant du caractère fictif de la facture d'acompte.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête, et demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande en décharge de la société JN Consultants.
Il soutient que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- si le fondement du jugement n'est pas contesté pour ce qui concerne la décharge effectuée, il sollicite une substitution de base légale et soutient que la TVA mentionnée sur la facture du 23 février 2009 était due par la société en application du 3 de l'article 283 du code général des impôts du seul fait de la facturation et en l'absence de toute régularisation.
M. B... A... a présenté un mémoire enregistré le 26 janvier 2018 dont il a demandé le retrait par un courrier enregistré le 12 mars 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... E...,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) JN Consultants, qui exploite une activité d'ingénierie dans le domaine des activités extractives, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2009 à l'issue de laquelle elle s'est vu réclamer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 7 février 2017 qui n'a fait que partiellement droit à sa demande en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge d'un rappel de 58 800 euros de taxe sur la valeur ajoutée et d'une amende d'un montant de 179 400 euros. Le ministre de l'action et des comptes publics demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du même jugement en tant qu'il prononce la décharge d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 19 600 euros.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.
4. Il résulte de la proposition de rectification du 13 janvier 2012 adressée à la société que l'administration a exercé son droit de communication auprès de la société MC2B et obtenu de celle-ci copie d'une facture de 300 000 euros émise le 23 juin 2009 par la société JN Consultants faisant mention d'une taxe sur la valeur ajoutée de 58 800 euros ayant grevé des prestations de " prospectives de recherche de droits fonciers " pour des activités extractives en Europe et en Asie. Les renseignements fournis par la société MC2B ont fait apparaître que la facture avait été payée le même jour non à la société JN Consultants mais à un tiers, M. C.... Sur la base de ces renseignements dont la teneur et la source ont été communiquées à la contribuable, le service a estimé que la société JN Consultants, en l'absence de tout élément comptable établissant la réalité des travaux, devait être regardée comme ayant émis une facture fictive et comme se trouvant dès lors redevable de la TVA facturée.
5. Le 13 février 2012, le service a adressé à la société, à sa demande, les documents obtenus de la société MC2B et les pièces de procédure ayant permis de les obtenir. La société JN Consultants soutient néanmoins qu'elle aurait dû avoir communication d'une facture de la société Alpia Asia Investissements du 1er mars 2010 que le service a exploité pour opérer le rappel de TVA.
6. Il résulte toutefois de la réponse aux observations du contribuable en date du 6 avril 2012 que le service ne mentionne l'émission d'une facture le 1er mars 2010 par M. C... pour la société Alpia Asia Investissements que comme un élément mentionné par le dirigeant de la société MC2B au cours de l'audition dont la société JN Consultants s'est vu remettre le compte-rendu par lettre du 13 février 2012 et de plus, que comme une information venant " conforter " le caractère fictif de la facture de la société JN Consultants justifiant l'amende infligée à la société. Le service n'a donc nullement méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales puisque le rappel de taxe n'est pas fondé sur cet élément en réalité surabondant.
En ce qui concerne le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 58 800 euros :
7. Aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " 3. Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. / 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée... ".
8. L'administration, sur la base des informations recueillies au cours de la vérification de comptabilité, a pu établir que la société JN Consultants n'avait enregistré aucune information comptable démontrant la réalité de la mission et des prestations facturées sur la base d'une facturation au demeurant très imprécise quant au lieu et à la consistance des missions de prospection qu'elle était censée accomplir pour le compte de la société MC2B. La facture en litige a été payée le même jour par la société MC2B, faisant ainsi naître un droit à déduction de TVA au bénéfice de cette deuxième société. Le fait que la société JN Consultants a annulé la facture du 23 juin 2009 mais trois mois plus tard, le 28 septembre 2009, et constitué un avoir au bénéfice de la société MC2B ne remet pas en cause le caractère fictif de la prestation de la société JN Consultants qui, comme l'a constaté le service, se trouve corroboré par l'émission d'une facture de même montant par M. C... ayant encaissé le paiement de la société MC2B pour le compte de la société Alpia Asia Investissements. Enfin, la circonstance que le règlement de la facture de la société JN Consultants aurait eu la nature d'un acompte est sans incidence sur les obligations de cette société en tant que redevable de la TVA.
9. Dans ces conditions, et alors que la société JN Consultants n'établit pas avoir éliminé en temps utile tout risque de perte de recettes fiscales pour le trésor public, l'administration fiscale a estimé à bon droit que la société JN Consultants se trouvait redevable de la somme de 58 800 euros de taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'amende fiscale :
10. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle... ". Il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de ces dispositions, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent dans leurs prévisions.
11. Ainsi qu'il a été dit au point 8, l'administration établit que la SARL JN Consultants a délivré une facture le 23 juin 2019 d'un montant de 358 800 euros dont elle savait qu'elle ne correspondait pas à une prestation effective. C'est, dès lors, par une exacte application des dispositions précitées de l'article 1737 du code général des impôts que l'administration a infligé à la SARL JN Consultants l'amende prévue par ces dispositions.
Sur l'appel incident :
12. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition qu'une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi.
13. Il résulte de la proposition de rectification du 13 janvier 2012 qu'à la suite de la déclaration DAS2 d'honoraires versés par la société MC2B au titre de l'année 2009, le service a eu connaissance d'un versement de 119 600 euros au gérant de la société JN Consultants. Par l'exercice du droit de communication auprès de la société MC2B, le service a obtenu copie d'une facture de 100 000 euros émise le 23 février 2009 par la société JN Consultants et mentionnant un montant de TVA de 19 600 euros. Il est constant que cette facture qui n'a pas été enregistrée en comptabilité ne correspondait à aucune prestation réellement fournie par la société requérante. Néanmoins, le tribunal a prononcé la décharge du rappel de taxe de 19 600 euros au motif que le service avait à tort estimé pouvoir opérer un rappel sur facture d'acompte. Dès lors que la société JN Consultants ne fournit aucun élément probant démontrant que le risque de perte fiscale avait été supprimé, l'administration est fondée à demander le rétablissement du rappel de TVA en application du 3 de l'article 283 précité du code général des impôts, cette substitution de base légale ne privant le contribuable d'aucune garantie de procédure.
14. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a déchargé la société JN Consultants d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 19 600 euros et, d'autre part, que la requête de la société JN Consultants doit être rejetée.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
15. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions susvisées de la société JN Consultants fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1403033 en date du 7 février 2017 est annulé.
Article 2 : La requête de la SARL JN Consultants est rejetée.
Article 3 : Le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 19 600 euros au titre du mois de février 2009 est remis à la charge de la SARL JN Consultants.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL JN Consultants et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. F... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
Le rapporteur,
Stéphane E... Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01087