Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire en production de pièces et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 juin 2017, le 27 juin 2017 et le 21 mars 2018, la SARL Ixion, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 avril 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de TVA en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la régularité du jugement : celui-ci a irrégulièrement prononcé la jonction de deux instances alors qu'elles concernent deux contribuables distincts et des impositions et des périodes différentes ;
- en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition : le recours à la procédure d'évaluation d'office n'est pas justifié car l'opposition de la SARL Ixion au contrôle fiscal engagé à son encontre n'est pas caractérisé. Par ailleurs, le comportement de son gérant ne traduisait pas une volonté d'opposition au contrôle fiscal mais surtout un état dépressif ;
- en ce qui concerne le bien-fondé des impositions : une fraction de son chiffre d'affaire doit être soumis, pour la TVA collectée, au taux réduit en lieu et place du taux normal mis en oeuvre par l'administration ; s'agissant de la TVA déductible, il y a lieu d'admettre en déduction la TVA apparaissant sur les factures fournisseurs qu'elle produit, soit 4 558 euros au titre de 2007, 13 619 euros au titre de 2008 et 7 288 euros au titre de 2009.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 5 décembre 2017 et le 12 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- depuis le revirement de jurisprudence du Conseil d'Etat, opéré par une décision n° 370251 373530 du 23 octobre 2015, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des contribuables ou des impositions distinctes. Ainsi, la jonction ne peut pas être contestée en tant que telle devant le juge d'appel. Le moyen d'irrégularité du jugement pour ce motif doit donc être rejeté ;
- c'est à bon droit que l'attitude du gérant de la société a été qualifiée d'opposition à contrôle fiscal justifiant la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office dans le cadre du contrôle de la SARL Ixion ;
- s'agissant de la TVA collectée, la société requérante ne conteste pas la base imposable à la TVA déterminée par le service mais entend voir appliquer le taux réduit de TVA à une partie de cette base, dont elle se dispense cependant de préciser le montant. Par ailleurs, la société requérante ne produit aucun élément permettant d'établir que certaines des opérations réalisées répondaient aux conditions posées par l'article 279-0 bis du CGI pour bénéficier du taux réduit ;
- s'agissant de la détermination de la TVA déductible, il appartient à la société requérante qui revendique un droit à déduction non seulement de produire des factures régulièrement établies à son nom mais également de justifier que les approvisionnements ont été affectés à la réalisation d'opérations ayant donné lieu à TVA collectée ou que les dépenses exposées constituent des frais généraux engagés dans l'intérêt de l'exploitation ; or les pièces produites ne sont en tout état de cause pas susceptibles d'établir que les dépenses ont été engagés dans l'intérêt des opérations imposables de la société puisque les factures émises par l'entreprise n'ont pas été produites. En outre, la société requérante ne justifie pas du règlement effectif des opérations correspondant à des prestations de service.
Par ordonnance du 21 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la sixième directive 77/388 du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... A...,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Ixion, qui exploite depuis le 1er mai 2007 une activité de ventes de chaudières à bois et autres résidus pour séchage de maïs, est une société de personnes relevant des dispositions de l'article 8 du code général des impôts. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er mai 2007 au 31 août 2010 à l'issue de laquelle elle s'est vu notifier, selon la procédure d'évaluation d'office de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 212 351 euros. La SARL Ixion relève appel du jugement du 12 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge de ces rappels de TVA.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des contribuables ou des impositions distinctes. Ainsi, la jonction est, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel.
3. Il résulte de ce qui précède que la décision des premiers juges n'est pas irrégulière du seul fait que le tribunal a joint le jugement de la demande de M. C... tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ce dernier a été assujetti et celui de la demande de la SARL Ixion tendant à la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, l'ensemble de ces impositions ayant procédé du même contrôle opéré dans la société.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que M. C..., gérant et associé unique de la SARL Ixion, n'a pas donné suite aux actes de procédures ni aux propositions de rendez-vous qui lui ont été transmises par lettre recommandée avec avis de réception et n'a pas non plus donné suite au procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal dont il avait été préalablement informé des risques encourus, qui lui a été communiqué et qu'il a réceptionné le 20 novembre 2010. Par ailleurs, si la société requérante soutient que son gérant souffrait de troubles anxio-dépressifs au moment du contrôle en raison des difficultés financières auxquelles il était confronté, il ne résulte pas du certificat médical établit le 8 novembre 2011 par son médecin traitant, mentionnant une consultation du 10 septembre 2009 pour un syndrome dépressif réactionnel, et des deux attestations établies par des proches, que cette dépression le rendait totalement incapable d'accomplir les actes de la vie civile et de gérer ses affaires ou de désigner un conseil pouvant le représenter. Dans ces conditions, le gérant de la société requérante s'est placé dans une situation caractérisant l'opposition au contrôle fiscal visée par les dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a mis en oeuvre la procédure d'évaluation d'office.
En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :
6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. "
S'agissant de la TVA collectée :
7. Aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans (...).3. Le taux réduit prévu au I est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans (...). Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité ".
8. En raison de l'opposition à contrôle fiscal à laquelle elle a été confrontée, l'administration, qui n'a disposé d'aucune facture établie par la société requérante sur ses opérations réalisées de fournitures et installations de chaudières à bois et d'aucun documents comptables y afférents, a reconstitué le chiffre d'affaires imposable à la TVA de la société ainsi que la TVA collectée en résultant, sur la base des relevés bancaires communiqués par la banque de la société Ixion, et a ensuite liquidé cette taxe au taux normal de 19,6 %. La société requérante ne conteste pas la base imposable à la TVA déterminée par l'administration mais soutient que le taux réduit de TVA devait être appliqué à une partie de cette base. Cependant, elle n'apporte aucune preuve de ce que les opérations qu'elle revendique auraient correspondu à celles éligibles au taux réduit de TVA tel que prévu par les dispositions précitées de l'article 279-0 bis du code général des impôts. Dès lors, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré du rehaussement opéré au titre de la TVA collectée
S'agissant de la TVA déductible :
9. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables , et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon les cas : a) celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; b) celle qui est due à l'importation ; c) celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; d) celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire établies conformément à la réglementation communautaire (...) .Lorsque ces factures ou ces documents font l'objet d'une rectification, les redevables doivent apporter les rectifications correspondantes dans leurs déductions et les mentionner sur la déclaration qu'ils souscrivent au tire du mois en cours duquel ils ont eu connaissance de cette rectification (...) ". Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2 et 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit. Par ailleurs, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction. En l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti.
10. Il appartient ainsi à la société qui revendique un droit à déduction, non seulement de produire des factures régulièrement établies à son nom mais aussi de justifier que les approvisionnements ont été affectés à la réalisation d'opérations ayant donné lieu à TVA collectée ou que les dépenses exposées constituent des frais engagés dans l'intérêt de l'exploitation. Or, en l'espèce, les factures produites par la SARL Ixion, dont certaines d'ailleurs ne concernent pas la société ou ne sont que de simples devis ou bons de commandes, ne permettent pas d'établir qu'elles sont relatives à des dépenses établies dans l'intérêt de la société, qu'elles feraient partie de ses frais généraux ou qu'elles auraient été engagées pour les besoins des opérations taxées de la requérante grevant directement le prix des biens vendus par la société assujettie. En outre, la société requérante ne justifie pas du règlement effectif des opérations correspondant à des prestations de service et donc de la date à laquelle le droit à déduction aurait pris naissance. Ainsi, la SARL Ixion n'est pas fondée à soutenir que les factures qu'elle produit justifieraient la prise en compte de la TVA déductible à hauteur de 4 558 euros pour l'année 2007, 13 168,79 euros pour l'année 2008 et 7 287,78 euros pour l'année 2009.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ixion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de TVA qui lui ont été réclamés pour un montant de 212 351 euros sur la période du 1er mai 2007 au 31 août 2010. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Ixion est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ixion et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. D... A..., président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
Le rapporteur,
Dominique A...Le président
Philippe PouzouletLe greffier,
Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX01850 2