Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 août 2016, des mémoires complémentaires, enregistrés le 30 mars 2017, le 31 mai 2017, le 9 avril 2018, le 13 juin 2018, le 23 mai 2019, enfin par un mémoire récapitulatif enregistré le 28 juin 2019, la SELARL Malmezat-Prat, mandataire judiciaire liquidateur de la SAS Bordeaux atlantique terminal, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juin 2016 en tant qu'il a seulement condamné le GPMB à lui verser la somme de 150 000 euros ;
2°) de condamner le GPMB à lui verser l'intégralité des indemnités demandées, au titre de sa perte de marge (3 888 580 euros), de la valeur non amortie du portique 201 (439 616,08 euros) et du portique 202 (501 548 euros avec des frais d'assurance s'élevant à 18 803 euros), des coûts d'enlèvement et de démontage des portiques (600 000 euros), des surcoûts de maintenance (423 107,19 euros), des moyens supplémentaires qu'elle a dû engager au terminal de Bassens (1 441 228 euros), des frais de personnel (400 000 euros) et de l'atteinte à son image et à sa réputation (300 000 euros), assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
3°) de rejeter les conclusions d'appel incident du GPMB ;
4°) de mettre à la charge du GPMB une somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la résiliation partielle de la convention du 14 avril 2010 n'était pas seulement irrégulière, faute d'une mise en demeure, mais encore infondée, aucun manquement d'une particulière gravité dans l'exécution de ses obligations contractuelles ne lui étant imputable : le tribunal aurait dû la requalifier en résolution aux torts exclusifs du GPMB ;
- par suite, elle peut prétendre à la réparation intégrale de ses préjudices :
- il existe un lien de causalité direct entre, d'une part, les fautes contractuelles du GPMB et l'impossibilité d'exploiter le site du Verdon et, d'autre part, les surcoûts liés au transfert de son activité sur le site de Bassens par suite de l'arrêt d'exploitation des portiques 201 et 202 ;
- le transfert des 9 salariés du site du Verdon à celui de Bassens a entraîné un surcoût en termes de transport et de jours de repos compensateurs, pour un montant total de 551 405 euros ;
- elle a exposé sur le site de Bassens des surcoûts d'un montant total de 889 823 euros ;
- elle doit être indemnisée de la valeur non-amortie des portiques 201 (439 616,08 euros) et 202 (501 548 euros) ; ce préjudice est certain, après la décision du Tribunal des conflits n° 4099 du 13 novembre 2017 ;
- la résiliation de la convention de terminal ayant entraîné celle du contrat de maintenance, elle a droit à être indemnisée des surcoûts de maintenance des portiques puisqu'elle a continué de payer le forfait de maintenance depuis 2013 ; ces surcoûts s'élèvent à 243 977,10 euros pour le portique 201 et à 271 097 euros pour le portique 202 ;
- elle doit être indemnisée pour les frais d'assurance du portique 202 au titre de l'année 2013 alors que ce portique était inexploitable, soit 18 803 euros ;
- le préjudice lié aux frais d'enlèvement et de démontage des portiques doit être évalué à la somme de 600 000 euros ; le GMPB n'a pas exécuté le jugement et la demande de restitution de la somme de 150 000 euros n'est donc pas fondée ;
- elle a droit à être indemnisée au titre de la prise en charge des coûts de licenciement des salariés affectés sur le site du Verdon et qui ne peuvent pas être réaffectés sur celui de Bassens, soit 400 000 euros ;
- elle subit un manque à gagner de 3 888 580 euros ;
- les conditions de résiliation du contrat ont porté atteinte à son image et à sa réputation, pour un montant de 300 000 euros.
Par des mémoires, enregistrés le 17 février 2017, le 18 avril 2017, le 3 avril 2018 et le 26 juin 2018, enfin par un mémoire récapitulatif et une pièce supplémentaire enregistrés le 27 juin 2019 et le 26 juillet 2019, le grand port maritime de Bordeaux conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, au rejet de la demande d'indemnisation de la société BAT et de la demande de condamnation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentée devant le tribunal, et à ce que soit mise à la charge de la société BAT une somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la convention de terminal revêt le caractère d'une concession de services et l'intérêt général commande d'assurer la continuité du service ;
- l'article 11 ne limite pas la possibilité de résilier la convention au cas où l'activité cesserait pendant six mois consécutifs ; il lui ouvre seulement la faculté de prononcer la résiliation totale de la convention alors même qu'une cessation d'activité de six mois n'affecterait que l'une des trois composantes du terminal portuaire ; l'article 11 n'était ainsi pas applicable en l'espèce et c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur la méconnaissance de cette stipulation pour le condamner à indemniser la société ;
- la cessation d'activité du site du Verdon est constitutive de la part de la société BAT d'une faute d'une particulière gravité de nature à justifier la résiliation en litige ;
- il a adressé le 9 avril 2013 une lettre qui doit être regardée comme une mise en demeure ; à supposer même que la résiliation soit regardée comme ayant été prononcée sans mise en demeure, cette irrégularité formelle n'ouvre droit à aucune indemnisation car elle est justifiée au fond ;
- à titre subsidiaire, les sommes réclamées par la société BAT sont dépourvues de tout fondement ;
- le portique 201 a été régulièrement transféré à la société BAT le 5 avril 2011 et était exploitable depuis le 9 mai 2012 ;
- le portique 202 a été cédé à compter de l'avenant du 28 septembre 2009 et remis en service à compter du 20 août 2011 ;
- les travaux de réparation de la panne qu'a connue le portique 202 le 18 février 2013 ne relevant pas du contrat de maintenance conclu par eux, la société BAT était libre de confier la réparation au prestataire de son choix ; d'ailleurs, elle disposait dès le 12 avril 2013 d'un devis qu'elle jugeait satisfaisant auquel elle n'a pas donné suite ;
- les préjudices allégués ne présentent pas de caractère direct et certain ;
- dès lors que la société BAT s'est affranchie du paiement des portiques, elle ne saurait réclamer une indemnisation de leur valeur non amortie ;
- la résiliation anticipée d'une concession pour faute du concessionnaire n'ouvre droit à indemnisation de la valeur non amortie des investissements réalisés par celui-ci que lorsque ces investissements, devant revenir au concédant, celui-ci bénéficierait, en l'absence d'indemnisation, d'un enrichissement sans cause ;
- l'indemnisation de la valeur non amortie d'immobilisations réalisées pour les besoins de l'exécution d'un contrat ne peut dépasser la valeur nette comptable inscrite au bilan lorsque l'amortissement a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat ;
- les conditions prévues par l'avenant n° 1 du 29 septembre 2009 au protocole d'accord du 2 juillet 2009 n'étaient pas remplies en l'espèce pour permettre une rétrocession du portique 202.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports ;
- la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... E...,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant le grand port maritime de Bordeaux et de Me B..., représentant la SELARL Malmezat-Prat, mandataire judiciaire liquidateur de la SAS Bordeaux atlantique terminal.
Considérant ce qui suit :
1. Par un protocole d'accord conclu le 2 juillet 2009 dans le cadre des articles 7 et 9 de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, complété par un avenant du 28 septembre 2009, le Grand port maritime de Bordeaux (ci-après le GPMB), avec deux opérateurs déjà présents sur le port, la société Balguerie et la société Sea-Invest Bordeaux, a convenu de la constitution d'une société par actions simplifiée dont ils seraient les actionnaires, de la cession à cette société des outillages utilisés pour les opérations de chargement, de déchargement, de manutention et de stockage sur le terminal composé des sites du Verdon et de Bassens.
2. Une " convention de terminal " valant autorisation d'occupation des sites portuaires du Verdon et de Bassens, pour une durée de trente-cinq ans à compter de la date de transfert effectif des outillages, a été conclue le 14 avril 2010 entre le GPMB et la société ainsi créée, dénommée Bordeaux Atlantique Terminal (ci-après la société BAT), tandis que le GPMB s'est réservé la maintenance des outillages cédés par un contrat du 10 juin 2011.
3. La société BAT devait acquérir les outillages décrits en annexe à l'acte de cession du 14 avril 2010, comprenant notamment sur le site du Verdon deux portiques 201 et 202. Toutefois la cession de ces deux portiques a dû être reportée à plusieurs reprises, ces équipements vétustes n'étant pas en état de fonctionnement. Le contrat de travaux et de prestations de service conclu le 10 juin 2011 stipulait d'ailleurs à l'article 7.1.1.1 que les deux portiques 201 et 202 ainsi que deux grues étaient hors d'exploitation et que ces outillages devaient faire l'objet de réparation à la charge du GPMB. Le portique 202 faisait l'objet de travaux de reprise à la charge du GPMB avant sa remise en exploitation le 20 août 2011. Mais à l'été 2012, un désaccord subsistait entre le GPMB et la société sur le caractère opérationnel du portique 201 et la consistance des travaux à réaliser pour assurer le bon fonctionnement de cet équipement.
4. Le 18 février 2013, une avarie affectait la couronne d'orientation du portique 202. Le site du Verdon se trouvait alors privé de portique opérationnel, le portique 201 étant déjà à l'arrêt. Le 22 mai 2013, le GPMB résiliait partiellement la convention de terminal en ce qui concernait ce site portuaire. La société BAT demandait au tribunal administratif de Bordeaux que le GPMB soit condamné à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis à la suite de cette résiliation partielle, irrégulière et injustifiée selon elle. Le tribunal administratif a fait droit, partiellement, à sa demande d'indemnisation par un jugement n° 1302735 du 13 juin 2016 en condamnant le GPMB à verser à la société une somme de 150 000 euros au titre des frais de démontage et d'enlèvement des portiques.
5. La société BAT relève appel de ce jugement et demande à la cour l'indemnisation intégrale des préjudices résultant selon elle de la résiliation partielle de la convention de terminal. Le GPMB, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de rejeter l'intégralité de la demande d'indemnisation de la société.
6. Dans un mémoire enregistré le 13 juin 2018, la société BAT, à la suite d'une décision n° 4099 du Tribunal des conflits du 13 novembre 2017, a déclaré renoncer à la demande de sursis à statuer qu'elle avait présentée dans la requête.
Sur la régularité et le bien-fondé de la résiliation partielle de la convention de terminal du 14 avril 2010 :
7. La société BAT soutient que la résiliation partielle de la convention de terminal est intervenue dans des conditions irrégulières au regard des stipulations de l'article 11 de cet accord et, de plus, qu'aucun manquement d'une particulière gravité n'était susceptible de la justifier. Le GPMB fait valoir que ces stipulations n'étaient pas applicables, que la société a fait l'objet d'une mise en demeure régulière et que la cessation d'activité du site du Verdon est constitutive de la part de la société BAT d'une faute de nature à justifier la résiliation sans indemnité.
En ce qui concerne l'application de la convention :
8. L'article 1er de la convention de terminal du 14 avril 2010 stipule que la société BAT est autorisée à occuper les sites portuaires du Verdon et de Bassens formant le terminal et à y exploiter des outillages portuaires. En vertu du 1 de l'article 6 de la convention, le terminal doit être occupé et exploité sans discontinuité. L'article 11 de la convention intitulé " Retrait de la convention pour inexécution des clauses et conditions " stipule : " Faute par le bénéficiaire de se conformer à l'une quelconque des conditions générales ou particulières de la présente autorisation, l'autorisation sera résiliée sans indemnité par lettre recommandée avec demande d'avis de réception six mois après mise en demeure adressée au bénéficiaire, restée sans effet pendant trois mois, et notamment en cas de : ...cessation de l'usage du terminal unique, ou de l'une de ses trois composantes Bassens amont, Bassens aval, Le Verdon pendant une durée de six mois consécutifs ".
9. Il résulte de ces stipulations qu'elles étaient susceptibles d'être applicables, non seulement dans le cas où la société BAT manquait à ses obligations pour l'ensemble des sites du terminal, mais aussi dans le cas où la société cessait d'exploiter l'un des trois sites mentionnés en méconnaissance de ses obligations contractuelles. Et contrairement à ce qu'affirme le GPMB, si l'article 11 autorisait ce dernier à prononcer la résiliation intégrale de la convention de terminal même dans le cas où les manquements de la société BAT de nature à justifier une telle résiliation n'auraient affecté que l'exploitation d'un seul site du terminal, cette stipulation a fortiori n'en autorisait pas moins le GPMB à prononcer une résiliation partielle de la convention s'il estimait, comme en l'espèce, que les manquements de la société n'affectait que l'un des sites du terminal sans remettre en cause l'exécution par la société de ses obligations sur les autres sites. Le GPMB a lui-même admis que la convention de terminal ne formait pas un tout indivisible dont l'exécution n'aurait pas pu se poursuivre en ce qui concerne l'exploitation des sites de Bassens, dès lors qu'il a estimé préférable de dissocier l'exploitation du site du Verdon de celle des sites de Bassens sans pour autant remettre en cause l'exploitation par la société BAT de ces derniers sites.
En ce qui concerne la régularité de la résiliation :
10. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, le 18 février 2013, le portique 202 est tombé en panne, alors que le portique 201 ne fonctionnait plus, de sorte que le site du Verdon tout entier a cessé d'être en exploitation. Par lettre du 9 avril 2012, le GPMB a demandé à la société BAT " de bien vouloir (lui) faire connaître les mesures que (la société) entend(ait) prendre pour assurer la continuité de l'exploitation du terminal du Verdon ". Si cette lettre mentionnait l'obligation de continuité d'exploitation du terminal du Verdon, déjà compromise par la cessation d'exploitation du portique 201, elle se présentait seulement comme une demande préalable d'informations quant aux modalités et aux délais de remise en service de ces équipements, dans le cadre de l'engagement de collaboration loyale souscrit entre les deux parties en cas de difficultés d'exécution stipulé à l'article 3.4 du contrat de maintenance. La lettre ne mentionnait nullement la possibilité d'une sanction telle que la résiliation partielle de la convention de terminal au cas où la remise en service des portiques ne serait pas effective avant une date qui aurait été fixée à la société. Cette lettre était en outre adressée par le GPMB qui était aussi chargé de la maintenance des outillages. A ce titre le GPMB pouvait notamment interroger l'exploitant sur les dépannages en exploitation dont il était chargé en vertu de l'article 3.2.2.3 du contrat de maintenance nécessitant un accord avec l'exploitant. Elle ne présente donc pas le caractère d'une mise en demeure préalable à une résiliation exigée par les stipulations de la convention de terminal. Aussi bien, la lettre du 22 mai 2013 par laquelle le GPMB signifie à la société une " modification de (la) convention de terminal pour la partie relative au Verdon, dont (la société) ne sera(it) plus titulaire ", n'y fait pas référence. Le GPMB indique seulement avoir alerté la société à plusieurs reprises en lui demandant de préciser les actions qu'elle comptait prendre sur le terminal du Verdon. Cette seconde lettre, adressée seulement un mois et demi après la précédente, ne mentionne pas non plus les conditions de délai fixées par le premier alinéa de l'article 11 de la convention de terminal qui stipule qu'une résiliation ne peut intervenir que six mois après une mise en demeure formellement notifiée à la société ni ne fait référence aux engagements de l'exploitant résultant du contrat de maintenance dont dépendait la réparation des portiques. Il suit de là que, comme les premiers juges l'ont estimé à bon droit, la résiliation a été prononcée dans des conditions irrégulières. Le fait que la résiliation n'a pris effet qu'à compter de la désignation d'un nouveau titulaire qui devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2013 est sans incidence sur la régularité de la procédure.
En ce qui concerne le bien-fondé de la résiliation :
11. Seule une faute d'une gravité suffisante était de nature à justifier la résiliation de la convention de terminal aux torts exclusifs de la société BAT. Le GPBM soutient à titre subsidiaire que l'irrégularité de la résiliation ne peut ouvrir un droit à indemnisation au profit de la société BAT car cette mesure était justifiée. Dès lors que la convention de terminal stipulait les conditions de fond pouvant motiver une résiliation, il y a lieu d'examiner si la société a effectivement manqué à ses obligations sur le site du Verdon.
12. Il résulte du 1 de l'article 6 de la convention de terminal que la société BAT avait l'obligation, essentielle, d'assurer la continuité d'exploitation du site du Verdon comme sur les autres sites du terminal. Toutefois, seule l'incapacité rédhibitoire de la société à assurer la continuité du service, compte tenu des spécificités techniques de celui-ci et de l'état du matériel cédé par le GMPB dans un état de vétusté avancé et devant néanmoins être mis en oeuvre par la société, mais aussi des délais contractuels impartis pour une remise en fonctionnement du terminal après mise en demeure, était de nature à justifier la résiliation partielle de la convention de terminal aux torts de cette dernière. Il y a donc lieu de vérifier si cette condition était remplie en l'espèce.
13. Il résulte de l'instruction que le bon fonctionnement du terminal du Verdon dépendait de la continuité d'exploitation des deux portiques 201 et 202 destinés au levage des charges lourdes, à défaut de leur remplacement pur et simple. Ces équipements construits en 1976 et 1977 étaient déjà anciens lorsque leur cession par le GPMB à la société BAT a été prévue par le protocole d'accord du 2 juillet 2009, le GPMB s'étant réservé pendant 7 ans l'exclusivité de l'entretien et de la maintenance des outillages sur les sites du terminal.
14. Il résulte encore de l'instruction qu'en raison du mauvais état des portiques, le transfert de propriété a été reporté à plusieurs reprises et que ceux-ci demeuraient inexploitables un an après la conclusion de la cession des outillages intervenue le 14 avril 2010 : leur transfert à la société a seulement été conclu en vertu d'un avenant n° 4 à l'acte de cession en date du 6 avril 2011. Néanmoins, à cette date, le portique 201 était encore sorti d'exploitation par le GMPB le 27 mars 2011 en raison de très fortes vibrations et de craquements de la structure pendant les opérations de sorte que la société BAT refusait d'en prendre livraison, le GPMB s'engageant à lever les réserves avant la fin de l'année 2011. Le portique 202, quant à lui, nécessitait que le GPMB, dans les trois mois, fasse réaliser des travaux de reprise des zones corrodées et des rails de direction.
15. Il résulte de ce qui précède que la société BAT s'est vu remettre des équipements dont l'état de vétusté était admis dès le départ de la relation contractuelle par le GPMB et qu'ils ne présentaient manifestement pas un degré de fiabilité suffisant pour assurer l'exploitation normale et continue du terminal sur le site du Verdon : le portique 202 n'a été remis en service qu'en août 2011 et le portique 201 n'était toujours pas en état d'être exploité lorsque le portique 202 a subi une avarie en février 2013. Le GPMB qui s'était réservé la maintenance des équipements du terminal et notamment des deux portiques, ne pouvait donc ignorer que les conditions d'exploitation de ces derniers étaient précaires et sujettes à des défaillances répétées en rapport avec leur vétusté, ni non plus que les travaux de réparation supplémentaires sur ces équipements risquaient de se prolonger plusieurs mois comme cela avait déjà été le cas antérieurement à l'avarie ayant affecté le 18 février 2013 la couronne d'orientation du portique 202.
16. Dès le 18 avril 2013, la société BAT répondait au courrier du GPMB du 9 avril 2013 et lui rappelait que les travaux convenus d'un commun accord entre les deux parties et devant être réalisés sur le portique 201 n'avaient pas encore été achevés et qu'en ce qui concernait le portique 202, une consultation approfondie devait être engagée en vue de déterminer si la réparation du portique, compte tenu de son ancienneté (40 ans), présentait encore un intérêt. En dépit de l'état de l'outillage du terminal du Verdon, parfaitement connue du GPMB qui avait lui-même tardé dans la réalisation des réparations, il ne résulte pas de l'instruction que la société BAT se serait ainsi ouvertement refusée à remettre en état l'un au moins des deux portiques du site et ainsi à reprendre l'exploitation du terminal dans le délai contractuel de six mois alors qu'elle avait obtenu de la société Konecranes un devis des réparations le 12 avril 2013 chiffrant le remplacement de la couronne d'orientation du portique 202 à 122 000 euros HT et qu'elle indiquait rechercher avec son principal client une prévision sur les perspectives d'exploitation du terminal en vue de déterminer ses investissements sur le site du Verdon.
17. Dans la lettre du 22 mai 2013, le GPMB fait en réalité grief à la société BAT de ne pas avoir réalisé les investissements nécessaires à la remise en fonctionnement du site du Verdon jugé insuffisamment rentable. Il indique son intention de lancer un appel d'offre pour l'attribution de l'exploitation du site du Verdon " en posant des exigences d'investissements à même de garantir le fonctionnement et le développement du site ". Cette motivation qui ne fait référence ni à la lettre du 9 avril 2013, ni à la réponse dûment motivée de la société BAT du 18 avril 2013, ni non plus aux carences de la société BAT en ce qui concerne la réparation des portiques 201 et 202, révèle que le motif réel de la résiliation ne réside pas dans l'incapacité de la société de faire procéder aux réparations des portiques en vue de la reprise de l'exploitation dans le délai de six mois après mise en demeure, mais, plus fondamentalement, dans l'existence d'un désaccord entre les deux parties sur le rééquipement du site du Verdon et dans la volonté du GPMB de faire appel à un autre opérateur ayant les moyens de financer ce rééquipement. Toutefois, les accords conclus par la société BAT avec le GPMB prévoyaient la reprise de l'outillage existant censé pouvoir assurer une exploitation normale du site du Verdon et non le changement de ces équipements nécessitant des investissements que les actionnaires de la société BAT ne voulaient pas réaliser sur le site du Verdon, estimé moins rentable que celui de Bassens. Ainsi, l'interruption d'exploitation du site du Verdon ne peut être tenue pour un motif fondé de résiliation de la convention de terminal, alors qu'un délai de six mois n'a pas été laissé à la société pour rétablir le fonctionnement du terminal et que le GPMB n'a pas même mis la société en demeure de faire procéder, dans un délai raisonnable, aux réparations du portique 202 permettant une reprise au moins partielle de l'exploitation du site du Verdon. En effet, lorsque la résiliation partielle de la convention a été prononcée le 22 mai 2013, l'exploitation du site du Verdon n'avait cessé que depuis trois mois et la société BAT n'était pas restée passive puisqu'elle s'était aussi efforcée de transférer les opérations de ses clients sur les autres sites en exploitation, assurant ainsi une continuité des services fournis aux clients du terminal. Le GPMB n'a nullement pu acter la carence de la société à remettre le site en activité pendant six mois consécutifs. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que la mesure de résiliation partielle prononcée le 22 mai 2013, déjà intervenue dans des conditions irrégulières, était de surcroît injustifiée au regard des obligations contractuelles de la société BAT.
Sur les préjudices de la société BAT :
18. Il résulte de ce qui précède que la société BAT est fondée à demander au GPMB l'indemnisation de ses préjudices, mais seulement de ceux résultant directement de la résiliation partielle de la convention de terminal l'évinçant de l'exploitation du site du Verdon qui a pris effet le 1er janvier 2014 ainsi que cela résulte de la lettre du GPMB du 22 mai 2013. La société ne saurait donc prétendre à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'autres manquements du GPMB à ses engagements contractuels, notamment au titre du contrat de maintenance des outillages dont l'exécution n'est pas en litige dans la présente instance, et en ce qui concerne les réparations nécessaires en vue de la remise en service des portiques 201 et 202.
19. En premier lieu, et pour le même motif, la société BAT n'est pas fondée à demander la prise en charge des coûts d'exploitation supplémentaires qu'elle a dû exposer pour la période antérieure à la résiliation en raison des pannes d'outillage sur le site l'ayant contrainte à transférer une partie de l'activité sur d'autres sites dès avant son éviction du terminal du Verdon ni non plus des surcoûts de maintenance et d'assurance des équipements pour la période antérieure à la résiliation. La cause directe de ses coûts supplémentaires réside en effet dans la défaillance de l'outillage.
20. En deuxième lieu, la société BAT ne peut pas non plus prétendre à l'indemnisation des coûts supplémentaires, notamment de maintenance, d'assurance ou des frais de personnel, qu'elle estime avoir exposés pour la période postérieure à la résiliation en raison du transfert de l'activité du site du Verdon au site de Bassens où les opérations portuaires ont dû être réalisées à plus faible cadence. Il résulte en effet de l'instruction et notamment des rapports de l'APAVE établis le 9 mai et le 11 juillet 2012 que les défectuosités affectant le portique 201 n'étaient pas telles qu'il n'aurait pas été possible d'y remédier dans le délai de six mois à partir de la panne du portique 202, en assurant ainsi la reprise d'exploitation sur le site du Verdon sans attendre la réparation de celui-ci susceptible de nécessiter un délai supplémentaire. Toutefois, la société BAT a refusé de procéder à la remise en service de ce portique. Les surcoûts résultant du transfert d'activité et postérieurs à la résiliation auraient donc été exposés même si la convention de terminal n'avait pas été résiliée et ils sont imputables à la décision de la société BAT. En ce qui concerne le portique 202, il résulte de l'instruction que la société BAT, en raison des réticences de son principal actionnaire, n'était pas déterminée à faire procéder à sa réparation, compte tenu de la vétusté de cet équipement et de la moindre rentabilité du site du Verdon par rapport à celle du site de Bassens. Le préjudice résultant du transfert d'activité à Bassens en raison de l'interruption d'exploitation de ce second portique ne peut pas être regardé comme certain, alors que la société était en réalité prête à s'y résoudre.
21. En troisième lieu, la société ne peut prétendre, dans le cadre du présent litige, à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la poursuite de l'exécution du contrat de maintenance conclu avec le GPMB et des paiements indus qu'elle estime avoir effectués à ce titre. Ces demandes relèvent en effet d'un litige distinct relatif à l'exécution du contrat et les préjudices invoqués n'ont pas de lien direct avec la résiliation en litige. De surcroît, et en tout état de cause, pour la période postérieure au 1er janvier 2014, un avenant n° 2 au contrat de maintenance conclu le 1er juin 2015 stipule que les portiques 201 et 202 sont exclus de la facturation de la maintenance par le GPMB à compter de cette date, de sorte que la société ne peut prétendre à aucune indemnisation à ce titre.
22. En quatrième lieu, la société BAT n'établit pas que la perte de marge consécutive à la cessation d'activité du site du Verdon n'aurait pas été intégralement compensée par le transfert de ses clients et par suite le surcroît d'activité réalisé au terminal de Bassens alors au surplus qu'elle a persisté à affirmer que l'exploitation du terminal était plus rentable sur ce second site.
23. En cinquième lieu, la société BAT ne peut pas davantage être indemnisée au titre des frais de licenciement de personnel car elle ne justifie pas que ceux-ci auraient été directement exposés en raison d'une réduction de son activité consécutive à la résiliation en litige, en dépit du transfert de ses moyens à Bassens. La société ne peut pas non plus prétendre à une indemnisation des frais de licenciement qui résulteraient, non de la résiliation en litige, mais de la décision du GPMB de fermer le terminal à conteneurs de Bassens en vue de concentrer cette activité sur le site du Verdon repris par un nouvel opérateur. Au surplus, le personnel du GPMB détaché dans la société BAT bénéficie d'un droit à réintégration en cas de licenciement économique et des indemnités ne seraient dues à ces salariés qu'en cas de refus de réintégration. Ce chef de préjudice ne découle pas directement de la résiliation et en tout état de cause ne présente pas non plus un caractère certain.
24. En sixième lieu, le portique 201 a été cédé à la société BAT le 30 septembre 2010 au prix de 375 000 euros, même si sa livraison a été retardée. La circonstance que la société BAT a refusé la remise en service du portique est sans incidence sur le transfert de propriété effectif après la réalisation de travaux de réparation par le GPMB. Le portique 202 a été cédé à la société au terme de l'avenant du 28 septembre 2009 et a fait l'objet d'un acte de cession le 14 avril 2010 et la remise du portique était effective au 6 avril 2011 ; le prix de cession a été fixé à 568 000 euros HT. S'il est exact que le protocole d'accord conclu le 2 juillet 2009 entre la société Sea-Invest Bordeaux, la société Balguerie et le GPMB tel qu'il a été modifié par avenant n° 1 du 28 septembre 2009 stipulait en son article 7 une clause de rétrocession des portiques pour une valeur forfaitaire, cette rétrocession était uniquement prévue en cas d'arrêt définitif d'exploitation pour cause de pannes non réparables intervenant dans un délai inférieur à 3 ans (portique 201) ou 5 ans (portique 202) suivant leur cession. Il résulte de l'instruction que les parties ne se sont pas entendues sur l'application de ces stipulations demandées par la société BAT par lettre du 29 décembre 2013, qui, au demeurant, n'ont été reprises ni dans la convention de terminal ni dans l'acte de cession des outillages ne comportant qu'un droit de préemption au bénéfice du GPMB, ni non plus dans les avenants à l'acte de cession. De plus, les pannes des deux portiques étaient réparables et le différend portait en réalité sur le coût de la remise en état. Enfin, l'article 15 de la convention de terminal stipule que les biens mobiliers restent la propriété de la société à moins que le GPMB exerce un droit de préemption en cas de résiliation de la convention par le bénéficiaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par conséquent, la société BAT n'est pas fondée à réclamer une indemnisation égale à la valeur nette comptable des portiques dont elle est restée propriétaire, aucun retour de ces outillages à titre gratuit dans le patrimoine du GPMB n'étant intervenu.
25. En revanche, il résulte de l'article 15 de la convention que, dès lors que la reprise de l'exploitation du site du Verdon par la société BAT est exclue, celle-ci demeure tenue de retirer ses équipements. Toutefois, la société ne peut pas justifier d'un coût effectif du démontage et de l'enlèvement des portiques restés sur place supérieur à la somme fixée par les premiers juges. Il n'y a pas lieu de revenir sur la juste évaluation du tribunal qui a chiffré ce préjudice à 150 000 euros.
26. En dernier lieu, la société BAT ne justifie pas plus en appel qu'en première instance d'un préjudice d'image et de réputation commerciale en se bornant à faire état d'un communiqué de presse du GPMB.
27. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société BAT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a seulement condamné le GPMB à lui verser une indemnité de 150 000 euros et, d'autre part, que les conclusions d'appel incident du GPMB ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
28. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : La requête de la SELARL Malmezat-Prat, mandataire judiciaire liquidateur de la SAS Bordeaux atlantique terminal, est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident du Grand port maritime de Bordeaux et les conclusions de ce dernier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la SELARL Malmezat-Prat mandataire judiciaire liquidateur de la société Bordeaux Atlantique Terminal et au Grand port maritime de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. D... E..., président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 octobre 2019.
L'assesseur,
Dominique FerrariLe président-rapporteur,
Philippe E... Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 16BX02763 2