Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés le 24 janvier 2019 et le 7 février 2019, Mme A... C..., représentée par Me F..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 3 décembre 2018 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) à défaut, d'annuler la décision en litige et d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :
- elle n'avait pas à confirmer expressément le maintien de sa requête au fond dès lors que sa demande de référé suspension a été rejetée au motif que la condition d'urgence n'était pas remplie ;
- en outre, le courrier de notification de l'ordonnance du juge des référés ne mentionne pas qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, elle est réputée s'être désistée ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée : le préfet de la Gironde n'a pas répondu à sa demande de communication des motifs de sa décision ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : elle justifie d'une présence ininterrompue en France depuis plus de 4 ans ; elle a eu deux filles avec un compatriote titulaire d'une carte de résident ; sa fille aînée issue d'une précédente union est scolarisée ; la cellule familiale ne peut se reconstituer au Maroc dès lors que son compagnon est également père de deux autres enfants issus d'une précédente union ; en outre, ses deux soeurs, dont l'une est de nationalité française, et son frère résident régulièrement sur le territoire français ; elle est bien intégrée ;
- cette décision méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : l'existence de motifs exceptionnels est caractérisée par la durée de sa présence en France et par l'existence d'un enfant scolarisé depuis de nombreuses années ; en outre, elle a travaillé régulièrement lorsqu'elle était en situation régulière ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 septembre 2019 à 12h00.
Mme A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... E...,
- et les observations de Me F..., représentant Mme A... C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante marocaine née le 7 juin 1987, est entrée en France le 10 janvier 2014 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour délivré en qualité de conjointe de Français. Elle s'est vu délivrer plusieurs titres de séjour en cette qualité, dont le dernier à expiré le 6 décembre 2016. Le 13 avril 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que sur le fondement de l'article L. 313-14 de ce code. Sa demande a été rejetée par une décision implicite du 16 août 2018, née du silence gardé par le préfet de la Gironde pendant plus de 4 mois. Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette décision et d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision. Par une ordonnance n°1804528 du 25 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le référé suspension. Par une ordonnance n° 1804527 du 3 décembre 2018, dont Mme A... C... relève appel, le président du tribunal administratif de Bordeaux a donné acte du désistement de sa requête tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté. ".
3. Par une ordonnance n° 1804528 du 25 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de Mme A... C... tendant à la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Gironde pendant plus 4 mois sur la demande de titre de séjour au motif que la condition d'urgence exigée par ces dispositions n'était pas remplie et sans se prononcer sur les moyens d'annulation présentés par la requérante. Par suite, et alors que, dans ces conditions, Mme A... C... n'était nullement tenue de confirmer son recours pour excès de pouvoir, cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif lui a, par l'ordonnance attaquée, donné acte de son désistement sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative.
4. Il y a lieu d'annuler cette ordonnance et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il statue à nouveau sur la demande de Mme A... C....
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros à Me F... sous réserve que cette dernière renonce à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1804527 du 3 décembre 2018 du président du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 800 euros à Me F... sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... C..., au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. D... E..., président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 octobre 2019.
Le président-assesseur,
Dominique Ferrari Le président,
Philippe E... Le greffier,
Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00354