Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2015, MmeE..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 21 avril 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de son dossier ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Mauny a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeE..., ressortissante du Kosovo née le 14 juin 1983, est entrée en France le 26 novembre 2012. Sa demande d'admission au séjour en qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 mai 2013 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 11 février 2014. Elle a sollicité ensuite, le 12 mars 2014, son admission au séjour en qualité d'étranger malade, mais s'est vu opposer une décision portant refus de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité, par un arrêté du préfet de la Gironde du 21 avril 2015. Elle fait appel du jugement du 10 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 21 avril 2015.
Sur le détournement de pouvoir :
2. La circonstance que l'époux de Mme E...s'est vu opposer le même jour un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'est pas de nature à démonter que l'arrêté du 21 avril 2015 aurait été pris dans un autre but que celui de répondre à la demande de l'intéressée, formulée le 12 mars 2014. Le moyen tiré du détournement de pouvoir soulevé par la requérante contre l'arrêté en litige ne peut donc qu'être écarté.
Sur la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ". Enfin, l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé précise, à son article 1er, que : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique ", à son article 3, que : " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution ".
4. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les services de la préfecture, qui n'ont pas à saisir le médecin de l'agence régionale de santé du dossier de l'étranger demandant son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont en revanche interrogé ce médecin sur l'état du dossier de MmeE.... Le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas saisi le médecin de l'agence régionale de santé avant de prendre sa décision ne peut donc qu'être écarté.
5. D'autre part, si Mme E...fait valoir qu'elle souffre d'une pathologie psychiatrique nécessitant le suivi d'un traitement en France, les éléments qu'elle produit, à savoir une lettre du 25 juin 2014 du docteur Finckh relatif à l'état de santé de M.D..., et une attestation établie le 22 juin 2015, postérieurement à la décision attaquée, par MmeB..., psychologue au CHU de Bordeaux, ne permettent d'établir ni la gravité des troubles dont elle serait atteinte, ni l'impossibilité d'une prise en charge médicale au Kosovo. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 en qualité d'étranger malade. Il ne ressort pas des pièces du dossier en revanche qu'elle aurait sollicité une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux parents d'enfants mineurs malades. Le préfet n'étant tenu par aucun principe ni disposition législative ou réglementaire d'examiner d'office le droit au séjour de l'intéressé sur un autre fondement que celui de sa demande, et au surplus s'agissant d'un document différent de celui dont la délivrance a été sollicitée, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le suivi médical régulier nécessité par l'état de santé de son fils, Argjend, ne pourrait pas être assuré dans son pays d'origine. Mme E...ne peut donc pas non plus prétendre à un titre de séjour sur ce fondement.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E...n'est entrée en France que le 26 novembre 2012, à l'âge de 29 ans, après avoir toujours vécu au Kosovo. Si elle se prévaut de la présence sur le territoire de son conjoint, M.D..., et de leurs trois enfants, qui sont nés en 2010, 2013 et 2014, le conjoint de l'intéressée fait également l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire dont la légalité n'a pas été remise en cause par un arrêt de la cour n° 15BX03498 de ce jour. En outre, il ressort des pièces du dossier que le père ainsi qu'au moins une soeur de la requérante vivent dans son pays d'origine. Ainsi, dès lors que rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale au Kosovo et que Mme E...ne démontre pas avoir d'autres liens sur le territoire ni y être particulièrement intégrée, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, si Mme E...fait valoir que son premier enfant est scolarisé en classe de maternelle, et que deux autres enfants sont nés en France de son union avec M.D..., elle n'établit pas ni même allègue, que ses enfants seraient empêchés de suivre une scolarité normale dans le pays dont ils ont la nationalité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été exposé au point 8 du présent arrêt, que le suivi médical régulier nécessité par l'état de santé de son fils, Argjend, ne pourrait pas être assuré dans son pays d'origine. Ainsi, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la famille des enfants devrait être séparée, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 10 du présent arrêt, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en l'obligeant à quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, le présent arrêt écartant les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de MmeE..., le moyen selon lequel l'illégalité de cette décision priverait de base légale celle de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.
13. En second lieu, si Mme E...soutient qu'elle serait exposée à des pressions familiales en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son mariage avec M.D..., elle n'apporte aucun élément précis à l'appui de ses allégations. Au surplus, elle s'était prévalue devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des risques que des trafiquants de drogue auraient fait courir à son mari, risques qui n'ont pas été regardés comme établis par l'Office qui a rejeté sa demande d'asile le 6 mai 2013, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 février 2014. Ainsi, en l'absence d'éléments crédibles et probants apportés par la requérante, qui s'est prévalue de risques différents selon les démarches qu'elle a effectuées, le moyen tiré des risques personnels encourus en cas de renvoi au Kosovo doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que MmeE..., épouseD..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme E...épouse D...est rejetée.
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N° 15BX03501