Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés le 27 août 2014 et le 6 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 juin 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Pioneer Hi Bred Switzerland devant le tribunal administratif de Toulouse et de rétablir la société aux rôles des impositions en litige à hauteur des décharges prononcées à tort par le tribunal.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
-le code du commerce ;
-le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Pioneer Hi Bred Switzerland.
Considérant ce qui suit :
1. La société suisse Pioneer Hi Bred Switzerland est responsable de l'exploitation pour l'Europe des actifs incorporels du groupe Pioneer spécialisé dans la génétique végétale avancée à destination de l'agriculture ainsi que de la production et de la commercialisation en gros des semences Pioneer. Elle a conclu le 1er janvier 2003 avec la société Pioneer Semences, une société établie en France, un contrat de commission aux termes duquel cette dernière était chargée de distribuer en France des semences agricoles et d'autres produits de Pioneer. Ces deux sociétés ont fait l'objet de vérifications de comptabilité à l'issue desquelles l'administration fiscale, estimant que la société suisse disposait en France d'un établissement stable par l'intermédiaire de la société Pioneer Semences, a mis à la charge de la société Pioneer Hi Bred Switzerland des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions additionnelles à cet impôt et de cotisation minimale à la taxe professionnelle au titre des exercices clos 2004 et 2005 ainsi que les pénalités correspondantes. Le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 19 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a déchargé la société Pioneer Hi Bred Switzerland des impositions et pénalités en litige.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et les contributions à l'impôt sur les sociétés :
2. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes de l'article 7 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 : " 1) Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement... ". Aux termes de l'article 5 de la même convention : " 1) Au sens de la présente convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) L'expression "établissement stable" comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau ; d) une usine ; e) un atelier ; f) une mine, une carrière, ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; g) un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois... 4) Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 6, est considérée comme "établissement stable" dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise... 6) On ne considère pas qu'une entreprise d'un Etat a un établissement stable dans l'autre Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'intermédiaire d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre normal de leur activité ; 7) Le fait qu'une société qui est un résident d'un Etat contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l'autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l'une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l'autre... ". Pour l'application de ces stipulations, une société résidente de France contrôlée par une société résidente de Suisse ne peut constituer un établissement stable de cette dernière que si elle ne peut être considérée comme un agent indépendant de la société résidente de Suisse et si elle exerce habituellement en France des pouvoirs lui permettant d'engager cette société dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de cette société.
3. Aux termes de l'article L. 132-1 du code du commerce : " Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant (...) ". Il résulte de ces dispositions que les contrats conclus par le commissionnaire, alors même qu'ils sont conclus pour le compte de son commettant, n'engagent pas directement ce dernier vis-à-vis des cocontractants du commissionnaire. Par suite, un commissionnaire ne peut en principe constituer, du seul fait de ce qu'en exécution de son contrat de commission il vend, tout en signant les contrats en son propre nom, les produits ou services du commettant pour le compte de celui-ci, un établissement stable du commettant, sauf s'il ressort soit des termes mêmes du contrat de commission, soit de tout autre élément de l'instruction, qu'en dépit de la qualification de commission donnée par les parties au contrat qui les lie, le commettant est personnellement engagé par les contrats conclus avec des tiers par son commissionnaire qui doit alors, de ce fait, être regardé comme son représentant et constituer un établissement stable.
4. Le ministre des finances et des comptes publics soutient, sur le fondement des dispositions combinées du I de l'article 209 du code général des impôts et des stipulations de l'article 5 de la convention franco-suisse susmentionnée, qu'il ressort des termes du contrat de concession liant la société Pioneer Hi Bred Switzerland à la société Pioneer Semences que cette dernière a pour activité unique la vente pour le compte et aux risques de la société Pioneer Hi Bred Switzerland des produits de celle-ci, que la société Pioneer Semences prend les commandes et livre les produits sans l'accord de la société Pioneer Hi Bred Switzerland et que les commandes de produits sont systématiquement assorties d'une clause de reprise des invendus par Pioneer Hi Bred Switzerland.
5. Toutefois, il ne ressort pas des stipulations du contrat de commission que les contrats conclus par la société Pioneer Semences engageraient la société Pioneer Hi Bred Switzerland à l'égard de ses contractants ni non plus d'aucun autre élément de l'instruction que la société Pioneer Hi Bred Switzerland serait personnellement engagée par les contrats conclus avec des tiers par la société Pioneer Semences. Aussi bien la convention stipule au point 2.2 que le commissionnaire agit comme un " entrepreneur indépendant " et n'a " pas d'autre droit (que celui du commissionnaire à la vente sur le territoire contractuel, en son nom propre mais pour le compte de PHS) pour conclure le moindre engagement pour le compte de PHS vis-à-vis de ses clients ". Ainsi, quel que soit le degré de sa dépendance vis-à-vis de la société Pioneer Hi Bred Switzerland, la société Pioneer Semences ne peut être regardée comme constituant un établissement stable de la société requérante au sens du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention franco-suisse.
6. Si l'administration fiscale soutient que la société Pioneer Hi Bred Switzerland a bénéficié d'un régime de faveur en droit interne suisse en se prévalant d'un établissement stable en France, une telle circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la détermination, pour l'imposition en France des résultats de la société, d'un établissement stable au sens des stipulations de l'article 5 de la convention franco-suisse.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir estimé que la société Pioneer Semences ne pouvait pas être regardée comme un établissement stable de la société Pioneer Hi Bred Switzerland, a déchargé cette dernière des cotisations en litige d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt ainsi que des pénalités y afférentes.
En ce qui concerne la taxe professionnelle :
7. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ". Aux termes de l'article 1467 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " La taxe professionnelle a pour base : / 1° Dans le cas des contribuables autres que les titulaires de bénéfices non commerciaux, les agents d'affaires et les intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés : / a) la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) ". Selon l'article 1473 du code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " La taxe professionnelle est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés ou rattachés et des salaires versés au personnel (...) ".
8. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Pioneer Hi Bred Switzerland aurait disposé en France d'immobilisations, tout au moins de locaux, autres que ceux dont disposait la société Pioneer Semences pour les besoins de sa propre activité de commissionnaire. Par suite, le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge de la cotisation minimale à la taxe professionnelle à laquelle a été assujettie la société Pioneer Hi Bred Switzerland au titre des exercices clos en 2004 et 2005 et des pénalités correspondantes.
DECIDE
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
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N° 14BX02611