Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2016, MmeB..., représentée par Me Aymard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 septembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 10 mai 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant le temps de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., de nationalité nigériane, est entrée en France le 25 octobre 2014 selon ses déclarations et a sollicité le bénéfice de l'asile. Elle relève appel du jugement du 19 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2016, par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la demande d'asile de Mme B...présentée le 25 octobre 2014 : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile... ". Aux termes des dispositions de l'article R. 723-2 du même code, devenues celles de l'article R. 723-19 dans leur rédaction issue du décret n° 2015-1166 du 16 octobre 2015 : " La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...). " Dans cette nouvelle rédaction, le III du même article R. 723-19 ajoute : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques et fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a sollicité l'asile en France le 25 octobre 2014 ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus. La demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 décembre 2015. Mme B...soutient que cette décision ne lui a pas été régulièrement notifiée compte tenu des mentions portées sur le pli lui ayant notifié la décision.
5. Le préfet de la Gironde, pour justifier la notification régulière de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, se réfère à la base de données Telemofpra de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides indiquant que la décision rejetant la demande d'asile a été notifiée le 11 janvier 2016. La preuve du contraire peut néanmoins résulter des mentions portées sur l'enveloppe contenant la notification de la décision.
6. Le pli contenant la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 décembre 2015 rejetant la demande d'asile de Mme B...a été adressé à cette dernière : " chez la CIMADE, 32 rue du Commandant Arnoud, 33000 Bordeaux ", correspondant à la dernière adresse indiquée par l'intéressée. Toutefois, l'avis de réception ne porte mention d'aucune date de présentation, ni n'indique si la destinataire a été avisée que le pli pouvait être retiré au bureau de poste. Le document ne mentionne pas la date à laquelle le pli a été renvoyé à l'Office, de sorte que la mise en instance du pli au bureau de poste conforme à la réglementation postale ne peut pas non plus être établie. Dans ces conditions, les mentions portées sur le pli contredisent celle figurant dans la base Telemofpra selon laquelle le pli aurait été notifié régulièrement le 11 janvier 2016, qui ne peut donc faire foi.
7. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne pouvait pas être regardée comme ayant été notifiée régulièrement à l'intéressée : Mme B...bénéficiait toujours d'un droit au séjour provisoire. Le refus de séjour opposé par le préfet, et par voie de conséquence les autres décisions contenues dans l'arrêté du 10 mai 2016, sont dès lors entachées d'illégalité.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard au motif sur lequel elle se fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement qu'il soit fait injonction au préfet de procéder à un réexamen de la situation de l'intéressée dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Aymard, avocat de MmeB..., de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1602465 du tribunal administratif de Bordeaux du 19 septembre 2016 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 10 mai 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de Mme B...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Aymard, sous réserve que ce denier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
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N° 16BX04253