Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2018, la société Hélio Fonds Caraïbes, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 23 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2016 du préfet de la Guadeloupe et la décision portant rejet du recours gracieux du 16 juin 2016 susmentionnés ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; à défaut, de statuer à nouveau sur la demande dans le délai de deux mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle justifie d'un intérêt à agir dès lors que l'arrêté attaqué a été adressé à sa société mère, la société Quadran, et concerne un terrain dont elle est devenue elle-même propriétaire suite à la convention de transfert de droits signée le 20 juin 2016 avec la société mère ; ainsi venant aux droits de la société Quadran, elle est seule à même de contester l'arrêté de refus de permis de construire ;
- le projet d'installation de centrales photovoltaïques ne constitue pas une opération d'aménagement et d'urbanisme au sens de l'article L. 300-1 et de l'article R. 300-1 du code de l'urbanisme ; dès lors contrairement au premier motif de refus retenu par le préfet, la commission départementale de consommation des espaces agricoles (CDCEA) devenue commission départementale de la préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF) qui doit en vertu de l'article L. 181-12 du code rural rendre un avis conforme sur certains projets, n'avait pas à être consultée ni à donner un avis favorable au projet ; à tout le moins le préfet aurait dû constater que l'avis négatif de cette commission dont la motivation est reprise à son compte par le préfet était irrégulier et ainsi l'écarter ;
- le plan d'occupation des sols opposé au projet est entaché de caducité dès lors qu'aucune procédure de révision du plan d'occupation des sols (POS) n'est intervenue avant le 31 décembre 2015 ; dès lors seules les dispositions du règlement national d'urbanisme (RNU) sont applicables lesquelles ne s'opposent pas à l'implantation d'une centrale photovoltaïque sur le lieu-dit Petite Place de la commune ;
- en tout état de cause, le projet respecte le POS précité dès lors que la zone NDb où il se situe, si elle est destinée aux équipements éoliens, n'interdit pas d'autres équipements techniques ; en outre les équipements techniques, sans autre précision sont autorisés plus généralement par l'article qui concerne l'ensemble de la zone ND1 ; enfin l'article ND1§ II B du POS n'exclut pas les centrales photovoltaïques ; dès lors ce type d'installations techniques est autorisé dans ce secteur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet au mémoire produit par le préfet de la Guadeloupe en première instance, enregistré par le tribunal administratif de la Guadeloupe le 14 décembre 2016.
Par ordonnance du 20 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Hélio Fonds Caraïbes.
Une note en délibéré présentée pour la société Hélio Fonds Caraïbes a été enregistrée le 2 octobre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 février 2016, le préfet de la Guadeloupe a refusé de délivrer à la société Quadran SAS un permis de construire en vue de l'édification d'une centrale photovoltaïque avec système de stockage, sur le site de Petite Place sur le territoire de la commune de Capesterre de Marie-Galante. La société Quadran SAS a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 8 avril 2016, rejeté par décision du 16 juin 2016. La société Hélio Fonds caraïbes, filiale de la société Quadran SAS, a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe l'annulation de cet arrêté préfectoral du 22 février 2016, ainsi que de la décision de rejet du recours gracieux du 16 juin 2016. Par un jugement du 23 novembre 2017, le tribunal a rejeté sa demande pour défaut d'intérêt pour agir. La société Hélio Fonds Caraïbes relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la société Hélio Fonds Caraïbes, filiale à 100% de la société par actions simplifiée Quadran SAS, s'est vue transférer par l'article 1er de la convention du 20 juin 2016 " l'ensemble des droits " relatifs au projet d'installation de centrales photovoltaïques au lieu-dit Petite Place sur le territoire de la commune de Capesterre de Marie-Galante. Par suite, la société Hélio Fonds Caraïbes qui vient aux droits de sa société mère pour la réalisation de ce projet, justifie d'un intérêt à agir dans la présente instance.
3. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité du jugement, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa requête pour défaut d'intérêt à agir et à en demander pour ce motif, l'annulation. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Hélio Fonds Caraïbes.
Sur la légalité de l'arrêté portant refus de permis de construire :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 181-1 du code rural et de la pêche maritime, alors applicable : " Pour son application dans les départements d'outre-mer, l'article L. 112-1-1 est ainsi rédigé : " Art. L. 112-1-1. _ Il est créé une commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers composée, outre le préfet qui la préside, de représentants en proportion égale : " 1° Des services de l'Etat ; " 2° Des collectivités territoriales ; " 3° De la profession agricole, des opérateurs fonciers agricoles et d'au moins un propriétaire foncier ; " 4° Des associations agréées de protection de l'environnement. " Aux termes de l'article L. 181-3 du même code, alors applicable : " (...) tout projet d'opération d'aménagement et d'urbanisme ayant pour conséquence la réduction des surfaces naturelles, des surfaces agricoles et des surfaces forestières dans les communes disposant d'un document d'urbanisme, ou entraînant la réduction des espaces non encore urbanisés dans une commune soumise au règlement national d'urbanisme, doit faire l'objet d'un avis favorable de la commission mentionnée à l'article L. 181-1. / Pour exercer cette mission, les membres de la commission sont destinataires, dès leur réalisation, de toutes les études d'impact effectuées dans le département en application des articles L. 110-1, L. 110-2 et L. 122-6 du code de l'environnement. Il en va de même pour les évaluations environnementales réalisées dans le département en application des articles L. 104-1 à L. 104-3 du code de l'urbanisme. (...) ". Aux termes de l'article L. 181-2 du même code : " La commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, mentionnée à l'article L. 181-1, se prononce sur les questions générales relatives à la régression des surfaces naturelles, agricoles et forestières et à leur mise en valeur effective. Elle formule des propositions sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de l'espace agricole. Elle est consultée, dans les conditions définies à l'article L. 181-3, sur toute mesure de déclassement de terres classées agricoles. " Il résulte de ces dispositions que, dans les départements d'outre-mer, lorsqu'un projet d'urbanisme a pour conséquence de réduire les surfaces naturelles, agricoles ou forestières, l'autorité compétente ne peut en autoriser la réalisation par la délivrance d'un permis de construire qu'après avoir recueilli l'avis favorable de la commission. Ces dispositions visent tout projet " d'opération d'aménagement et d'urbanisme ", quand bien même il ne serait pas au nombre des opérations d'aménagements visées à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet tend à l'installation de centrales photovoltaïques avec système de stockage sur un terrain cadastré AD 485 au lieu-dit Petite Place sur le territoire de la commune de Capesterre de Marie-Galante. Ainsi, ce projet, qui implique la création dans une zone naturelle de bâti d'une surface de plancher de 126 m2 et la réduction de surfaces naturelles, constitue bien un projet d'opération d'aménagement et d'urbanisme au sens des dispositions précitées de l'article L. 181-3 du code rural. Dans ces conditions, le projet était soumis à l'exigence d'un accord de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. En l'espèce cette commission, alors dénommée commission départementale de consommation des espaces agricoles, a rendu le 26 novembre 2015 un avis défavorable au projet. Par suite, les moyens tirés de ce que l'avis de la commission précitée n'était pas, contrairement à ce qu'indique l'arrêté en litige, un avis conforme et, de ce que le préfet s'est à tort appuyé sur cet avis pour prendre sa décision, doivent être écartés.
6. En second lieu, la société Hélio Fonds Caraïbes soutient que l'arrêté en litige, reprenant à son compte la motivation de l'avis défavorable de la commission qui indique que " le projet est situé pour partie en zone ND, or la zone ND ne permet pas ce type d'installation ", est entaché d'erreur de droit. La société requérante peut être regardée comme contestant ainsi l'avis défavorable de la commission qui s'imposait à l'autorité compétente.
7. D'une part, aux termes de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme (...) au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date (...) A compter du 1er janvier 2016, le règlement national d'urbanisme mentionné (...) s'applique sur le territoire communal dont le plan d'occupation des sols est caduc. ". Aux termes de l'article L. 174-2 du même code : " Restent en vigueur, dans la limite des durées fixées par les articles L. 174-3 et L. 174-4, les plans d'occupation des sols approuvés avant le 15 décembre 2000 lorsque les conditions mises à leur maintien en vigueur provisoire par ces articles sont remplies. Ils sont soumis aux dispositions de l'article L. 174-5 ". Aux termes de l'article L. 174-3 du même code : " Lorsqu'une procédure de révision du plan d'occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d'être achevée au plus tard le 26 mars 2017. Les dispositions du plan d'occupation des sols restent en vigueur jusqu'à l'approbation du plan local d'urbanisme et au plus tard jusqu'à cette dernière date ".
8. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 30 avril 2010 le conseil municipal de la commune de Capesterre de Marie-Galante a prescrit la modification du plan d'occupation des sols et l'élaboration d'un plan local d'urbanisme et que par délibération du 16 avril 2015 le conseil municipal de la commune a décidé de la mise en oeuvre de la procédure de concertation prévue par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme sur le projet de plan local d'urbanisme de la commune. Ainsi, dès lors que la procédure de modification du plan d'occupation des sols de la commune avait débuté antérieurement au 31 décembre 2015, ce plan demeurait en vigueur jusqu'au 26 mars 2017 au plus tard. Par suite, le 22 févier 2016, date de l'arrêté en litige, le plan d'occupation des sols de la commune n'était pas frappé de caducité.
9. D'autre part, selon le plan d'occupation des sols de la commune alors applicable, modifié en dernier lieu en 1998 : " La zone ND couvre les espaces naturels de grande importance qu'il convient de protéger en raison du caractère des éléments et de la qualité des paysages qui les composent. Certains présentent des contraintes importantes du fait des fortes pentes. D'autres, généralement boisés, épousent le parcours des ravines et les pentes exposées Ouest. Les caractères naturels et les contraintes constituent des données majeures impliquant des interdictions d'occupation ou d'utilisation du sol. /(...). La zone ND comprend également un secteur NDb qui porte sur les sites de Gros Morne, Petite Place, au Nord-Est de la commune. Ce secteur est destiné à recevoir des installations et des équipements techniques liés en vue de la réalisation d'un projet d'installation d'éoliennes dans le cadre des objectifs et des programmes de maîtrise de l'énergie ". Selon l'article ND1 § II. Autorisations- Zone ND/ secteur NDb, sont autorisés : " 1. Les équipements nécessaires à l'entretien des sites ainsi que les modes d'occupation et d'utilisation du sol indispensables aux services responsables de la gestion des domaines forestiers. / 2. Les installations, les équipements à caractère technique ainsi que les constructions qui leur sont liées. / 3. Les constructions liées à des équipements d'infrastructure susceptibles d'être créés dans le secteur ". Enfin, l'article ND2 dispose que : " 1. Les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article ND 1 ci-dessus sont interdites (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'installation d'une centrale photovoltaïque se situe en zone ND secteur b. Or, ce secteur est destiné selon le règlement général de la zone ND du plan d'occupation des sols (POS) précité, à recevoir " des installations et des équipements techniques liés en vue de la réalisation d'un projet d'installation d'éoliennes ". Le projet de la société requérante, qui ne peut être assimilé compte tenu de ses caractéristiques à un projet d'installation d'éoliennes et ne constitue pas une installation ou un équipement à caractère technique admis en secteur b, au sens du 2 de l'article ND1, n'est pas au nombre de ceux qui peuvent être autorisés dans le secteur concerné. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à contester le motif tiré de l'interdiction d'installation de centrales photovoltaïques dans cette zone.
11. Il résulte de ce qui précède que la société Hélio Fonds Caraïbes n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté portant refus de permis de construire en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en litige n'implique aucune mesure d'exécution.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 23 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de la société Hélio Fonds Caraïbes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hélio Fonds Caraïbes et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Copie en sera délivrée au préfet de la Guadeloupe et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme C... D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.
Le rapporteur,
Caroline D...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00116