Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 31 juillet 2018 et 27 janvier 2020, le syndicat mixte du parc routier de La Réunion (SMPRR), représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2018 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) de rejeter les demandes de Mme H... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme H... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal administratif a omis de statuer sur un des moyens soulevés ;
- la décision du 21 septembre 2015 n'est pas entachée d'illégalité ; il n'était pas tenu de verser à l'intéressée l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires compte tenu de l'illégalité de la décision du 18 janvier 2014 lui ayant accordé cette indemnité ;
- l'IFTS n'était pas due à Mme H... entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2018, Mme A... H..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du SMPRR la somme de 2 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision du 21 septembre 2015 est entachée d'illégalité ; qu'elle pouvait prétendre, entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017, au versement de l'IFTS.
Par ordonnance du 27 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 mars 2020 à 12:00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
- le décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... F...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... H..., fonctionnaire de l'Etat, a travaillé durant vingt années, en qualité de secrétaire chargée de formation, au sein du service de l'Etat participant, à La Réunion, à l'exercice des compétences routières concernant les routes nationales d'intérêt local. Le transfert de ce parc à la Région Réunion, dans le cadre de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, a eu lieu en 2011. Le parc a été exploité en régie, jusqu'à la création du Syndicat mixte du parc routier de La Réunion (SMPRR), par arrêté préfectoral du 10 décembre 2013. Dans ce cadre, Mme H... a été mise à disposition auprès de la Région Réunion à compter du 1er janvier 2011, dans l'intérêt du service, par décision du directeur départemental de l'équipement du 30 décembre 2010, puis placée en détachement au conseil régional de la Réunion à compter du 1er janvier 2014, par arrêté du préfet de La Réunion du 13 décembre 2013. Elle a été détachée dans le cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux, à compter de cette même date, par arrêté du président du conseil régional de La Réunion du 13 janvier 2014, afin de continuer d'exercer ses fonctions auprès du parc routier de La Réunion désormais géré par le SMPRR. Par un arrêté du 16 janvier 2014, le président du SMPRR lui a accordé le bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) à compter du 1er janvier 2014, au coefficient 2, représentant un montant annuel de 1 715 euros. Cette indemnité ne lui a toutefois pas été versée. Par une décision du 21 septembre 2015, le président du SMPRR a rejeté la demande de l'intéressée, formée par courrier du 21 juillet 2015, tendant à ce qu'il soit procédé au versement de la somme due à ce titre, et ce depuis le 1er janvier 2014. Le SMPRR relève appel du jugement du 27 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 21 septembre 2015 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme H... dans un délai d'un mois.
Sur la régularité du jugement :
2. Le SMPRR soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce qu'il n'était pas tenu de verser à Mme H... l'indemnité accordée par l'arrêté du 16 janvier 2014, dès lors que, cet arrêté étant entaché d'illégalité, il pouvait répéter les sommes acquittées dans ce cadre dès leur versement, en application des dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.
3. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Par suite, l'administration n'est pas tenue de verser les sommes dues en application d'une décision illégale attribuant un avantage financier qu'elle ne peut plus retirer dès lors qu'elle pourrait les répéter dès leur versement en application des dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.
5. Le SMPRR soutient tout d'abord que l'arrêté du 16 janvier 2014 est dépourvu de base légale. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 16 janvier 2014, le comité syndical du SMPRR, sur proposition de son président, a décidé à l'unanimité de " valider le paiement d'une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires de taux 2, pour un montant mensuel de 142.97 pour Mme A... H..., assistante de direction, responsable de formation du SMPRR ". En application de cette délibération, le président du comité syndical a, par un arrêté du même jour, accordé à l'intéressée le bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, à hauteur d'un montant annuel de 1 715,34 euros, soit un montant mensuel de 142,97 euros. Contrairement à ce que soutient le SMPRR, la circonstance que l'article 2 du décret susvisé du 6 septembre 1991 a confié à l'assemblée délibérante de la collectivité concernée le soin de fixer la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de cette collectivité, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire étant, dans cette limite, déterminé par l'autorité investie du pouvoir de nomination, n'entache pas par elle-même d'illégalité la délibération de l'assemblée délibérante d'accorder à un fonctionnaire nommément désigné, au taux qu'elle détermine, une indemnité particulière. Par suite, le SMPRR n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du président du comité syndical du 16 janvier 2014 aurait été, à la date à laquelle il a été adopté, dépourvu de base légale.
6. Le SMPRR soutient également que cet arrêté est entaché d'illégalité au regard des critères d'attribution de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires fixés par la délibération du comité syndical du 12 mai 2014 ayant défini le régime indemnitaire des agents du syndicat à compter du 1er janvier 2014. Ce faisant, le SMPRR doit être regardé comme excipant de ce que l'arrêté en litige serait devenu illégal à la suite de l'adoption de cette délibération.
7. Par ladite délibération du 12 mai 2014, ayant notamment abrogé la délibération susmentionnée du 16 janvier 2014, le comité syndical du SMPRR a instauré un régime d'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires pour les fonctionnaires et non titulaires relevant des cadres d'emploi et grades de catégories A et B à compter du 1er janvier 2014. Ce régime, qui s'applique notamment aux " fonctionnaires de catégorie B et appartenant aux cadres d'emplois suivants : rédacteur principal, rédacteur et secrétaire administratif de la filière administrative ", fixe des " conditions générales de versement " aux termes desquelles " Le montant de l'I.F.T.S. (au-delà des grades) dépendra des critères suivants : - l'évolution des fonctions sans évolution de grade / - le supplément effectif de travail fourni / - le supplément effectif des responsabilités / - l'importance des sujétions auxquelles le bénéficiaire est appelé à faire face dans l'exercice de ses fonctions ".
8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes du rapport ayant présidé à l'adoption de la délibération susmentionnée du 16 janvier 2014, que le poste de Mme H..., qui était auparavant celui d'une secrétaire de direction, a été transformée au cours de l'année 2013 en celui d'assistante de direction, l'intéressée ayant accédé à la catégorie B et ayant, de ce fait, intégré l'équipe d'encadrement avec participation à l'astreinte des cadres. Ce rapport justifie la proposition de lui attribuer le bénéficie de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires par la circonstance que ses fonctions seront fortement impactées par la création du Syndicat mixte et qu'il convient de tenir compte des sujétions supplémentaires liées au changement de nature du poste. Il ressort par ailleurs du compte rendu d'entretien professionnel pour l'année 2014, réalisé le 11 mars 2015, que la totalité des objectifs qui lui avaient été fixés pour ladite année ont été parfaitement atteints. L'évaluateur relève également que l'intéressée a effectué un important travail sur les contraventions, a réalisé avec application l'organisation des missions et déplacements du directeur général des services, la gestion de son planning et des réunions de service interne, a pris en compte les changements dans le fonctionnement interne et la réorganisation des services, a participé activement à la présentation du portail " volcan ", a assuré une rôle transversal entre les agents et les notes (précision, rectification, explication, etc.), a assuré avec rigueur et méthode la gestion des fournitures de bureau et a accompagné et formé les nouveaux agents au fonctionnement du courrier. Il indique enfin qu'" il est important de souligner le surcroit de travail induit par le fonctionnement du SMPRR ". Dans ces conditions, et alors même qu'elle aurait cessé ses tours d'astreinte au second semestre 2014, à la demande du directeur du SMPRR comme cela ressort du compte rendu de la réunion d'encadrement du 18 mars 2014, Mme H... doit être regardée comme ayant rempli, au cours de cette année, les critères de " supplément effectif de travail fourni " et de " supplément effectif de responsabilités ".
9. A cet égard, si le SMPRR soutient que Mme H... ne remplissait pas le premier des quatre critères énoncés au point 8, tenant à l'évolution des fonctions sans évolution de grade, cette circonstance, à la supposer établie, ne suffit pas à justifier un refus de versement de l'indemnité litigieuse dès lors que ces quatre critères ne constituent pas des conditions cumulatives d'attribution de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires mais les critères qui peuvent être pris en compte pour l'évaluation du montant de l'IFTS à attribuer à chaque agent concerné par le régime, ce qui implique que seul l'agent ne remplissant aucun de ces critères puisse se voir refuser le versement de ladite indemnité. Dans ces conditions, le SMPRR, qui n'établit ni même n'allègue que le taux de l'IFTS attribué à Mme H... était trop élevé par rapport au surcroît de travail réalisé et de responsabilités endossées, n'est pas fondé à soutenir que l'IFTS qui lui a été accordée par l'arrêté du 16 janvier 2014 aurait méconnu les modalités d'attribution fixées par la délibération du 12 mai 2014.
10. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 16 janvier 2016 ayant accordé à Mme H... le bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) à compter du 1er janvier 2014, au coefficient 2, n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, le SMPRR ne peut utilement soutenir qu'il pouvait légalement se dispenser de verser à l'intéressée les sommes correspondantes, compte tenu du droit à répétition conféré par les dispositions susmentionnées de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000. Ce moyen étant ainsi inopérant, le tribunal administratif, en omettant d'y répondre, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
11. Par la décision en litige du 21 septembre 2015, le président du comité syndical du SMPRR a rejeté la demande de Mme H... tendant au versement de l'IFTS depuis le 1er janvier 2014 aux motifs, d'une part que l'arrêté du 18 janvier 2014 lui avait accordé irrégulièrement cet avantage et qu'il pouvait donc ne pas procéder à son versement et, d'autre part, que l'intéressée n'effectuant plus, depuis le 12 mai 2014, de tâches supplémentaires dans le cadre de la permanence du parc routier mise en place au début de l'année 2014, elle ne répondait plus à aucun des critères d'attribution de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires instituée par le régime indemnitaire approuvé par le comité syndical du SMPRR.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 9 qu'aucun des deux motifs ayant ainsi fondé la décision du 21 septembre 2015 n'était de nature à la justifier légalement. Le SMPRR n'est dès lors pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion en a prononcé l'annulation.
Sur les conclusions du SMPRR tendant à ce que Mme H... soit condamnée à lui restituer les sommes qu'il lui a versées en application de l'ordonnance n° 1600344 du juge de référés du tribunal administratif de La Réunion en date du 16 septembre 2016 :
13. Il résulte de ce qui précède que la somme versée à Mme H... en exécution de l'ordonnance n° 1600344 du juge de référés du tribunal administratif de La Réunion en date du 16 septembre 2016 ne saurait être regardée comme une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération, au sens des dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi susvisée du 12 avril 2000. Par suite, le SMPRR n'est pas fondé à en demander, pour ce motif, le reversement.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme H..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le SMPRR demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SMPRR le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme H... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du Syndicat mixte du parc routier de La Réunion est rejetée.
Article 2 : Le Syndicat mixte du parc routier de La Réunion versera à Mme H... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte du parc routier de La Réunion et à Mme A... H....
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme D... F..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 novembre 2020.
Le rapporteur,
Sylvie F...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX03027