Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 août 2020, M. C..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 9 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Guyane du 3 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle n'a pas retenu qu'il a une vie stable et ancienne sur le territoire et vit en concubinage avec une compatriote en situation régulière ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par décision du 8 octobre 2020, M. C... a obtenu l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant haïtien né en 1982, est entré en France, selon ses déclarations, en 2015. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 août 2018, le préfet de la Guyane lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. En premier lieu, M. C... soutient que l'arrêté du 3 août 2018 serait entaché d'une erreur de fait en ce qu'il ne prendrait pas en compte les éléments qu'il a fournis pour établir une vie privée et familiale ancienne sur le territoire français avec Mme B..., compatriote en situation régulière avec laquelle il a eu un enfant en janvier 2017. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que pour établir l'ancienneté de sa vie commune avec Mme B..., M. C... produit une déclaration de vie commune du 4 février 2019 indiquant un début de vie commune en août 2018, un récépissé de changement d'adresse du 13 août 2018 et une attestation d'hébergement de Mme B... mentionnant également qu'elle l'héberge depuis août 2018. Si le requérant soutient que sa vie commune avec Mme B... est antérieure à l'arrêté contesté, les pièces produites, notamment la plupart des factures et documents administratifs comportent des adresses distinctes de celle de Mme B.... Si certains documents, notamment ses certificats de scolarité, comportent à compter de janvier 2017 une adresse commune, ils demeurent récents et sont en outre trop peu nombreux pour établir une communauté de vie ancienne. De même, la seule facture émanant de la crèche de sa fille, d'un montant de 200 euros, dont il ressort qu'elle a été payée par M. C... le 9 octobre 2018, ne permet pas d'établir l'ancienneté de sa vie commune. Enfin la note de l'OFPRA en date d'avril 2018 précisant que Mme B... vit en concubinage avec M. C..., ne résulte que d'une simple déclaration de l'intéressée. Par suite, en considérant que l'ancienneté de la vie familiale de M. C... n'était pas établie, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. Pour soutenir que la décision contestée méconnaît les dispositions et stipulations précitées, M. C... se prévaut de la durée de sa présence en France depuis 2015 et de ce qu'il vit en concubinage avec une compatriote en situation régulière qui bénéficie de la protection subsidiaire et avec laquelle il a eu une fille née le 30 janvier 2017. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, les éléments produits par M. C... ne permettent pas d'estimer qu'il vivait en concubinage avec Mme B... à la date de la décision attaquée. En outre M. C..., bien que scolarisé en France depuis son arrivée, ne justifie pas en dehors de l'obtention de son baccalauréat en 2017 et de certificats de scolarité en tant qu'étudiant au titre des années 2017/2018 et 2018/2019, d'une insertion sociale et économique particulière dans la société française. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressé, l'arrêté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Enfin, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Si la décision en litige peut avoir pour effet de séparer M. C... de sa fille née en janvier 2017, cette séparation ne révèle pas une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors, d'une part, qu'il ne ressort par des éléments produits qu'avant la décision contestée du 3 août 2018, M. C... vivait avec Mme B... et avec son enfant, et que, d'autre part, aucun élément ne permet d'estimer qu'il existait un lien affectif avec l'enfant antérieur à leur vie commune et à la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
7. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle se fonde.
8. En second lieu, eu égard aux circonstances exposées aux points 4 et 6, en obligeant M. C... à quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
9. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire sur laquelle elle se fonde.
10. En second lieu, eu égard aux circonstances exposées aux points 4 et 6, en fixant le pays à destination duquel M. C... peut être renvoyé, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement d'une somme à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme D... E..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
La présidente,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02852