Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoire, enregistrés le 24 mai 2019, le 17 décembre 2019 et le 10 novembre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1700729 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes en litige ;
3°) subsidiairement, de prononcer la décharge de ces cotisations d'impôt à hauteur de la quote-part correspondant aux travaux réalisés hors augmentation de la surface habitable de la maison ;
4°) le paiement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
5°) la mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les travaux qu'ils ont réalisés sur la maison d'habitation acquise en 2011 ne sont pas des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement mais des travaux d'amélioration dont le montant est déductible de leur revenu imposable en application de l'article 31 du code général des impôts ;
- ces travaux n'ont pas modifié la destination de l'immeuble ; ils n'ont pas entraîné de modification importante du gros oeuvre ; en raison de la vétusté de la maison, ces travaux ont permis d'améliorer son état, de la réparer et de l'entretenir ; il n'y a pas eu de modification du nombre de portes et de fenêtres, seuls trois vélux ayant été posés afin d'améliorer la luminosité de la maison ; les travaux de ravalement de façade et d'amélioration de la toiture sont par nature des travaux d'entretien et d'amélioration ; il n'y a pas eu de création de places de stationnement qui existaient déjà ;
- certaines pièces de la maison étaient déjà affectées à l'habitation contrairement à ce qu'ont estimé l'administration puis le tribunal ; ainsi, la pièce située au 2ème étage de la maison était utilisée comme une chambre ; le grenier situé au 1er étage était également une pièce utilisée pour l'habitation, de même que les pièces n°3 et 4 au rez-de-chaussée ; ainsi, les travaux réalisés dans ces différentes pièces n'ont pas entraîné une augmentation de la surface habitable ;
- subsidiairement, ils sont fondés à solliciter la déduction de leur revenu imposable du coût des travaux correspondant à l'amélioration de la maison qui sont dissociables des autres travaux.
Par des mémoires en défense, présentés le 29 novembre 2019 et le 30 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par courrier du 6 janvier 2021, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions des appelants présentées au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a présenté des observations le 7 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... A...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. En avril 2011, M. et Mme B... ont acquis une maison d'habitation située à Exoudun (Deux-Sèvres) qu'ils ont donnée à la location à la fin de cette même année. M. et Mme B... y ont fait réaliser des travaux dont le coût a été déduit de leurs revenus fonciers imposables au titre des années 2011, 2012 et 2013. A la suite d'un contrôle sur pièces effectué en 2014, l'administration fiscale a estimé que les époux B... ne pouvaient opérer cette déduction dès lors que les dépenses qu'ils ont supportées correspondaient à des travaux de construction, de reconstruction et d'agrandissement de leur immeuble. Ils en ont été informés par une proposition de rectification du 23 décembre 2014 suivie de plusieurs avis de mise en recouvrement émis le 31 octobre 2015 pour un montant total, en droits, intérêts et majorations, de 136 940 euros. M. et Mme B... ont demandé la décharge de ces impositions et majorations au tribunal administratif de Poitiers. Ils relèvent appel du jugement rendu le 26 mars 2019 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
2. Aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes de l'article 31 du même code : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les dépenses de réparation, d'entretien ainsi que les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation effectuées par un propriétaire sur son immeuble sont déductibles de son revenu imposable. Tel n'est pas le cas, en revanche, des dépenses correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement de l'immeuble.
4. Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans les locaux auparavant affectés à un autre usage ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction. Doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants.
5. La maison d'habitation que M. et Mme B... ont acquise était composée, d'après les mentions de l'acte d'achat du 28 avril 2011, d'un rez-de-chaussée avec une cuisine, une salle-de-bains, un wc, un salon, une salle-à-manger, une buanderie et un atelier, d'un premier étage avec un couloir, trois chambres et un grenier et d'un second étage avec combles.
6. En se fondant sur l'acte établi en 1994 lors de l'acquisition de la maison par les précédents propriétaires, l'administration a constaté que la pièce n°3 située au rez-de-chaussée était un simple vestibule non affecté à l'habitation et il ne résulte pas de l'instruction, et notamment de l'attestation établie par l'architecte le 7 novembre 2016 à la demande des requérants, que cette pièce était affectée à l'habitation lorsque ces derniers ont acquis la propriété. De même, la pièce n°4 du rez-de-chaussée a été désignée comme étant à usage d'atelier dans l'attestation de propriété du 29 mars 2011 ainsi que dans l'acte de vente du 28 avril 2011 et dans l'acte de donation du même jour établi au profit de la fille des requérants sans qu'aucun autre élément de l'instruction, et notamment l'attestation de l'architecte du 7 novembre 2016 qui n'évoque que les pièces n° 1 et 2 comme dédiées à l'habitation avant l'acquisition, n'établissent que cette pièce n° 4 était déjà affectée à l'habitation. S'agissant de la pièce du premier étage désignée comme " grenier ", il résulte des éléments énumérés ci-dessus ainsi que du bail conclu le 2 décembre 2011 que cette pièce ne servait pas à l'habitation lorsque les requérants ont acheté la maison et constituait un débarras aménagé en chambre à l'issue des travaux litigieux.
7. En excluant les pièces n°3 et 4 ainsi que le " grenier " du premier étage du calcul de la surface habitable, celle-ci avant travaux était de 220,10 m2 et a atteint, une fois les travaux réalisés, 280,15 m2. Ces travaux ont eu pour conséquence d'étendre la surface habitable de la maison de 60,05 m2, ce qui représente une augmentation de 27,28 % de la superficie de la maison dédiée à l'habitation. Dès lors, M. et Mme B... doivent être regardés comme ayant fait réaliser des travaux d'agrandissement au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts dont le coût n'est pas déductible de leur revenu imposable.
8. Par ailleurs, les travaux réalisés pour les requérants ont consisté, au titre des années 2011 et 2012, dans le remplacement de la charpente et de la couverture du bâtiment, la pose de cloisons d'isolation des murs, de deux escaliers et d'un parquet, le remplacement de neuf fenêtres, de la porte d'entrée et de portes-fenêtres, des travaux de suppression de la cheminée et de démolition de la salle de bains, des travaux de crépissage et de décrépissage intérieurs et extérieurs, la démolition d'un mur en pierre, le nivelage du terrain, la reprise des murs de clôture, la pose d'un portail coulissant, d'un auvent et d'un placard, la construction d'un préau, divers travaux de finition intérieure et sur les sols, la pose de pierres naturelles, l'achat et l'installation de dalles et d'une cuisine, l'achat d'appareils électroménagers, d'une plante, d'un plan de travail de cuisine ainsi que divers travaux de déblayage et de nivelage. Au cours de l'année 2013, M. et Mme B... ont fait réaliser des travaux de pose d'une antenne terrestre, d'une chaudière à fioul et de radiateurs, de réalisation d'une nouvelle installation électrique, de plomberie et de sanitaires ainsi que des travaux de zinguerie et de pose d'un poêle.
9. Parmi les travaux mentionnés ci-dessus, ceux ayant porté sur le remplacement de la charpente et de la couverture du bâtiment et sur la démolition du mur de pierre ont affecté le gros oeuvre de la construction et ne sont, par suite, pas déductibles des revenus fonciers des requérants. Il résulte de l'instruction que le coût total de ces travaux s'est élevé à 27 790 euros, y compris la pose de vélux, non dissociable, au titre de l'année 2011, et 11 430 euros au titre de l'année 2012. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les autres travaux mentionnés au point 8 auraient modifié de manière importante le gros oeuvre de la construction ou auraient abouti, en définitive, à une reconstruction. Par leur nature, ces travaux doivent être regardés comme ayant contribué à la réparation et à l'amélioration de la construction.
10. M. et Mme B..., qui demandent la décharge des impositions en litige ou, subsidiairement, leur réduction, peuvent, le cas échéant, déduire de leur revenus fonciers le coût des travaux de réparation, d'entretien et d'amélioration réalisés, à condition que ces derniers soient dissociables des travaux d'agrandissement et des travaux ayant affecté le gros oeuvre.
11. Aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer que les travaux d'amélioration de la construction n'auraient pu être réalisés indépendamment des travaux d'extension de la surface habitable ou des travaux de gros oeuvre ayant porté sur la toiture et sur un mur. Ces travaux doivent donc être regardés comme dissociables de ces derniers. Par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté les conclusions subsidiaires de M. et Mme B... tendant à ce que le coût des travaux de réparation et d'amélioration soit déduit de leurs revenus imposables.
12. En l'absence d'éléments permettant de déterminer avec une meilleure approximation la part des travaux d'amélioration qui se rapportent aux locaux existants hors agrandissement, il y lieu d'appliquer au montant total des travaux, déduction faite des travaux de gros oeuvre, un prorata correspondant à la superficie initiale de l'immeuble avant la réalisation des travaux d'extension de la surface habitable, soit 72,72 % compte tenu de ce qui a été dit au point 7. Il ne résulte pas de l'instruction que cette méthode proposée par les requérants conduirait à une évaluation exagérée du coût des travaux dissociables déductibles.
13. Il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2011, les travaux dont les requérants se prévalent et pour lesquels ils ont présenté des factures représentent un coût total de 102 218 euros dont il convient de déduire la somme de 44 423 euros, qui n'a pas été réglée en 2012, ainsi que les travaux de gros oeuvre qui s'élèvent à 27 790 euros. Eu égard au prorata défini ci-dessus, la part des travaux qui est déductible car dissociable des travaux de gros oeuvre et d'agrandissement s'élève donc à 21 819 euros. Il résulte également de l'instruction qu'au titre de l'année 2012, les travaux dont les requérants se prévalent et pour lesquels ils ont présenté des factures représentent un coût total de 135 247 euros dont il y a lieu de déduire la somme de 11 430 euros se rapportant à des travaux de gros oeuvre. Compte tenu du prorata défini ci-dessus, la part des travaux qui est déductible car dissociable des travaux de gros oeuvre et d'agrandissement s'élève donc à 90 039 euros. Enfin, il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2013, les requérants se prévalent de travaux pour un coût total de 51 541 euros pour lesquels ils ont présenté des factures. Il convient de déduire de ce montant la somme de 32 803 euros qui n'a pas été réglée en 2013. Par application du prorata de 72,72 %, la part des travaux qui est déductible car dissociable des travaux de gros oeuvre et d'agrandissement s'élève donc à 13 626 euros. Par suite, les requérants sont fondés à demander que soient admises en déduction de leurs revenus fonciers des années 2011, 2012 et 2013 les sommes respectives de 21 819 euros, 90 039 euros et 13 626 euros et, par conséquent, la décharge des impositions litigieuses et des contributions sociales correspondantes dans la mesure résultant de cette réduction de la base d'imposition.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :
14. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ".
15. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par un tribunal, les intérêts moratoires dus au contribuable sont, conformément aux dispositions de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ". Les appelants ne font état d'aucun litige né et actuel avec le comptable compétent pour procéder au paiement des intérêts dus sur le fondement de ces dispositions. Dès lors, leurs conclusions tendant au paiement de ces intérêts sont sans objet et, par suite, irrecevables.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
16. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les revenus fonciers de M. et Mme B... des années 2011, 2012 et 2013 sont réduits des sommes respectives de 21 819 euros, 90 039 euros et 13 626 euros.
Article 2 : Il est accordé décharge à M. et Mme B... des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années en litige dans la mesure de la réduction en base résultant de l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n°1700729 du tribunal administratif de Poitiers du 26 mars 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie pour information en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. D... A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02160