Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée 19 mai 2020, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat deux indemnités d'un montant de 2 400 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et en appel ainsi que le paiement des entiers dépens.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'erreur de droit dans la mesure où le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre sa décision en raison de l'absence d'un visa de long séjour ;
- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet n'établit pas avoir saisi pour avis les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sur sa demande ;
- cette décision est illégale dès lors qu'en méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, le préfet ne lui a pas indiqué les démarches à effectuer pour obtenir un visa de long séjour avant de rejeter sa demande ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde ;
- cette décision est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit dans la mesure où il ne se trouvait pas sur le territoire français à la date de son édiction et disposait d'un titre de séjour régulier ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde.
Par un mémoire enregistré le 29 octobre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant tunisien né le 1er janvier 1979, est entré pour la dernière fois sur le territoire français le 21 avril 2019 muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour à entrées multiples valable du 12 octobre 2016 au 1er octobre 2020. Le 25 juillet 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " sur le fondement du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention "entrepreneur/profession libérale". " Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...) ". Aux termes de l'article R. 313162 de ce code : " Lorsque l'étranger présente un projet tendant à la création d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, (...) le préfet compétent saisit pour avis le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent dans le département dans lequel l'étranger souhaite réaliser son projet. ".
3. Il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne dérogent pas, que la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'entrepreneur est subordonnée à la présentation, par le demandeur, d'un visa de long séjour. Ainsi que l'a considéré à juste titre le tribunal, il est constant que M. E... n'était pas titulaire d'un visa de long séjour au moment de sa demande. Le préfet de la Haute-Vienne pouvait en conséquence légalement, pour ce seul motif, refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité sans saisir pour avis le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation et de l'emploi ni informer M. E... des démarches à entreprendre pour obtenir un visa de long séjour.
4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet, qui a procédé à un examen de la situation particulière de M. E... et s'est notamment à cet égard interrogé sur l'opportunité de régulariser à titre exceptionnel la situation de ce dernier, ne s'est pas cru en situation de compétence liée pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Dès lors, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu' une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. (...). ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne n'a pas rejeté la demande d'admission au séjour de M. E... au motif qu'elle aurait été incomplète. Il s'est en effet borné à constater que la condition de production d'un de visa de long séjour n'était pas satisfaite. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.114-5 du code des relations entre le public et l'administration, qui est inopérant pour contester la légalité de la décision litigieuse, doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ". Aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ".
9. En troisième lieu, si M. E... fait valoir qu'il se trouvait en Tunisie à la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre, cette circonstance est sans influence sur la légalité de cette décision fondée sur le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorise le préfet à assortir un refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de fait que le préfet de la Haute-Vienne a obligé M. E... à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente à fin d'injonction, au titre des frais liés à l'instance et tendant au paiement des dépens du procès, lequel n'en comporte au demeurant aucun, doivent par voie de conséquence être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme D... G... première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2021.
Le rapporteur,
Karine B...Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01695