Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mai 2020 ;
2°) de faire droit à ses conclusions d'annulation de première instance ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer en attendant une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- à défaut de justification d'une délégation de signature du préfet au signataire de l'arrêté, celui-ci sera annulé pour incompétence ;
- dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour devait être consultée avant un refus, en vertu de l'article L. 312-2 du même code ;
- le préfet s'est fondé sur un trouble à l'ordre public alors que pour l'essentiel des faits qui lui sont reprochés, il reste présumé innocent ; le préfet ne peut se fonder sur le seul mandat de dépôt dont il fait l'objet pour constater un trouble à l'ordre public, sans apporter d'éléments de nature à établir la réalité des faits reprochés ;
- il peut prétendre à un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, en application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il exerce un droit de visite et participe financièrement à l'entretien de son enfant ; il n'a jamais cessé de s'occuper de sa fille, même après la séparation d'avec son épouse ;
- il peut également prétendre à un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas d'enfant au Maroc ; il s'est inscrit à différentes formations ; sa vie privée et familiale est établie en France et il doit respecter son contrôle judiciaire ;
- compte tenu de l'ancienneté de son séjour en France, de sa situation familiale et de son intégration, le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de séjour est également entaché d'une méconnaissance des droits supérieurs que son enfant tient de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que sa fille sera séparée de lui s'il doit quitter la France ;
- dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, il ne peut être éloigné ;
- la mesure d'éloignement porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et résulte d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la mesure d'éloignement méconnaît également l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'arrêté mentionne que l'obligation de quitter le territoire français est prononcée sans délai alors qu'elle est en réalité prononcée à compter de la levée d'écrou ;
- la décision de ne pas lui laisser de délai est entachée d'illégalité dès lors qu'elle est fondée sur un trouble à l'ordre public qui n'est pas établi ;
- cette décision méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant et porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- l'interdiction de retour n'est pas motivée ; elle ne fait pas apparaître si le préfet a pris en compte le critère d'une précédente mesure d'éloignement ;
- l'interdiction de retour ne pouvait être prononcée pour 3 ans dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prononcée sans délai et que l'absence de délai de départ volontaire est illégale ;
- compte tenu de sa situation, cette durée porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ne prend pas en compte l'intérêt supérieur de sa fille et résulte d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2021, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute de comporter une critique du jugement ;
- le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour est irrecevable et au surplus infondé ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un courrier du 30 novembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen tenant à l'absence de consultation de la commission prévue par l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relevant d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans la demande de première instance.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant marocain né en 1984, s'est marié avec une Française le 4 mars 2016. Il est entré en France le 9 juillet 2016 sous couvert d'un visa de long séjour valable du 31 mai 2016 au 31 mai 2017, qui lui a été délivré en sa qualité de conjoint de Française. Il a, par la suite, été titulaire, en cette même qualité, d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 26 juin 2017 au 25 juin 2019. Il a eu avec son épouse une enfant née le 10 avril 2017 et, le 26 juin 2019, il a demandé la délivrance d'un nouveau titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Le 18 novembre 2019, alors qu'il était incarcéré sous le régime de la détention préventive, le préfet a pris à son encontre un arrêté portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. M. E... fait appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la compétence du signataire de l'arrêté :
2. Par arrêté de la préfète de la Charente du 27 août 2018, publié au recueil des actes administratifs du 29 août 2018, Mme F... A..., signataire de l'arrêté, secrétaire générale de la préfecture de la Charente, a reçu délégation à fins de signer tous arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département, et notamment les refus de séjour, obligations de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et interdictions de retour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit, par suite, être écarté.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ".
4. Dans sa demande de première instance, M. E... n'a soulevé à l'encontre de l'arrêté contesté que des moyens tirés de l'illégalité interne de cet arrêté. Le moyen qu'il soulève en appel, tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, n'est pas d'ordre public et relève d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande de première instance. Sa contestation sur ce point, nouvelle en appel, est, par suite, irrecevable.
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de justice administrative : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a été condamné le 20 octobre 2017 par le tribunal correctionnel d'Angoulême à une peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis pour s'être rendu coupable, le 22 juin 2017, de violence sur la personne de son épouse, suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a été placé en détention provisoire, sur mandat de dépôt, pour une durée de 12 mois à compter du 24 octobre 2019, après avoir été mis en examen du chef de viol, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otages commis en bande organisée. Si cette détention provisoire ne constitue pas une preuve de la culpabilité de M. E..., sa mise en examen n'a pu être prononcée, conformément à l'article 80-1 du code de procédure pénale, que parce qu'il existait des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'il ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont était saisi le juge d'instruction. Dès lors, en l'absence de tout élément permettant de douter de la vraisemblance des faits que l'intéressé ne nie d'ailleurs pas, et compte tenu de la gravité et du caractère récent de ces faits, la préfète a pu, sans remettre en cause la présomption d'innocence et sans entacher sa décision d'erreur de fait, retenir, outre les faits de violence sur la personne de son épouse ayant donné lieu à la condamnation de 2017, la vraisemblance des autres faits ayant justifié la mise en détention provisoire de M. E..., pour constater que la présence de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public, alors surtout que sa sortie de détention, intervenue le 25 mars 2020, a été suivie de la mise en place d'un contrôle judiciaire.
7. M. E... n'établit pas contribuer financièrement à l'entretien de son enfant depuis sa naissance ou depuis deux ans, mais produit des éléments indiquant qu'il n'a pu assurer une telle contribution dès lors qu'il était dépourvu de ressources. Il fournit également une attestation de son épouse certifiant qu'il exerce un droit de visite auprès de l'enfant, ainsi que quelques photographies attestant qu'il entretient des liens avec son enfant. Il produit aussi des documents démontrant qu'il a travaillé à sa sortie de détention dans une entreprise qui lui a fait une promesse d'embauche au mois de septembre 2019 et un diplôme d'études en langue française obtenu en décembre 2019. Il a par ailleurs obtenu, postérieurement à la décision contestée, une attestation de formation de sauvetage secourisme du travail le 20 décembre 2019, un certificat de compétences de citoyen de sécurité civile le 6 janvier 2020, et une entrée en formation de carreleur au mois de février 2020, ce qui traduit une volonté d'intégration professionnelle et sociale. Toutefois, lorsque la décision contestée est intervenue, M. E... était en France depuis trois ans mais n'avait obtenu la délivrance d'un titre de séjour qu'en qualité de conjoint de Français, qualité dont il ne pouvait plus se prévaloir lorsqu'est intervenue la séparation de fait du couple. La seule attestation peu circonstanciée de son épouse et quelques photographies ne suffisent pas à établir qu'il participe effectivement à l'éducation de son enfant. Dans ces circonstances, et compte tenu de la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France, la décision de refus de séjour qui lui a été opposée ne peut être regardée comme intervenue en méconnaissance des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni en violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces circonstances, ce refus de séjour ne peut davantage être regardé comme reposant sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur la vie personnelle de l'intéressé.
8. Le placement sous contrôle judiciaire de M. E... ne lui ouvre pas droit à la délivrance d'un titre de séjour. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de cette mesure à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposé.
9. Aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Eu égard au motif d'ordre public sur lequel repose la décision de refus de séjour et en l'absence d'éléments suffisants permettant de tenir pour établie l'implication de M. E... dans l'éducation de sa fille qui vit avec sa mère, cette décision ne méconnaît pas, dans les circonstances de l'espèce, l'intérêt supérieur de son enfant, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre l'obligation de quitter le territoire français :
11. Dès lors que M. E..., dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour, il ne peut se prévaloir de ce qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit pour soutenir qu'il ne peut être éloigné.
12. Dans les circonstances précédemment exposées, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. E... ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, comme reposant sur une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ni comme prise en violation de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision refusant un délai de départ volontaire :
13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
14. Si, comme l'affirme le requérant, l'arrêté mentionne que l'obligation de quitter le territoire français est prononcée " sans délai " alors qu'elle est en réalité prononcée à compter de la levée d'écrou, le terme " sans délai " doit s'entendre comme visant l'absence de délai de départ volontaire. L'attente de la levée d'écrou ne pouvant être considérée comme un délai de départ présentant un caractère volontaire, l'arrêté ne peut être regardé comme entaché de contradiction sur ce point, à supposer que le requérant ait entendu soulever un tel moyen.
15. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la menace à l'ordre public sur laquelle s'est fondée la préfète doit être tenue pour réelle. M. E... entrait donc dans les cas prévus par les dispositions précitées, permettant au préfet de ne pas laisser de délai de départ volontaire à l'étranger faisant l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.
15. Dans les circonstances précédemment exposées, la décision de ne pas laisser à M. E... de délai de départ volontaire n'a pas été prise en violation de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et ne porte pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français durant trois ans :
16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente pour prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée a l'obligation de tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels et des principes généraux du droit, des quatre critères énumérés, la durée de présence de l'étranger en France, la nature et ancienneté de ses liens avec la France, la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et la menace à l'ordre public que représente sa présence en France. Pour autant, la motivation de la décision d'interdiction de retour ou de sa durée, si elle doit attester de la prise en compte de l'ensemble de ces critères, n'a pas à indiquer l'importance accordée à chacun des quatre critères. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et/ou dans sa durée selon le cas, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.
17. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la circonstance que l'obligation de quitter le territoire français ait été prononcée à compter de la levée d'écrou ne peut s'interpréter comme une intention du préfet de laisser un délai de départ volontaire à M. E.... Il résulte également de ce qui a été dit ci-dessus que le refus de laisser à M. E... un délai de départ volontaire n'est pas entaché des illégalités alléguées. Dès lors, celui-ci était au nombre des étrangers pour lesquels, en application des dispositions précitées, l'administration assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans, sauf circonstances humanitaires y faisant obstacle.
18. L'arrêté contesté relate les conditions d'entrée et de séjour de M. E... en France, mentionne les principaux éléments de sa vie privée et familiale et précise les éléments pris en compte pour constater l'existence d'une menace pour l'ordre public. L'arrêté indique ensuite qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, et en l'absence de circonstances humanitaires s'y opposant, il y a lieu de prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier que M. E... aurait, précédemment à l'arrêté contesté, fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, et alors même qu'elle ne précise pas si a été pris en compte le non-respect d'une précédente mesure d'éloignement, la décision d'interdiction de retour est suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision, d'ailleurs irrecevable dès lors qu'il repose sur une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens invoqués en première instance, doit, dès lors, être écarté.
19. Compte tenu des circonstances qui ont été précédemment exposées, et dès lors que la mesure peut être abrogée à tout moment, la fixation de la durée de l'interdiction à trois ans ne porte pas une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, n'a pas été décidée en violation de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.
20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la préfète de la Charente en première instance et en appel, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2019. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions en injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée à la préfète de la Charente.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme G... C..., président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le président-rapporteur,
Elisabeth C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02412