Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er octobre 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne peut bénéficier de son traitement en Algérie dont le système de soins connaît des ruptures de stocks et de nombreuses carences ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destinations sont dépourvues de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2021, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative et le décret n° 1406-2020 du 18 novembre 2020.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant de nationalité algérienne, né le 22 mai 1939, est entré régulièrement en France le 23 novembre 2018 sous couvert d'un visa touristique d'une durée de quatre-vingt-dix jours. Le 30 novembre 2018, il a sollicité son admission au séjour à raison de son état de santé sur le fondement de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien. Par arrêté du 6 mai 2019, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E..., relève appel du jugement du 27 décembre 2019, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de sa demande, M. E... soutenait notamment que la décision portant obligation de quitter le territoire français portait atteinte à son droit à mener une vie privée normale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les premiers juges ne se sont pas prononcés sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement est irrégulier en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et doit être annulé dans cette mesure.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français présentées par M. E... devant le tribunal administratif de Bordeaux et de statuer sur les autres conclusions par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
4. L'article 6 de l'accord franco-algérien stipule que le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : " (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est applicable aux ressortissants algériens, dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que dans son avis du 5 avril 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sur lequel le préfet s'est appuyé pour prendre sa décision, a considéré que si l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Les certificats médicaux peu circonstanciés, auxquels M E... se réfère, qui se bornent à rappeler ses antécédents chirurgicaux et la nécessité d'une prise en charge médicale en France sans se prononcer sur la disponibilité en Algérie des médicaments qui lui sont prescrits, ne sont pas de nature à infirmer l'avis délivré. Il ressort en outre des pièces produites par le préfet de la Dordogne, extraites du référentiel algérien du médicament, que les médicaments ou les principes actifs prescrits à M. E... sont disponibles et remboursables en Algérie. Les extraits de conférences et d'articles de presse versés au dossier par le requérant ne sont pas de nature à corroborer les carences alléguées du système de soins algérien. Par suite, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité par l'intéressé, le préfet de la Dordogne n'a ni méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que cette décision serait illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. E... peut bénéficier effectivement en Algérie du traitement requis par son état de santé. Le moyen tiré de ce que cette décision aurait été édictée en méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.
9. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé stipule que " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédents ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de son refus ".
10. Si M. E... se prévaut de sa qualité de propriétaire d'un appartement situé à Bergerac et d'ancien combattant, il ressort des pièces du dossier qu'il conserve l'essentiel de ses attaches personnelles et familiales en Algérie où vivent son épouse et ses onze enfants. S'il soutient que sa pathologie nécessite un accompagnement et des soins, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 5, qu'il peut bénéficier de ce suivi médical dans son pays d'origine. Dès lors, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le moyen tiré de ce que cette décision serait illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde doit être écarté.
12. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 mai 2019 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des autres décisions contenues dans l'arrêté préfectoral du 6 mai 2019. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904344 du 27 décembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de M. E... dirigées contre la mesure portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 6 mai 2019.
Article 2 : Les conclusions de M. E... présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux dirigées contre la décision du 6 mai 2019 portant obligation de quitter le territoire français ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme F... C..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme D... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.
La présidente,
Elisabeth C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03315