Procédure devant la cour :
Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés le 25 juin 2020, le 2 juillet 2020, le 8 juillet 2020 et le 10 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Gironde du 7 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans tous les cas, de lui remettre sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de la délivrance de son titre de séjour ou du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros TTC en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché de plusieurs erreurs de fait dès lors que son père est décédé, sa mère réside en Italie et sa vie de couple dure depuis plus de deux ans ;
- le préfet a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Côte-d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes, signée le 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A..., de nationalité ivoirienne, est entrée régulièrement en France sous couvert d'un visa de court séjour. Après un séjour au Maroc, elle est entrée de nouveau en France irrégulièrement à l'expiration de la date de validité de son visa court séjour, en janvier 2017 selon ses déclarations. Par un arrêté du 7 novembre 2019, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
3. Mme A..., est entrée en France en janvier 2017 selon ses déclarations alors qu'elle était âgée de 26 ans. Il ressort des pièces du dossier que la requérante vit depuis avril 2017 en concubinage avec un Français, avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité le 26 juillet 2018. Ainsi, alors même que l'intéressée, qui justifie de plus de 2 ans et demi de vie commune avec un Français à la date de l'arrêté en litige, n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside notamment son fils âgé de 11 ans que le couple envisage d'accueillir en France, Mme A... est fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet de la Gironde a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour. Par voie de conséquence, la requérante est fondée à demander l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3 du présent arrêt, cette annulation implique que le préfet de la Gironde délivre à Mme A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer ce titre de séjour à Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Mme A..., au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906089 du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mars 2020 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 7 novembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A..., la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
Le rapporteur,
Caroline C...
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02025