Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 février 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 11 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 29 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il dispose de liens forts et stables en France où il a construit sa vie avec sa femme et sa petite-fille Sibel dont il a la charge et où il réside depuis l'année 2011, qu'il bénéficie de soins en France et de traitements médicaux qui lui sont indispensables et dont l'équilibre trouvé avec ces traitements risquerait d'être perturbé par la décision du préfet ;
- contrairement à ce qu'indique le tribunal son état de santé a évolué entre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé qui date de l'année 2016 et la prise de l'arrêté préfectoral dès lors qu'il a été hospitalisé en septembre 2017 dans le service des pathologies respiratoires et qu'il a également dû être examiné en juin 2017 pour une rétinopathie due à son diabète ;
- le tribunal n'a pas suffisamment examiné la situation de sa petite-fille Sibel alors que la décision du préfet méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2019 à 12h00.
Par courrier du 14 août 2019, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté de l'appel interjeté par M. D....
Une réponse au moyen d'ordre public présentée pour M. D... a été enregistrée le 20 août 2019.
Il soutient qu'il bénéficie d'une décision d'aide juridictionnelle en date du 17 janvier 2019, que le délai de recours expirait donc le 17 février 2019 et que ce jour étant un dimanche le délai se prolonge en vertu des règles applicables en matière administrative jusqu'au lundi soit le 18 février 2019, que la requête d'appel a bien été présentée dans les délais.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... est un ressortissant macédonien né le 10 septembre 1952 qui est entré en France en 2011, accompagné de son épouse et de sa petite-fille, dans le but d'obtenir l'asile. Sa demande a été rejetée par décision du 21 juin 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Le 23 septembre 2011, M. D... a fait l'objet d'un arrêté de refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français lequel il a présenté un recours rejeté par un jugement du 9 février 2012 du tribunal administratif de Limoges confirmé par un arrêt du 9 octobre 2012 rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux. Toutefois, au cours de l'année 2012, M. D... a bénéficié d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé qui lui a été régulièrement renouvelée jusqu'en 2016. Le 16 août 2016, M. D... a demandé le renouvellement de son titre de séjour mais par une décision du 26 juin 2017, prise après l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté cette demande, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement du 15 février 2018, le tribunal administratif de Limoges a annulé cet arrêté au motif que le préfet n'avait pas procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. D... et a enjoint audit préfet de réexaminer la situation de ce dernier. M. D... relève appel du jugement du 11 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a de nouveau refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de retour.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ". Aux termes de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :(...) d) (...) en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...).
3. Le jugement du tribunal administratif de Limoges a été notifié le 12 octobre 2018 à M. D... par un courrier mentionnant le délai d'appel. Le 8 novembre 2018, soit dans le délai d'appel, le requérant a présenté devant le bureau de l'aide juridictionnelle une demande d'aide juridictionnelle à laquelle il a été satisfait par une décision du 17 janvier 2019. Par suite, et en vertu des dispositions précitées, la requête d'appel introduite devant la cour administrative d'appel de Bordeaux le 18 février 2019 n'est pas tardive.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce compte tenu de la date à laquelle M. D... a présenté sa demande de renouvellement de son titre de séjour : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...)". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ".
5. M. D... soutient qu'entre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 27 octobre 2016, qui a estimé que le défaut de prise en charge de son état de santé pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, et la signature de l'arrêté préfectoral en litige, il s'est produit une dégradation de son état de santé. A cet égard, le requérant précise qu'en 2017, il a dû être hospitalisé en raison d'une pathologie respiratoire et qu'il a été suivi pour une rétinopathie due à l'aggravation de son diabète. Toutefois, ces éléments ne ressortent ni de l'attestation établie le 14 septembre 2017 par le médecin en charge des services de pathologies respiratoires et allergologies du centre hospitalier universitaire de Limoges ni du certificat médical du 24 octobre 2018, postérieur à la décision attaquée. Par conséquent, M. D..., qui ne conteste pas qu'il existe dans son pays d'origine un traitement approprié à son état de santé, n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant l'arrêté en litige.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. En 2011, M. D... est entré avec son épouse et leur petite-fille en France où résident une de leur fille titulaire d'une carte de résident et leurs petits-enfants. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant a entretenu des relations régulières avec sa famille séjournant en France ou qu'il y aurait établi des liens personnels anciens, stables et intenses ainsi qu'en témoigne, notamment, sa difficulté à parler la langue française. De plus, M. D... séjourne régulièrement en France depuis 2012 pour des motifs exclusivement liés à son état de santé tandis que son épouse, présente sur le territoire français en sa seule qualité d'accompagnante d'étranger malade, a fait également l'objet d'une mesure d'éloignement en 2017. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... serait dépourvu d'attaches familiales en Macédoine, pays dont son épouse, sa petite-fille et lui-même ont la nationalité et où lui-même a passé l'essentiel de son existence dès lors qu'il était déjà âgé de 59 ans à son arrivée en France. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
8. En troisième lieu, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dispose que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la petite-fille de M. D... serait dans l'impossibilité de poursuivre une scolarité normale en Macédoine ni que la cellule familiale ne pourrait perdurer dans ce pays. Dans ces conditions, et alors même que la petite fille du requérant, est présente en France depuis 2011, les moyens tirés de la méconnaissance, par la décision attaquée, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation par le préfet des conséquences de sa décision doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 29 mars 2018. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
Le rapporteur,
Frédéric A...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00638