Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 5 juillet 218 ;
2°) de rejeter la demande de liquidation d'astreinte présentée par la société Gas2Grid devant ce tribunal.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas suffisamment tenu compte des difficultés rencontrées par l'administration dans l'exécution du jugement du 2 novembre 2016 alors que le délai implicitement regardé comme normal par le pouvoir réglementaire pour statuer sur une demande de prolongation de permis est de deux ans pour les prolongations sollicitées au titre de l'article L. 142-1 du code minier, et de quinze mois pour les prolongations exceptionnelles prévues par l'article L. 142-2 du même code ;
- l'injonction prononcée par le tribunal est intervenue dans un contexte juridique renouvelé par l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et de l'accord de Paris sur le climat qui a conduit à la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures, imposant à l'administration une particulière prudence dans l'examen des demandes portant sur des titres miniers alors en outre que cette question revêt une extrême sensibilité pour les populations concernées ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le jugement du 2 novembre 2016 n'avait pas été entièrement exécuté ;
- les dispositions de l'article L. 142-1 et L. 142-6 du code minier s'opposaient à ce que la prolongation de cinq ans ordonnée par le tribunal prenne effet à la date de notification de son jugement et non à la date d'expiration de la précédente période de validité du titre, le titulaire d'un permis exclusif de recherches arrivé à expiration conservant le bénéfice des droits attachés à son titre dans l'attente d'une décision explicite sur sa demande de prolongation en application de l'article L. 142-6 du même code ;
- il appartient à tout le moins à la cour de sursoir à statuer sur le présent appel jusqu'à ce qu'elle se soit prononcée sur la demande de sursis ou sur l'appel formé contre le jugement du 2 novembre 2016, de façon à en tirer toutes les conséquences qui s'imposent.
La requête a été transmise à la société Gas2Grid qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code minier ;
- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Gas2Grid a sollicité le 24 janvier 2013 la prolongation du permis initial de recherches d'hydrocarbures liquides et gazeux (dit " H ") qui lui avait été accordé le 21 avril 2008, sur le fondement de l'article L. 142-1 du code minier. Par un arrêté interministériel du 21 septembre 2015, les ministres chargés des mines ont rejeté sa demande. Par un jugement du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté interministériel du 21 septembre 2015 et a enjoint à l'administration d'accorder, dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard, la prolongation du même permis pour une durée de cinq ans. Toutefois, par un arrêt du 5 mars 2019, la cour a annulé l'article 3 du jugement en tant qu'il a enjoint au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre de l'économie de délivrer à la société Gas2Grid un permis prolongeant de cinq ans la période de validité du permis H dit " Saint Griède " et a enjoint au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l'économie et des finances de réexaminer la demande de prolongation dudit permis pour une deuxième période de validité de cinq ans et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de sa notification, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Entre-temps, par jugement du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Pau, estimant que la société n'avait obtenu que partiellement satisfaction par la prolongation de son permis du 22 décembre 2016 au 31 mai 2018 accordée par arrêté du 8 décembre 2017, a liquidé l'astreinte qu'il avait prononcée en condamnant l'Etat à verser à la société Gas2Grid la somme de 383 500 euros. Le ministère de la transition écologique relève appel de ce jugement du 5 juillet 2018.
2. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Aux termes de l'article R. 921-7 du même code : " Lorsqu'à la date d'effet de l'astreinte prononcée par le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, cette juridiction constate, d'office ou sur la saisine de la partie intéressée que les mesures d'exécution qu'elle avait prescrites n'ont pas été prises, elle procède à la liquidation de l'astreinte dans les conditions prévues aux articles L. 911-6 à L. 911-8 ".
3. L'astreinte a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice. Sa liquidation a pour objet de tirer les conséquences du refus ou du retard mis à exécuter ces obligations. Par suite, lorsque, par un premier jugement, un tribunal annule une décision en prononçant une injonction assortie d'une astreinte qui n'est pas exécutée, et qu'il procède ensuite, par un second jugement, à la liquidation de l'astreinte, celle-ci ne perd pas sa base légale du seul fait que le premier jugement a été annulé en appel. Dès lors, l'annulation par la cour, avec effet rétroactif, du jugement du 2 novembre 2016 prononçant une astreinte au bénéfice de la société Gas2Grid, n'a pas eu pour effet de priver de base légale le jugement du 5 juillet 2018, liquidant cette astreinte en raison de l'inexécution de ce jugement.
4. Toutefois, le juge de l'exécution saisi, sur le fondement des dispositions citées plus haut de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, aux fins de liquidation d'une astreinte précédemment prononcée, n'a pas le pouvoir de remettre en cause les mesures décidées par le dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution est demandée mais peut modérer ou supprimer l'astreinte, même en cas d'inexécution constatée, compte tenu notamment des diligences accomplies par l'administration en vue de procéder à l'exécution de la chose jugée.
5. Il résulte de l'instruction qu'en exécution du jugement du 2 novembre 2016, par arrêté du 8 décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l'économie et des finances ont prolongé le " permis de Saint-Griède " délivré à la société Gas2Grid limited pour une période de cinq ans à compter de la date d'expiration du permis initial, soit jusqu'au 31 mai 2018. Estimant que ce jugement n'avait pas été entièrement exécuté dans un délai raisonnable dès lors que l'injonction prononcée avait pour objet de prolonger le permis en cause pour une durée de cinq ans courant à compter de la notification de ce jugement, et non à compter de la date d'expiration du permis initial, les premiers juges, après avoir modéré le taux de l'astreinte pour tenir compte de l'exécution partielle du jugement, ont liquidé l'astreinte en la fixant à 500 euros par jour de retard au titre de la période du 23 décembre 2016, lendemain de la date d'expiration du délai laissé à l'administration pour prendre la décision de prolongation du permis, au 7 décembre 2017, veille de l'arrêté interministériel, et à 1 000 euros par jour de retard à compter du 8 décembre 2017 et jusqu'au 5 juillet 2018, soit la somme globale de 383 500 euros.
6. S'il n'est pas contesté que la société Gas2grid a reçu notification de la décision de prolongation de son permis le 8 décembre 2017, soit près d'un an après le délai qui avait été imparti à l'administration par le jugement du 2 novembre 2016, le ministre fait état de difficultés particulières rencontrées pour l'exécution de ce jugement résultant d'une part, des délais nécessaires à l'instruction des demandes de prolongation, et d'autre part, du contexte juridique renouvelé lors du prononcé de l'injonction et ayant conduit à une réévaluation de la politique de délivrance des titres miniers portant sur les ressources fossiles et au vote des lois n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche et à l'exploitation d'hydrocarbures. A cet égard, il résulte de l'instruction et notamment du rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) relatif aux délais d'instruction des demandes de permis exclusifs de recherches et de concessions d'hydrocarbures, établi en juillet 2015 et accessible sur internet, que la complexification progressive de la procédure comportant de très nombreuses étapes et placée sous des responsabilités diverses, sans pilotage d'ensemble suffisant, ainsi que l'absence de dématérialisation couplée à une augmentation significative des demandes de permis à la suite de la hausse des cours du pétrole, ont conduit à une situation d'engorgement de l'instruction des titres miniers depuis 2011 rejaillissant sur les délais de traitement, d'une durée moyenne de 14 mois. Dans ces circonstances, le retard de près d'un an mis par l'administration à prendre des mesures en exécution du jugement du tribunal de Pau peut être regardé comme trouvant sa cause dans le contexte particulier dans lequel l'administration a dû prendre sa décision.
7. Aux termes de l'article L. 142-1 du code minier : " La validité d'un permis exclusif de recherches peut être prolongée à deux reprises, chaque fois de cinq ans au plus, sans nouvelle mise en concurrence. Chacune de ces prolongations est de droit, soit pour une durée au moins égale à trois ans, soit pour la durée de validité précédente si cette dernière est inférieure à trois ans, lorsque le titulaire a satisfait à ses obligations et souscrit dans la demande de prolongation un engagement financier au moins égal à l'engagement financier souscrit pour la période de validité précédente, au prorata de la durée de validité et de la superficie sollicitées ". Aux termes de l'article L. 142-6 du même code : " Au cas où, à la date d'expiration de la période de validité en cours, il n'a pas été statué sur la demande de prolongation, le titulaire du permis reste seul autorisé, jusqu'à l'intervention d'une décision explicite de l'autorité administrative, à poursuivre ses travaux dans les limites du ou des périmètres sur lesquels porte la demande de prolongation. ". En application des articles 46 et 49 du décret en Conseil d'Etat et en conseil des ministres n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain, la demande de prolongation de validité d'un permis exclusif de recherches est adressée à l'administration par lettre recommandée avec avis de réception quatre mois avant l'expiration de la période de validité et le silence gardé pendant plus de quinze mois sur la demande de prolongation d'un permis de recherches vaut décision de rejet.
8. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration d'un délai de quinze mois après la saisine du ministre, le silence gardé par celui-ci fait naître une décision implicite de rejet de la demande de prolongation. Dans le cas où la validité du titre arrive à échéance alors qu'il n'a pas encore été statué sur la demande de prolongation du permis, le titulaire du permis est autorisé, en vertu de l'article L. 142-6 du code, à poursuivre ses travaux dans les limites du ou des périmètres sur lesquels porte la demande de prolongation, nonobstant l'intervention d'une décision implicite de rejet de sa demande de prolongation, seule l'intervention d'une décision explicite de rejet pouvant alors mettre fin à la possibilité qui lui est reconnue.
9. Si le ministre ne peut utilement soutenir, eu égard à ce qui vient d'être dit, que les dispositions de l'article L. 142-1 et L. 142-6 du code minier impliquaient nécessairement, sous peine d'une prolongation illégale de huit années, que la prolongation de cinq ans ordonnée par le tribunal prenne effet à la date d'expiration de la précédente période de validité du titre et non à la date de notification du jugement alors que la décision expresse de refus du 21 septembre 2015 faisait obstacle à la poursuite de ses activités de recherches par la société, toutefois, il n'est pas contesté que la suspension de ce refus explicite par le jugement n° 1502455 du 29 décembre 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Pau, a permis de fait à la société Gas2Grid de poursuivre ses activités.
10. Par suite, compte tenu des difficultés d'instruction exposées au point 5 auxquelles l'administration était confrontée, du commencement d'exécution que constitue l'arrêté du 8 décembre 2017 et de la possibilité qu'a eue la société de poursuivre ses recherches dès le 29 décembre 2015 à la suite la suspension de l'exécution du refus opposé à sa demande de prorogation, il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de procéder à la liquidation d'astreinte prononcée contre l'Etat.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, ni de sursoir à statuer, que le ministre de la transition écologique est fondé à demander l'annulation du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de liquidation d'astreinte présentée par la société Gas2Grid.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700202 du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande de liquidation présentée par la société Gas2grid devant le tribunal administratif de Pau est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société Gas2grid limited.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme A... B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03418