I. Par une requête enregistrée le 13 novembre 2020 sous le n° 20BX03707, M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 mai 2020 le concernant ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou un titre de séjour sur le fondement de l'article L 313-11-7 du même code dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ; à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et le munir pendant le temps de ce réexamen d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnaît l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de prise en charge de son enfant pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut bénéficier d'un suivi pluridisciplinaire dans son pays d'origine ; le rapport de l'OSAR du 30 juin 2020 sur l'accès à divers soins et traitements médicaux en Géorgie atteste des lacunes du système de santé et notamment de la surcharge des psychiatres ;
- compte tenu des conséquences qu'engendreraient la rupture de la continuité des soins et du lien thérapeutique patient/médecin sur l'état de santé de sa fille, la préfète a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 octobre 2020.
II. Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2020 sous le n° 20BX03708 Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 mai 2020 la concernant ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7 du même code dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ; à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et le munir pendant le temps de ce réexamen d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle invoque les mêmes moyens que ceux invoqués par M. F... dans l'instance n° 20BX03707 visée ci-dessus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 octobre 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 1406-2020 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F..., ressortissants géorgiens, sont entrés en France le 19 avril 2018, accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par décisions des 8 octobre 2018, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 25 avril 2019. Le 31 janvier 2019, ils ont sollicité un titre de séjour en qualité d'accompagnants d'un enfant mineur étranger malade sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêtés du 5 mai 2020, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer les titres de séjour sollicités, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. M. et Mme F... relèvent appel du jugement n° 2002192, 2002193 du 22 juillet 2020, par lesquels le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Les requêtes des époux F..., enregistrés sous les numéros 20BX03707 et 20BX03708, présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur les décisions portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que la fille de M. et Mme F..., née le 23 juillet 2008, souffre d'un trouble du spectre autistique engendrant un retard de développement et des troubles du langage depuis sa petite enfance. La préfète, qui s'est appropriée le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 8 août 2019, a considéré que l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut bénéficier effectivement, d'un traitement approprié et qu'elle est en mesure de voyager sans risque vers son pays d'origine. Ni les certificats médicaux produits, qui se bornent à rappeler les pathologies dont souffre l'enfant du couple, le suivi pluridisciplinaire et les traitements médicamenteux qui lui ont été prescrits, ni la décision de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) donnant son accord pour l'orientation de l'enfant dans une classe Ulis ne permettent de retenir qu'elle ne peut bénéficier de soins dans son pays d'origine ni que la rupture du lien thérapeutique patient/médecin avec l'équipe médicale en France serait gravement préjudiciable à l'enfant. Enfin, si le rapport de l'OSAR du 20 juin 2020 dont font état M. et Mme F... mentionne les carences du système de soins géorgien et notamment la surcharge des psychiatres limitant l'accès à des soins psychothérapeutiques, il ne permet pas, eu égard à son caractère général, d'établir que l'enfant de M. et Mme F... ne pourra bénéficier des soins appropriés dans ce pays. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. et Mme F... un titre de séjour en qualité d'accompagnants d'enfant malade.
5. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. La décision contestée n'a pas pour effet de séparer les requérants de leurs deux enfants qui ont vocation à les accompagner en Géorgie. Si M. et Mme F... soutiennent que l'intérêt supérieur de leur fille handicapée serait méconnu en cas de retour dans leur pays d'origine, compte tenu des carences du dispositif de prise en charge des maladies psychiques, ils ne produisent pas d'élément permettant de corroborer leurs affirmations sur ce point. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Si Mme et M. F... soutiennent que les décisions d'éloignement prises à leur encontre méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'état de santé de leur fille nécessite une prise en charge en France, comme il a été dit au point 4, les pièces du dossier ne permettent pas d'estimer que l'enfant ne pourrait bénéficier d'un suivi en Géorgie. En outre, les appelants, qui sont entrés récemment en France, ne justifient d'aucun lien en dehors de leur cellule familiale et n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales ou personnelles dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, les décisions d'éloignement prises par la préfète de la Gironde n'ont pas porté au droit des époux F... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs des décisions attaquées. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Eu égard aux circonstances exposées au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 20BX03707 et 20BX03708 de Mme et M. F... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., à M. C... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme D... E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.
La présidente,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03707, 20BX03708