Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020, le préfet de la Martinique demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de la Martinique du 23 octobre 2020.
Il soutient que :
- le tribunal pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête a, à tort, considéré que l'arrêté était entaché d'ambiguïté dans l'indication des voies et délais de recours qui aurait induit en erreur Mme B... pour former sa requête dans le délai imparti ;
- la décision distincte fixant le pays de destination n'avait pas à mentionner les voies et délais de recours dès lors qu'elle accompagnait l'obligation de quitter le territoire français et était notifiée en même temps que celle-ci ;
- le tribunal a, à tort, considéré que Mme B... demandait l'annulation de son arrêté portant obligation de quitter le territoire français et de sa décision fixant le pays de renvoi alors qu'aucun moyen n'était soulevé dans ce sens ; l'intéressée demandait uniquement à se voir délivrer une carte de séjour provisoire pour des motifs professionnels et familiaux ;
- le tribunal a, à tort, considéré qu'il avait méconnu les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que selon l'article L. 743-2 de ce même code, le droit au maintien sur le territoire prend fin à la date de la décision d'irrecevabilité de l'OFPRA, en cas de première demande de réexamen de la demande d'asile ; l'obligation de quitter le territoire français en litige a été prise après la décision de l'OFPRA rejetant pour irrecevabilité la demande de réexamen, ce qui est conforme à l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'OFPRA s'étant prononcé sur la demande de réexamen avant l'édiction de la mesure d'éloignement, il n'y avait pas lieu d'enjoindre au préfet de délivrer à l'intéressée une attestation de demande d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité haïtienne, est entrée en France le 16 mars 2019, selon ses dires, et a sollicité l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 9 juillet 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 21 octobre 2019, qui lui a été notifiée le 28 octobre 2019. Le 28 avril 2020, elle a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile. Par un arrêté du 27 mai 2020, le préfet de la Martinique a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par une décision distincte du même jour, le préfet a fixé Haïti comme pays de destination de la mesure d'éloignement. Le préfet de la Martinique relève appel du jugement du 23 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Martinique a prononcé l'annulation des deux arrêtés du 27 mai 2020 et lui a enjoint de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile jusqu'à ce que l'OFPRA statue sur la demande de réexamen de l'intéressée.
2. D'une part, en vertu du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement, notamment, du 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose d'un délai de départ volontaire peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que l'administration n'est tenue de faire figurer dans la notification de ses décisions que les délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais de recours administratifs préalables obligatoires. Il lui est loisible d'y ajouter la mention des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs, à la condition toutefois qu'il n'en résulte pas des ambiguïtés de nature à induire en erreur les intéressés dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours contentieux effectif.
4. Pour écarter la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Martinique tirée de la tardiveté de la requête de Mme B..., le magistrat désigné du tribunal administratif de la Martinique a estimé que la mention des voies et délais de recours portée sur l'arrêté préfectoral du 27 mai 2020 ne distinguait pas clairement entre le délai de deux mois pour former un recours administratif et le délai de quinze jours pour former un recours contentieux. Il en a déduit que ces mentions comportaient une ambiguïté de nature à induire Mme B... en erreur et à faire obstacle à ce que cette dernière exerce effectivement son droit à un recours contentieux dans le délai imparti.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 mai 2020 a été notifié à Mme B... le 16 juin 2020 par lettre recommandée avec avis de réception. Il mentionnait que Mme B... pouvait contester cet arrêté dans un délai de deux mois à compter de sa notification soit en exerçant un recours gracieux auprès du préfet de la Martinique, soit en exerçant un recours hiérarchique auprès du ministre de l'intérieur. Après un saut de ligne, l'arrêté mentionne que Mme B... peut contester la légalité de la décision devant le tribunal administratif de Fort-de-France dans un délai de quinze jours à compter de sa notification. L'adresse internet de l'application Télérecours citoyens, l'adresse postale du tribunal ainsi que son numéro de téléphone et de télécopie y sont mentionnés. Il était en outre précisé que Mme B... aurait à joindre à son recours une copie de la décision contestée et que le délai de recours n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif.
6. Il résulte de ce qui précède que les mentions contenues dans l'arrêté en litige étaient suffisamment claires pour permettre à Mme B... d'exercer effectivement un recours contentieux devant le tribunal administratif. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête au motif que les mentions précitées étaient ambiguës faute de distinguer clairement le délai de deux mois pour former un recours administratif du délai de quinze jours pour former un recours contentieux.
7. Les mentions contenues dans l'arrêté en litige ont permis le déclenchement du délai de recours contentieux imparti à Mme B.... Il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme B... a été présentée devant le tribunal administratif de la Martinique le 24 juillet 2020, soit au-delà du délai de quinze jours imparti par les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la demande de première instance de Mme B... était tardive.
8. Le préfet de la Martinique est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Martinique a annulé ses arrêtés du 27 mai 2020. Ce jugement doit être annulé et la demande de première instance de Mme B... rejetée comme tardive.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2000374 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.
Article 2 : La demande de première instance présentée par Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric A..., président-assesseur,
Mme C... D..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition du greffe le 18 mai 2021.
La présidente,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03843