Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 octobre 2020, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Haute-Garonne du 28 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- sur l'avis du collège de médecins, la signature et la fonction du docteur Candillier sont absentes et celles du docteur Leclair sont illisibles, ce qui ne permet pas de vérifier la collégialité de cet avis ;
- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'absence de prise en charge de sa pathologie et d'accessibilité de traitement dans son pays d'origine et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
- elles sont dépourvues de base légale.
Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés le 28 décembre 2020 et le 15 février 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante albanaise née le 5 octobre 1974 à Sovjan (Albanie), est entrée sur le territoire français une première fois en 2017 et a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d'asile. Elle est de nouveau entrée en France, accompagnée de son époux et de leur fils en 2019, selon ses déclarations. Elle a sollicité le réexamen de sa demande d'asile et sa demande a été déclarée irrecevable par décision de l'OFPRA du 28 février 2019. Le 29 octobre 2019, Mme D... a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté en date du 28 février 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". En vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort de l'avis émis le 27 janvier 2020 sur lequel le préfet s'est notamment appuyé pour prendre sa décision, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de l'appelante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque.
5. Cet avis a été émis par trois médecins dont l'identité et les signatures apparaissent suffisamment lisiblement sur l'avis lui-même. A cet égard la circonstance que les fonctions exercées par le docteur Candillier alors qu'elles ne sont pas une indication obligatoire, ne soient pas lisibles, ne permet pas de regarder Mme D... comme ayant été privée d'une garantie. Ainsi, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Par ailleurs, s'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties, il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées. Lorsque l'avis porte, comme en l'espèce, la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Par suite, l'appelante, qui ne fait état d'aucun élément permettant de douter sérieusement de la collégialité de l'avis, n'est pas fondée à soutenir que l'avis médical précité a été émis dans des conditions irrégulières.
7. Si l'appelante soutient qu'elle souffre de troubles de la thyroïde nécessitant un traitement inaccessible dans son pays d'origine compte tenu du coût du traitement, elle ne produit toutefois aucun élément quant au traitement précis dont elle a besoin et qui ne serait pas accessible en Albanie. Au contraire, si le certificat médical établi par le docteur Levy-Sulem, médecin généraliste, le 5 novembre 2019, mentionne qu'elle est soignée principalement par Levothyrox, il ressort des documents produits par le préfet à l'appui de son mémoire en défense que le Levothyrox est disponible et remboursé en Albanie. Si le même certificat médical mentionne également qu'elle est traitée par Calcium et l'Unalfa (alfacalcidol), l'appelante n'allègue pas que ces médicaments sont indisponibles en Albanie. Enfin, si l'intéressée fait valoir que sa situation financière et sociale ne lui permettrait pas d'avoir effectivement accès à la prise en charge de sa pathologie en raison du coût du traitement, le rapport de la mission exploratoire en Albanie qu'elle produit de 2014 ne peut suffire à corroborer ses affirmations, eu égard à son ancienneté et à son caractère général. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Eu égard aux circonstances qui viennent d'être exposées, et alors que rien ne s'oppose à ce que l'appelante accompagnée de son mari, également en situation irrégulière, et de leur fils poursuivent leur vie familiale en Albanie et que son fils y poursuive sa scolarité, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement d'une somme à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme H... C..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme F... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.
La présidente,
Elisabeth C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03325