Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 août 2017, le 12 avril 2019 et le 17 mai 2019, la commune de Vérines, représentée par son maire en exercice, par la SCP Pielberg Kolenc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande de la société Sorea Atlantique ;
3°) de mettre à la charge de la société Sorea Atlantique la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, en application des dispositions des articles L. 332-6 et L. 332-15 du code de l'urbanisme, la participation du lotisseur au coût des travaux du carrefour giratoire créé pour desservir le lotissement, quand bien même il bénéficiera également à d'autres personnes, et alors qu'il constitue un équipement propre au lotissement, est justifiée et s'impose conformément à la convention signée le 11 juin 2007 entre la commune de Vérines et le lotisseur ; cet aménagement ne présente aucun intérêt pour les usagers de la route départementale dont la sécurité était pleinement assurée par la voie existante ni pour l'ouverture à l'urbanisation de la zone 1AU ; le jugement doit par suite être annulé ;
- le titre exécutoire n'est pas un acte entrant dans la catégorie de ceux dont la motivation est exigée par la loi du 11 juillet 1979 ; en outre, le titre exécutoire mentionne les bases de la liquidation et les éléments de calcul de la créance dès lors qu'y est annexée la convention du 11 juin 2007 et la lettre du 6 novembre 2013 ;
- la commune n'a exercé aucune pression ni aucun chantage pour que la société Sorea Atlantique accepte de s'engager à participer financièrement au coût des travaux de construction du carrefour giratoire ; le détournement de pouvoir allégué n'est dès lors pas établi.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er avril 2019 et le 9 mai 2019, la société Sorea Atlantique, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête d'appel de la commune de Vérines et à la condamnation de la commune de Vérines à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ainsi que l'a jugé le tribunal, elle n'avait pas en application des articles L. 332-6 et L. 332-15 du code de l'urbanisme à prendre en charge une partie du coût des travaux de construction du giratoire dès lors qu'il ne s'agit pas d'un équipement propre mais un rond-point décidé par la commune dans l'intérêt public ;
- le titre exécutoire est insuffisamment motivé au sens de la loi du 11 juillet 1979 et il ne comporte pas les bases de la liquidation et les éléments de calcul de la somme demandée ;
- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les travaux en cause ne constituent pas des équipements propres et ne font ainsi pas partie de la liste limitative des participations exigibles des lotisseurs pour la réalisation d'équipements publics ;
- la commune lui a imposé de prendre en compte une partie des frais de construction du giratoire en échange du permis de construire.
En application de l'article L. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées par lettre du 30 septembre 2019, de ce que la cour était susceptible de substituer l'article L. 332-11-3 à l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme comme base légale de la participation réclamée à la société Sorea Atlantique.
Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2019, la société Sorea Atlantique conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et conteste la substitution de base légale indiquée dans le courrier précité.
Elle soutient qu'en l'espèce les conditions d'application de l'article L. 332-11-3 du code de l'urbanisme ne sont pas remplies.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... E...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me A... B... se substituant à Me C..., représentant la société Sorea Atlantique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 30 mai 2007, la société Sorea Atlantique a été autorisée par le maire de la commune de Vérines (Charente-Maritime) à réaliser le lotissement " Les Résidences du Moulin " à Loiré sur le territoire de ladite commune. Par convention du 11 juin 2007, la commune de Vérines a mis à la charge de la société Sorea Atlantique une participation financière pour la création d'un carrefour giratoire permettant l'accès au lotissement et correspondant à la moitié de la participation communale fixée à la somme 71 135,82 euros soit 30 % du coût des travaux, lesquels sont financés pour le surplus par le département, maître d'oeuvre et maître d'ouvrage de l'opération. Après la réalisation des travaux, la commune de Vérines a payé la totalité de sa participation et a sollicité de la société Sorea Atlantique le versement de 35 567,91 euros correspondant à la moitié du montant de sa participation conformément à la convention signée le 11 juin 2007. Face au refus opposé par la société Sorea Atlantique à sa demande, la commune de Vérines a émis à l'encontre de la société, le 25 mars 2014, un titre exécutoire pour la somme de 35 567,91 euros. La société Sorea Atlantique a formé opposition à l'encontre de ce titre. Par un jugement du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à sa demande en prononçant l'annulation du titre exécutoire litigieux et en la déchargeant de l'obligation de payer la somme en litige. La commune de Vérines relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L 332-6 du code de l'urbanisme : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : ... 3° La réalisation des équipements propres mentionnées à l'article L. 332-15 ... ". Aux termes de l'article L 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie ... ". Aux termes de l'article L. 332-30 du même code : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. "
3. Il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 332-6 et de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation de lotir le coût des équipements propres à son lotissement. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs lotissements et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le lotisseur.
4. Il résulte de l'instruction que le carrefour giratoire réalisé à proximité du lotissement " Les Résidences du Moulin ", dont la réalisation a été financée à hauteur de 70 % par le département de la Charente-Maritime, dessert non seulement une voie nouvelle permettant d'accéder au lotissement mais aussi deux routes départementales. Cet équipement est ainsi affecté à la circulation générale et destiné à sécuriser l'intersection des routes départementales n° 112 et 203. D'ailleurs, la convention de participation financière pour la création d'un carrefour giratoire du 11 juin 2007, signée entre la commune de Vérines et la société Sorea Atlantique le confirme en stipulant que " cet équipement public profitera à l'ensemble de la collectivité ". Enfin, il résulte du plan local d'urbanisme en vigueur à la date de la délivrance du permis de lotir que la zone 1AU dans laquelle se situe le lotissement était destinée à l'urbanisation future et il résulte de l'instruction que le département avait, antérieurement à la création du lotissement, mis à l'étude un projet de carrefour giratoire pour répondre aux besoins de l'urbanisation de la zone concernée, comme l'indique le courrier des services du département du 23 mai 2007. Dès lors, le carrefour giratoire en cause ne peut être regardé comme un équipement propre au lotissement au sens et pour l'application des dispositions précitées dès lors qu'il excède les seuls besoins de ce dernier. Dans ces conditions, la participation de la société Sorea Atlantique n'entre pas dans le champ des contributions pouvant être mises à la charge des lotisseurs, limitativement énumérées par l'article L. 332-6 précité du code de l'urbanisme. En conséquence, cette participation de la commune de Vérines ne peut être, même pour partie, ainsi que l'a jugé le tribunal, mise à la charge du lotisseur. Par suite, et conformément à l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, la convention du 11 juin 2007 doit être réputée sans cause et c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé l'annulation du titre exécutoire en litige et ont déchargé la société de l'obligation de payer la somme mise à sa charge.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Vérines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de la société Sorea Atlantique.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Sorea Atlantique, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Vérines demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Vérines, la somme de 1 500 euros à verser à la société Sorea Atlantique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Vérines est rejetée.
Article 2 : La commune de Vérines versera à la société Sorea Atlantique une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vérines et à la société Sorea Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme D... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
Caroline E...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02711