Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 décembre 2017 et le 4 juin 2019, la société D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1600503 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 décembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il a été précédé d'une enquête publique qui n'était pas obligatoire ; en application de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, l'enquête publique n'est pas obligatoire pour les ouvrages temporaires ayant un faible impact sur l'environnement ;
- le préfet a commis une erreur de droit en soumettant le fonctionnement de l'ouvrage au régime de l'autorisation alors qu'il relève du régime déclaratif ;
- le préfet n'a pas respecté les dispositions de l'arrêté initial d'autorisation délivré le 25 avril 1963 ; cet arrêté a continué de produire ses effets en ayant été renouvelé par tacite reconduction ; M. D... n'avait donc pas à solliciter le renouvellement de son autorisation ;
- aucune disposition législative ou réglementaire ne permettait au préfet de réglementer les turbines de l'ouvrage fonctionnant sur un cours d'eau non domanial ;
- les dispositions de l'article R. 214-109 du code de l'environnement, relatives à la garantie de la continuité écologique des cours d'eau, ne sont pas applicables au ruisseau le Valentin qui n'est pas dans la liste des cours d'eau dans lesquels cette continuité doit être assurée en vertu de l'article L. 214-17 du code de l'environnement ;
- l'arrêté en litige ne pouvait légalement mettre à la charge de l'usinier les frais de vérification des conditions de fonctionnement de l'ouvrage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par ordonnance du 10 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2019 à 12 heures.
Une note en délibéré a été présentée pour la société D... le 2 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... A...,
- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté préfectoral du 2 avril 1963, le gérant de la centrale hydroélectrique du Pont de Goua, située sur le territoire de la commune des Eaux-Bonnes, a été autorisé à disposer de l'énergie de la rivière le Valentin. Cette autorisation a été renouvelée pour une durée de trente ans à compter du 2 avril 1978 par un arrêté du 12 novembre 1975. Le 15 décembre 2015, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris un arrêté autorisant la société D... à disposer, pour une durée de trente ans, de l'énergie de la rivière le Valentin pour la mise en jeu de la centrale hydroélectrique en fixant à 485 kW la puissance maximale brute de l'exploitation et en assortissant l'autorisation de prescriptions. La société D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2015. Elle relève appel du jugement rendu le 7 novembre 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 décembre 2015 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'énergie : " (...) nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'Etat. ". Aux termes de l'article L. 511-5 du même code issu de l'ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l'énergie et reprenant en substance l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique : " Sont placées sous le régime de la concession les installations hydrauliques dont la puissance excède 4 500 kilowatts. Sont placées sous le régime de l'autorisation les autres installations. La puissance d'une installation hydraulique, ou puissance maximale brute, au sens du présent livre est définie comme le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur. "
3. En application des dispositions précitées de l'article L. 511-5 du code de l'énergie, l'usine hydroélectrique exploitée par la société D..., dont la puissance maximale brute a été fixée à 485kW, relève du régime de l'autorisation, contrairement à ce que soutient la requérante.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du I de l'article L. 531-1 du code de l'énergie que l'octroi de l'autorisation pour l'exploitation d'ouvrages utilisant l'énergie hydraulique, également soumis aux articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l'environnement, est régi par ces dispositions et que les actes délivrés en application du code de l'environnement valent autorisation au titre du code de l'énergie. Toutefois, en vertu du III de l'article L. 531-1 du code de l'énergie, ces dispositions ne sont pas applicables aux demandes d'autorisation qui ont été formulées avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives. Par suite, la société D..., dont la demande a été déposée le 17 décembre 2008, ne peut utilement soutenir que sa demande relevait du régime de la déclaration au titre de la loi sur l'eau et non du code de l'énergie. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a dès lors pas méconnu le champ d'application de la loi en soumettant, par l'arrêté en litige du 15 décembre 2015, l'usine en cause au régime de l'autorisation.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'énergie : " La procédure d'octroi par l'autorité administrative de l'autorisation est régie par les dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l'environnement, sous réserve des dispositions particulières du présent livre. ". Aux termes de l'article L. 214-4 du code de l'environnement : " I. -L'autorisation est accordée après enquête publique (...). Un décret détermine les conditions dans lesquelles le renouvellement des autorisations et l'autorisation de travaux, installations ou activités présentant un caractère temporaire et sans effet important et durable sur le milieu naturel peuvent être accordés sans enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du présent code préalable ". Il ne résulte pas de l'instruction que le projet de la société D... serait dépourvu d'effet important et durable sur le milieu naturel, de sorte que le préfet a pu régulièrement soumettre la demande d'autorisation à une enquête publique. Par suite, la société D... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 15 décembre 2015, portant autorisation au titre du code de l'énergie, a été délivré à l'issue d'une procédure irrégulière en raison de l'organisation d'une telle enquête.
6. En quatrième lieu, la circonstance que le cours d'eau le Valentin ne figure pas sur la liste, prévue à l'article L. 214-17 du code de l'environnement, des cours d'eau dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport des sédiments et la circulation des poissons migrateurs, est sans incidence sur l'application à l'usine exploitée par la société D... des dispositions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement aux termes desquelles : " I. - Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. (...) III. - L'exploitant de l'ouvrage est tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien des dispositifs garantissant dans le lit du cours d'eau les débits minimaux définis aux alinéas précédents. ". A cet égard, la société D... ne conteste ni les prescriptions de l'arrêté en litige fixant les caractéristiques de la prise d'eau ni le niveau du débit minimal qu'elle se doit de maintenir dans la rivière.
7. En cinquième lieu, les articles 1er et 20 de l'arrêté du 2 avril 1963 ont prévu que l'autorisation serait délivrée pour une durée de quinze ans et, à l'expiration de ce délai, renouvelée d'année en année par tacite reconduction. La durée d'exploitation a ensuite été fixée à trente ans à compter du 2 avril 1978 par l'article 1er de l'arrêté du 12 novembre 1975 sans que celui-ci prévoie une clause de tacite reconduction. Il en résulte que l'autorisation d'exploiter expirait le 2 avril 2008, de sorte que la société D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle bénéficiait de la clause de tacite reconduction prévue dans l'arrêté initial la dispensant de déposer une demande de renouvellement d'autorisation.
8. En sixième lieu, il appartenait au préfet de délivrer l'autorisation en litige en veillant aux objectifs de protection de la ressource en eau et de maintien des continuités écologiques, rappelés à l'article L. 214-18 du code de l'environnement, auxquels les ouvrages et installations exploités par la société D... étaient susceptibles de porter atteinte. Ainsi que l'a relevé le tribunal, le fonctionnement des turbines d'une centrale hydroélectrique, selon leur nombre, leur localisation et leur vitesse de rendement, est susceptible d'avoir une incidence sur la ressource en eau. Par suite, le préfet des Pyrénées-Atlantiques pouvait légalement, dans l'arrêté en litige du 15 décembre 2015, fixer le nombre et les caractéristiques des turbines équipant l'ouvrage et le moyen tiré du défaut de base légale des prescriptions relatives aux turbines doit, dès lors, être écarté.
9. En septième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions de l'article 24 de l'arrêté du 15 décembre 2015, en tant qu'elles prévoient que l'usinier devra à ses frais mettre les agents de contrôle à même de procéder à toutes les mesures et vérifications utiles à l'exécution de l'autorisation, sont conformes à l'article 23 du modèle de règlement d'eau pour les entreprises autorisées à utiliser l'énergie hydraulique annexé à l'article R. 214-85 du code de l'environnement.
10. En huitième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 15 décembre 2015 n'est pas conforme aux autres dispositions du modèle de règlement d'eau annexé à l'article R. 214-85 du code de l'environnement n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 17BX04145 présentée par la société D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société D... et au ministre de la transition écologique et solidaire. Copie pour information en sera délivrée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. C... A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
Frédéric A...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 17BX04145