Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 2017 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 12 novembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-l du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le rapport de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) est intervenu postérieurement à la date de la décision en litige et n'a pas été établi contradictoirement ;
- l'écoulement d'eau qui alimente l'étang en litige ne remplit pas les trois critères de la définition juridique du cours d'eau ;
- l'étang en litige ne relève pas des catégories de la nomenclature des installations classées pour l'environnement retenues par le préfet ;
- l'étang en litige ne présente pas de danger et ne menace pas de rompre.
Par un mémoire, enregistré le 24 juin 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 juillet 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est propriétaire d'un plan d'eau sur le territoire de la commune de Saint-Cyprien (19). A la suite d'un contrôle documentaire, il est apparu que ce plan d'eau avait été réalisé sans autorisation et que ne lui était applicable aucune prescription, en particulier en matière de sécurité et de qualité de l'eau. Après l'avoir invité en vain à constituer un dossier de régularisation comprenant une étude hydraulique, le préfet de la Corrèze a, par arrêté du 31 mars 2015, mis en demeure M. A... de déposer, avant le 30 septembre 2015, soit une demande d'autorisation soit un dossier de remise en état des lieux. Une visite des lieux, en présence de l'intéressé, a été réalisée le 2 juin 2015. La mise en demeure étant restée sans réponse, le préfet a, par arrêté du 12 novembre 2015, ordonné le paiement d'une astreinte journalière de 10 euros jusqu'à satisfaction de cette mesure. M. A... relève appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 12 novembre 2015.
2. Aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an (...) / L'autorité administrative peut, à tout moment, afin de garantir la complète exécution des mesures prises en application des deuxième et troisième alinéas du présent I : 1° Ordonner le paiement d'une astreinte journalière au plus égale à 1 500 applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de ces mesures. L'astreinte est proportionnée à la gravité des manquements constatés et tient compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants ". Aux termes de l'article L. 214-2 du même code : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l'existence des zones et périmètres institués pour la protection de l'eau et des milieux aquatiques. / Ce décret définit en outre les critères de l'usage domestique, et notamment le volume d'eau en deçà duquel le prélèvement est assimilé à un tel usage, ainsi que les autres formes d'usage dont l'impact sur le milieu aquatique est trop faible pour justifier qu'elles soient soumises à autorisation ou à déclaration ". Aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre (...) ".
4. Le préfet de la Corrèze a estimé que le plan d'eau appartenant à M. A... était soumis à autorisation, en application de l'article L. 214-1 du code de l'environnement, dès lors qu'il relevait des rubriques 3.1.1.0 et 3.1.2.0 de la nomenclature prévue à l'article R. 214-1 du code de l'environnement. La rubrique 3.1.1.0 prévoit que sont soumis à autorisation les installations, ouvrages, remblais et épis, dans le lit mineur d'un cours d'eau, constituant un obstacle à l'écoulement des crues (1°) ; la rubrique 3.1.2.0 prévoit que sont soumis à autorisation les installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau, à l'exclusion de ceux visés à la rubrique 3.1.4.0, ou conduisant à la dérivation d'un cours d'eau sur une longueur de cours d'eau supérieure ou égale à 100 mètres (1°).
5. D'une part, il résulte de l'instruction que, pour décider que le plan d'eau en litige relève de ces rubriques, le préfet s'est fondé sur une carte IGN et sur le compte-rendu de la visite des lieux qui s'est déroulée le 2 juin 2015 en présence de M. A..., dont les observations, qu'il a présentées à cette occasion, sont consignées dans ce compte rendu. Le rapport de manquement du 9 mars 2015 a été communiqué à l'intéressé qui a pu présenter ses observations conformément à l'article L. 171-6 du code de l'environnement. Dans ces conditions, si le préfet a produit à l'instance devant le tribunal administratif un avis établi à sa demande par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) le 25 juillet 2016 pour appuyer ses écritures en défense, la circonstance que ce rapport n'ait pas été établi contradictoirement est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Au demeurant, il était loisible à M. A... de discuter cet avis dans le cadre de l'instance devant le tribunal.
6. D'autre part, constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. Si la richesse biologique du milieu peut constituer un indice à l'appui de la qualification de cours d'eau, l'absence d'une vie piscicole ne fait pas, par elle-même, obstacle à cette qualification.
7. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'avis de l'ONEMA, que le plan d'eau en litige est alimenté par un ruisseau prenant sa source au lieudit " Chez Thomas " sur le territoire de la commune de Saint-Cyprien, présente un lit naturel dont la section mouillée, à la date de l'avis, variait, selon les points de mesure, entre 0,60 et 0,80 mètre et présente donc un écoulement permanent même en période d'étiage. En outre, de la faune aquatique y a été identifiée. Dans ces conditions, ce ruisseau constitue un cours d'eau au sens des dispositions du code de l'environnement. Si M. A... conteste cette qualification, il ne produit toutefois aucun élément permettant de la remettre en cause.
8. Il résulte encore de l'instruction, en particulier du compte-rendu de visite des lieux, que le plan d'eau en litige a été formé par la construction d'un barrage sur le lit du cours d'eau, ce qui fait obstacle à l'écoulement des eaux et modifie le profil du cours d'eau. Il relève donc des rubriques, citées au point 4, de la nomenclature prévue par l'article R. 214-1 du code de l'environnement.
9. Enfin, il résulte encore de l'instruction que d'autres plans d'eau similaires sont en cours de régularisation en amont et en aval de celui en litige dans la présente instance. Il ressort du compte-rendu de visite des lieux que le pied de la digue de l'étang de M. A... est immergé dans le plan d'eau en aval, dont la vidange pourrait déstabiliser le barrage de l'intéressé, par ailleurs encombré d'arbres et de végétation. En outre, le plan d'eau de M. A... ne dispose pas d'un système de vidange. Dès lors, l'étang en litige représente donc un danger pour la sécurité.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et solidaire. Copie en sera transmise au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00560