Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, M. A... D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1900174 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ; subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est en couple, s'est marié en France en février 2019 et son épouse est actuellement enceinte ;
- l'arrêté en litige est illégal par voie de conséquence de l'illégalité du refus d'autorisation de travail pris par le préfet ; cet arrêté est entaché d'erreur de droit car il est fondé sur un motif non prévu à l'article R. 5221-11 du code du travail tiré de ce que M. D... n'a pas maintenu sa résidence habituelle hors de France ; cet arrêté est entaché d'une autre erreur de droit car il est fondé sur un motif, non prévu par la réglementation, tiré de ce que M. D... ne peut déposer une demande d'autorisation de travail dès lors qu'il réside déjà en France ; enfin, le refus d'autorisation de travail est illégal dès lors qu'il n'est pas établi que l'employeur de M. D... aurait méconnu la législation sur le travail quant à l'activité professionnelle de ce dernier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par une décision du 18 juillet 2019, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. D..., confirmée par une décision de la présidente de la cour du 11 octobre 2019.
Par une ordonnance du 19 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 octobre 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... B...,
- et les observations de Me C..., se substituant à Me E..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D... est un ressortissant marocain né en 1982 qui a bénéficié d'un titre de séjour pluri annuel en qualité de travailleur saisonnier valable du 21 janvier 2015 au 20 janvier 2018. Le 22 décembre 2017, il a sollicité un changement de statut en déposant en préfecture de Gironde une demande de titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Subsidiairement, M. D... a aussi demandé l'attribution d'une autorisation de séjour au titre de la vie privée et familiale ou de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 27 novembre 2018, le préfet de la Gironde a rejeté la demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2018. Il relève appel du jugement rendu le 10 avril 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, pour contester le refus de titre de séjour en litige, le requérant excipe de l'illégalité du rejet de la demande d'autorisation de travail présentée pour son compte par la société FPA Aquitaine sur le fondement, distinct, de l'article R. 5221-11 du code du travail. Cependant, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. En l'espèce, le refus de séjour contesté n'a pas été pris pour l'application du refus d'autorisation de travail opposé le 6 juillet 2018 à l'employeur de M. D... et ne trouve pas davantage son fondement légal dans cette décision. Par suite, l'exception tirée de l'illégalité de ce refus d'autorisation de travail ne peut être utilement invoquée.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Pour soutenir que la décision en litige a porté atteinte à l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. D... se prévaut de son mariage avec une compatriote, célébré à Toulouse le 9 février 2019, et du fait que cette dernière est enceinte ainsi que l'établit un certificat médical daté du 13 février 2019. Toutefois, ces circonstances sont postérieures à l'arrêté en litige et ne peuvent, par suite, être utilement invoquées à l'encontre de celui-ci dont la légalité s'apprécie en fonction des circonstances de droit et de fait existantes à la date de son édiction. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au 27 novembre 2018, date de la décision attaquée, M. D... vivait avec sa compagne et avait noué avec celle-ci une relation ancienne et fondée sur des liens stables. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 27 novembre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 19BX02381 présentée par M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me E... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. F... B..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
Frédéric B...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX02381 4