3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Vienne de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé ;
- la préfète a commis une erreur de droit en se fondant sur la décision du 4 juillet 2018 du Comité du Patrimoine Mondial de l'UNESCO relative à l'abbaye de Saint-Savin qui ne lui est pas opposable dès lors qu'elle est dépourvue de toute portée normative et qu'au demeurant elle ne remet pas en cause la possibilité d'implanter un parc éolien au-delà de la zone tampon ; à la date du 2 septembre 2019, aucune nouvelle zone tampon n'avait été définie par la préfète, seule compétente pour ce faire ; à supposer que la délimitation de la nouvelle zone tampon soit opposable au projet, la ministre et les intervenants volontaires ne démontrent pas que le projet de l'exposante se trouverait en son sein ; le périmètre de la zone tampon retenu par la préfète et dont la communauté de communes Vienne et Gartempe (CCVG) a validé le projet d'extension exclut le secteur d'implantation du projet ; en tout état de cause, le projet ne causera aucun impact sur l'abbaye de Saint-Savin et sa zone tampon actuelle, limitée aux abords du monument historique ;
- la préfète a entaché sa décision d'erreur d'appréciation en retenant l'atteinte à l'abbaye de Villesalem et au château de Ry-Chazerat, situés sur le territoire de la commune de Journet, la covisibilité du projet avec la flèche gothique de l'abbaye de Saint-Savin et l'atteinte à l'Hôtel Dieu de la commune de Montmorillon ; la seule visibilité ou covisibilité d'un parc éolien n'emporte pas, en elle-même, l'existence d'un impact paysager ou patrimonial ;
- le site d'implantation ne présente pas un intérêt particulier du point de vue paysager et se trouve en dehors des zones de sensibilité à l'éolien et des espaces culturels et paysagers emblématiques ; la topographie et les filtres permettent de limiter les vues autour du site d'implantation et le site d'implantation est caractérisé par divers éléments anthropiques prégnants ;
- les motifs supplémentaires de refus invoqués par les intervenants sont irrecevables en ce qu'ils diffèrent des conclusions et moyens soulevés par les parties à l'instance ;
- le moyen relatif au sursis à statuer est inopérant dès lors qu'il s'applique aux seules demandes d'autorisations d'urbanisme ;
- ni le Plan Climat Air Energies Territorial (PCAET), ni le plan paysage que la CCVG souhaite initier pour l'année à venir ne sont opposables au refus d'autorisation, en ce qu'ils constituent uniquement des documents d'orientation ; le schéma régional éolien de Poitou-Charentes a bien été pris en considération dès lors qu'il a été choisi d'implanter le projet dans un secteur qualifié par le SRE d'" espace sans enjeu spécifique " à plus de 13 kilomètres de l'abbaye de Saint-Savin ; si la prescription 72 du Document d'Orientation et d'Objectif (DOO) du Schéma de Cohérence Territoriales (SCoT) prévoit l'interdiction d'implanter de nouveaux parcs éoliens dans " le secteur de co-visibilité du Site UNESCO de l'Abbaye de Saint-Savin ", ce secteur n'est toutefois pas défini par le document.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la définition de la zone tampon autour de l'abbaye de Saint-Savin a été validée par les services de l'Etat et les collectivités et doit être présentée, pour approbation le 28 juillet à l'UNESCO ; l'objectif recherché par la préfète en refusant l'autorisation d'exploiter était de préserver le patrimoine bâti et paysager ;
- la proximité de la vallée de la Gartempe et le site patrimonial remarquable de Saint-Savin permet de considérer que le site présente des caractéristiques paysagères remarquables auxquels le projet est susceptible de porter atteinte ;
- les autres moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.
Par des mémoires en intervention, enregistrés les 15 novembre 2020, 15 décembre 2020 et 21 janvier 2021, l'association Sauvegarde de l'Environnement de Liglet et de la Trimouille (SELT), M. H... J..., M. A... G..., Mme I... C... épouse G..., M. Daniel Gioe, M. et Mme B... et F... J... et K... D... J... épouse E..., représentés par Me Boudy, concluent au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit enjoint au préfet de réinstruire le dossier et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge de la société Ferme Eolienne de Liglet en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont tous un intérêt à intervenir ;
- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ;
- la préfète n'a pas fondé sa décision sur la déclaration du comité du patrimoine mondial de l'UNESCO du 4 juillet 2018 mais l'a considéré comme un simple élément d'appréciation ; la zone du projet éolien est incluse dans la zone de prohibition des éléments de grande hauteur définie par les deux études paysagères réalisées par le cabinet Laborde en 2015 et 2018 ; si ces études n'ont pas de valeur réglementaire, elles reconnaissent l'intérêt et la qualité du paysage du site d'implantation du projet éolien ; le DOO du SCOT Sud Vienne prohibe l'implantation de nouveaux équipements de production d'énergie dans le secteur de covisibilité du site de l'abbaye de Saint-Savin ; les éoliennes viendront concurrencer la flèche du clocher de cette abbaye ;
- s'agissant du prieuré de Villesalem, les photomontages du pétitionnaire sont erronés et trompeurs ainsi que l'a reconnu la MRAe et sont constitutives d'une fraude qui nuit à l'information du public et de l'administration ; aucune étude d'impact des parties nord et sud du prieuré de Villesalem ne figure dans le dossier du pétitionnaire ; aucun photomontage n'a visé les éoliennes E8, E7, E10 et surtout E1, E4 et E3 alors qu'il n'existe aucun obstacle susceptible d'atténuer une covisibilité ; il résulte des études versées au débat que le prieuré de Villesalem sera écrasé par les éoliennes ;
- le bureau d'étude mandaté par le pétitionnaire reconnaît l'existence d'une covisibilité avec le château de Ry-Chazerat inscrit à l'inventaire des monuments historiques mais devant être classé prochainement au titre des monuments historiques ; la présence des éoliennes aura un effet négatif sur l'exploitation touristique du site ;
- une covisibilité existe avec les monuments de la ville de Montmorillon, notamment son église romane, la cité de l'Ecrit et l'Hôtel Dieu avec l'octogone ; en outre, les éoliennes sont lumineuses la nuit et se voient de très loin ;
- il existe des visibilités avec le château de la Rivière, classé monument historique, le château de Céré, le manoir de Coutevraud, la chapelle de Marcilly à Liglet, récemment restaurée ;
- le village de Liglet sera sérieusement impacté ;
- le débat sur le PADD de la communauté de communes Vienne et Gartempe ayant eu lieu le 29 novembre 2018, le sursis à statuer prévu par l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme s'impose afin de permettre la finalisation du PLUi qui devra décliner le DOO du SCoT ainsi qu'un plan paysage pour la maîtrise du développement éolien ; l'implantation du parc contrevient aux orientations du PADD et notamment, à l'objectif de priorisation du développement sur des sites ne portant pas atteinte aux espaces à forte sensibilité environnementale, paysagère, patrimoniale ou touristique et à celui de prohibition du mitage et de la dispersion ;
- la présence de nombreux parcs éoliens à proximité crée un effet d'encerclement ;
- l'étude d'impact est insuffisante sur la question du raccordement au poste source ;
- le pétitionnaire ne justifie pas de la maîtrise foncière en l'absence de production des promesses de baux emphytéotiques ; contrairement aux affirmations de l'étude d'impact, aucune convention d'utilisation des chemins n'a été signée entre la société et la commune de Liglet ; compte tenu de cette fraude, la promesse de bail consentie par le GFA de Jemelle est nulle et de nul effet ;
- le projet porte atteinte à l'utilisation rationnelle de l'énergie dès lors que la concentration des parcs dans le nord de la région constitue un déséquilibre infra régional contraire au principe d'égalité et non justifié par l'intérêt général, que le territoire de la communauté de communes Vienne et Gartempe est déjà très vertueux et accueille déjà la centrale nucléaire de Civaux, que l'électricité produite par le parc ne sera pas consommée localement en contrariété avec l'objectif de sobriété énergétique qui sous-tend le principe d'utilisation rationnelle de l'énergie, que le coût de revient est largement supérieur à celui produit par la centrale de Civaux et que de surcroît l'éloignement du poste source entrainera une perte de courant de l'ordre de 10 à 30 % , à la charge du réseau ; l'étude d'impact est insuffisante sur ce point ;
- l'étude d'impact n'a pas correctement informé le public sur les dépréciations foncières et aucune mesure ERC n'a été appliquée sur ce point ;
- le projet méconnaît les règles sur le démantèlement issues de la réforme du 22 juin 2020 dès lors que ni l'engagement de démantèlement, ni la provision pour le démantèlement, ni les avis donnés par la population et par les municipalités sur cette question n'ont été actualisés ;
- ce projet constitue une grave menace sur la diversité chiroptérologique ;
- le dossier est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas de demande de dérogation pour la destruction et la perte d'habitat d'espèces protégées ;
- l'étude d'impact ne respecte pas les prescriptions de l'accord européen Eurobats et de la Société Française d'étude et de protection des mammifères (SFEPM) dès lors que huit éoliennes sur dix sont placées à des distances inférieures à 200 mètres des lisières et canopées les plus proches ;
- les mesures compensatoires qui se limitent à un comptage de la mortalité sont très insuffisantes ; les mesures de bridage sont soumises à de nombreuses conditions et se réduisent à quelques heures seulement ;
- l'étude d'impact ne démontre pas l'absence d'incidence du parc sur les chiroptères fréquentant les zones Natura 2000, le Parc régional de la Brenne, les ZNIEFF vallée du Salleron, vallée du Cocheron et vallée de l'Anglin ;
- l'étude d'impact n'évalue pas l'efficacité du bridage et ne donne pas le chiffre des contacts préservés alors que des études ont démontré l'inefficacité des bridages comme l'a relevé Kévin Barre dans sa thèse et que le projet est situé en pleine zone tampon édictée par le schéma régional éolien ; l'absence d'estimation ainsi que l'indication des données brutes ne permettent pas l'information du public et de l'administration et portent atteinte au principe du procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que cela revient à se constituer une preuve à soi-même ;
- le projet qui est situé sur le couloir de migration de l'avifaune d'intérêt régional et national, dont la grue cendrée, constitue une barrière à la migration et favorise les collisions ; l'inventaire des grues en migration est incomplet ; l'étude d'impact ne prend pas en compte le constat de vols à hauteur de pales des grues lorsqu'elles abordent les zones de gagnage et au-dessus du site de Liglet en raison de la proximité immédiate du site emblématique de la Brenne et de la zone humide du Montmorillonnais attractive pour le repos des oiseaux ; les conclusions de l'étude d'impact sont contradictoires avec les observations faites sur le comportement des grues cendrées à l'approche de la zone d'étude ; le projet sera préjudiciable aux rapaces et notamment à la bondrée apivore, le busard cendré, le busard Saint-Martin, le faucon hobereau, le hibou moyen-duc et le circaète Jean-le-Blanc ; l'étude d'impact ne démontre pas l'absence d'incidence sur les espèces fréquentant les nombreuses zones protégées situées dans l'aire d'étude immédiate ;
- le projet porte atteinte aux structures à vocation agricole ;
- le projet ne tient pas compte de l'impact de l'installation sur les objectifs de lutte contre l'aggravation de l'effet de serre ;
- le pétitionnaire ne justifie d'aucune capacité financière.
Par une décision du 17 septembre 2020, M. Daniel Gioe, président représentant de l'association SELT, a obtenu l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,
- et les observations de Me Galipon, représentant la société Ferme Eolienne du Liglet, et de Me Boudy, représentant l'association SELT et autres.
Une note en délibéré présentée par Me Guiheux pour la société Ferme Eolienne de Liglet a été enregistrée le 24 février 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande du 31 mars 2016 complétée le 14 novembre 2016, la société Ferme Eolienne de Liglet a sollicité la délivrance d'une autorisation unique en vue de l'implantation et de l'exploitation d'un parc éolien composé de dix aérogénérateurs d'une hauteur en bout de pales de 180 mètres et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Liglet. Par un arrêté du 2 septembre 2019, la préfète de la Vienne a rejeté cette demande. La société Ferme Eolienne de Liglet demande à la cour, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative d'annuler cet arrêté.
Sur l'intervention :
2. L'association Sauvegarde de l'Environnement de Liglet et de la Trimouille (SELT), qui a pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts de : " Défendre l'environnement et protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti, la qualité des paysages, des sites et du patrimoine du département de la Vienne, de la Communauté de communes du Montmorillonnais, et plus particulièrement de la commune de Liglet ainsi que des communes et communautés de communes limitrophes, y compris celles situées dans l'Indre et Haute-Vienne et toute la région, (...) ", justifie, au regard de son champ d'intervention, géographique comme matériel, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de la ministre de la transition écologique.
3. Par ailleurs, dès lors qu'au moins l'un des intervenants est recevable, une intervention collective est recevable. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à intervenir des autres intervenants personnes physiques, l'intervention de l'association SELT et autres doit être admise.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 septembre 2019 :
4. En premier lieu, le refus d'autorisation en litige, qui énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il résulte des termes de l'arrêté contesté que pour refuser l'autorisation unique sollicitée par la société requérante, la préfète de la Vienne s'est fondée sur le motif tiré de ce que le projet entrainera des situations de co-visibilité avec plusieurs monuments historiques inscrits, classés ou en cours d'instruction.
6. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 dudit code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. ".
7. Il résulte de ces dispositions que pour statuer sur une demande d'autorisation unique, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.
8. Il résulte de l'instruction que la zone d'implantation du projet se situe au cœur du Montmorillonnais, à la transition de l'entité paysagère des Terres de Brandes et des Terres froides, sur un plateau haut, entre les vallées du Salleron et de la Benaize. Si l'aire d'étude rapprochée et immédiate est composée d'un plateau de cultures céréalières, sans identité particulière, dans l'aire d'étude intermédiaire, le projet s'inscrit dans un paysage non dénué d'intérêt, marqué à la limite nord par le passage de la vallée de la Creuse et à la limite ouest par celle de la Gartempe, site inscrit présentant un patrimoine culturel et paysager important notamment en raison de la présence de nombreux monuments historiques dont l'abbaye de Saint-Savin, inscrite au patrimoine de l'UNESCO.
9. Pour refuser l'autorisation sollicitée, la préfète de la Vienne s'est fondée sur la circonstance que certaines des éoliennes du projet de parc auraient un impact sur l'abbaye romane de Villesalem, monument historique classé situé sur le territoire de la commune de Journet, à 1,9 kilomètre de l'éolienne la plus proche, en raison d'une visibilité partielle mais significative depuis le centre du hameau de Villesalem et d'une covisibilité, en retrait du hameau. Il résulte de l'instruction et notamment du photomontage n°45, représentatif de la vision humaine, que les bouts de pale de cinq éoliennes qui émergent au-dessus des arbres seront en co-visibilité avec le monument depuis un point en retrait du hameau de Villesalem. Alors que l'impact du projet est qualifié de moyen par le pétitionnaire, compte tenu de leur hauteur et de leur proximité du site, les éoliennes qui ne s'intègrent pas dans l'environnement naturel du monument, portent une atteinte significative à l'intérêt patrimonial du site. En outre, si la société pétitionnaire soutient que les autres éoliennes seront dissimulées par la présence de quelques bosquets, en l'absence de tout photomontage en période hivernale, il n'est pas exclu, ainsi que le soutient l'association intervenante, que l'intégralité du parc soit en co-visibilité avec le monument, aggravant ainsi l'atteinte portée au cadre naturel du site. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le site d'implantation du projet serait, comme le soutient la société pétitionnaire, caractérisé par divers éléments anthropiques prégnants de nature à relativiser l'atteinte portée au site par le projet de parc éolien.
10. Par ailleurs, le projet litigieux prévoit la construction de dix éoliennes d'une hauteur de 180 mètres, pales comprises, dont les plus proches ne sont distantes que de treize kilomètres de l'abbaye de Saint-Savin, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1983 et dont l'église abrite le plus vaste ensemble connu de peintures murales romanes d'Europe. Il résulte du photomontage n°3, que depuis la D 951 au lieu-dit " Sioulvre ", le projet présente une co-visibilité avec la flèche gothique de l'église culminant à près de 80 mètres, laquelle figure également depuis une déclaration rétrospective de valeur universelle exceptionnelle du 4 juillet 2018, dans les motifs de l'inscription du site du fait, ainsi que le mentionne l'arrêté litigieux, qu'elle " marque le paysage environnant par sa silhouette élancée ". Dans ces circonstances, le projet, qui sera en concurrence visuelle avec la flèche gothique depuis la D 951 qui constitue la route principale pour accéder à l'abbaye, doit être regardé comme portant une atteinte significative à la perception visuelle de ce site protégé notamment en tant qu'élément emblématique du paysage.
11. Il suit de là que, compte tenu des inconvénients que présente le projet sur le paysage et la conservation de ces deux monuments, en refusant l'autorisation unique sollicitée, la préfète n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées. Il résulte de l'instruction que la préfète de la Vienne aurait pris la même décision en se fondant sur ces seuls motifs qui suffisent à justifier légalement cette décision.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ferme Eolienne de Liglet n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de délivrance de l'autorisation sollicitée, d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même des conclusions en ce sens présentées par l'association SELT et par les autres intervenants, qui sont intervenus volontairement à l'instance et n'ont ainsi, pas la qualité de partie au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association Sauvegarde de l'Environnement de Liglet et de la Trimouille et autres est admise.
Article 2 : La requête de la société Ferme Eolienne de Liglet est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'association SELT et autres présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme Eolienne de Liglet, à la ministre de la transition écologique, à l'association Sauvegarde de l'Environnement de Liglet et de la Trimouille (SELT), à M. H... J..., à M. et Mme A... et I... C... épouse G..., à M. Daniel Gioe, à M. et Mme B... et F... J... et à Mme D... J... épouse E....
Une copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.
La rapporteure,
Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04024