Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2021 et un mémoire, enregistré le 17 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Naciri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 31 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 10 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder au retrait de son inscription du fichier du système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa demande dans le délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle, dès lors qu'elle ne prend pas en compte les éléments relatifs à son état de santé déclarés lors de son audition ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle implique sur sa situation personnelle en raison de son état de santé ; c'est à tort que le tribunal a écarté le certificat médical du Dr C..., lequel était suffisamment circonstancié et précis, dans le respect des règles du secret médical, au motif qu'il était postérieur à l'arrêté attaqué alors qu'il ne fait que révéler un état de fait qui était constitué à la date de la décision attaquée ;
- il remplit l'ensemble des conditions fixées par les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis 2015 et de ce qu'en raison de sa pathologie, l'absence de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; ses multiples pathologies chroniques nécessitent un suivi médical pluridisciplinaire et des traitements dont il ne peut disposer dans son pays d'origine, lequel n'offre pas de protection médicale effective.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- elle est privée de base légale ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé lié par les critères posés par l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est privée de base légale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques encourus pour sa sécurité en cas de retour au Nigéria et de son état de santé.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an :
- elle est privée de base légale ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que son état de santé constitue une circonstance humanitaire faisant obstacle à son éloignement, que sa présence ne représente pas une menace à l'ordre public et qu'il justifie d'une durée de présence de plus de cinq ans ; la régularité du séjour et l'intégration dans la société française ne sont pas au nombre des conditions prévues par l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre ne lui a jamais été notifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant nigérian, né le 23 août 1982, est entré en France irrégulièrement au cours de l'année 2015. Il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 20 août 2015. Sa demande a fait l'objet d'un rejet le 22 février 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 14 décembre 2016. Le 18 décembre 2017, le préfet de Tarn-et-Garonne a pris à son encontre un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. L'intéressé a été interpellé par les services de police le 10 février 2021 et le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre, le même jour, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 31 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le magistrat désigné, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
4. M. B... soutient que le préfet n'a pas tenu compte de son état de santé, qui selon lui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et n'a pas pris en considération qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, il ne produit à l'appui de ses allégations qu'une ordonnance d'un médecin généraliste établie le 12 mars 2021, soit postérieurement à la décision attaquée, laquelle se borne à faire état dans des termes très généraux et vagues de ce que M. B... souffrirait de trois pathologies chroniques, sans les décrire, ainsi que de la nécessité d'un suivi pluridisciplinaire et de molécules chimiques, lesquels ne sont pas davantage précisés. Contrairement à ce que soutient le requérant, ni cette ordonnance ni ses déclarations sur son état de santé lors de son audition par les services de police faisant état seulement de tension artérielle et d'examens en cours, ne suffisent pour permettre d'estimer que l'état de santé du requérant est susceptible de nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il entrerait par suite dans le champ d'application de la protection de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet qui n'était pas tenu de solliciter l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, n'a pas fait une inexacte application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que l'état de santé du requérant ne faisait pas obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français.
5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il remplit les conditions pour se voir attribuer un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne peut, de ce fait, faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision refusant un délai de départ volontaire en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
7. En second lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le magistrat désigné, les moyens tirés de ce que le préfet se serait estimé à tort lié par les critères posés par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui permettant de refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire et aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ainsi que l'a jugé le tribunal, si M. B... soutient ne pas pouvoir retourner au Nigéria en raison des menaces que font peser sur lui la famille de son ancienne amie qui l'accuse du décès de cette dernière à la suite de son avortement, et un groupe mafieux qu'il aurait refusé de rejoindre, il n'apporte aucun élément de nature à corroborer la réalité des risques allégués alors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de protection internationale par une décision du 22 février 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. De plus, et ainsi qu'il a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne, en fixant le Nigeria comme pays de renvoi, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an :
10. M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le magistrat désigné, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur d'appréciation au regard du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge qui en faisant état de l'absence de la régularité du séjour et d'intégration dans la société française, n'a pas ajouté des conditions non prévues par ces dispositions mais a porté une appréciation sur les liens du requérant avec la France.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.
La rapporteure,
Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02675