Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 26 février 2021 et un mémoire présenté le 8 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Moreau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 10 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard ; subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour pour raison de santé ;
- le préfet aurait dû exercer son pouvoir de régularisation en lui délivrant un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis un détournement de procédure car il aurait dû délivrer un titre de séjour après le premier avis favorable rendu par le collège de médecins de l'OFII le 30 août 2019 ; il ne l'a pas fait et a attendu un second avis défavorable de ce collège pour statuer sur la demande de titre de séjour et la rejeter.
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Il soutient, en ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, que :
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire compte tenu de son état de santé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de fait.
Il soutient, en ce qui concerne le pays de destination, que :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est illégale en raison de traitements inhumains auxquels il sera soumis après son retour dans son pays d'origine.
Il soutient, en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français, que :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délai de départ volontaire ;
- il a des attaches familiales en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est un ressortissant algérien né le 15 octobre 1986 qui est entré régulièrement sur le territoire français en juin 2018 pour y déposer une demande d'asile. Après le rejet de celle-ci par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 26 octobre 2018, M. A... a fait l'objet, le 18 janvier 2019, d'un arrêté du préfet de la Haute-Vienne portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le 25 juin 2019, M. A... a déposé en préfecture une demande de titre de séjour pour raison de santé mais par un arrêté du 10 août 2020, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté cette demande, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, fixé le pays de renvoi et édicté une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande d'annulation de cet arrêté préfectoral du 10 août 2020. Il relève appel du jugement rendu le 5 novembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur le refus de certificat de résidence :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un premier avis rendu le 30 août 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les soins administrés doivent être poursuivis pendant une durée de trois mois. Dans un second avis rendu le 30 décembre 2019, le collège de médecins, d'ailleurs composé différemment et après que M. A... eut bénéficié entre temps de soins, a estimé que si l'état de santé de ce dernier nécessite toujours des soins, un défaut de prise en charge médicale ne devrait pas l'exposer à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le préfet de la Haute-Vienne s'est fondé sur ce dernier avis pour estimer que M. A... ne remplissait pas les conditions prévues par les stipulations précitées de l'accord franco-algérien pour la délivrance du certificat de résidence sollicité.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une chute survenue en juillet 2018, M. A... a subi une entorse de la cheville ayant nécessité une contention au moyen d'une botte en résine. Il a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Limoges du 21 mars au 28 mars 2019 pour la réalisation d'une arthrodèse talo-naviculaire, ce qui a impliqué son immobilisation en post-opératoire pendant deux mois. Il ressort du certificat médical du 29 novembre 2019 que M. A... bénéficiait à cette date de soins de kinésithérapie. Toutefois, ni ces éléments ni les autres pièces du dossier ne permettent d'estimer que, contrairement à l'appréciation effectuée par le préfet sur la base de l'avis collégial des médecins de l'OFII, un défaut de prise en charge médicale exposerait M. A... à des conséquences d'une exceptionnelle gravité alors même que, dans son premier avis du 30 août 2019, le collège de médecins avait eu une appréciation contraire en précisant, à cet égard, que l'intéressé devrait bénéficier de soins pendant une durée de trois mois, ce qui a été le cas. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien doit être écarté.
5. En second lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, M. A... ne peut utilement soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14.
6. En troisième lieu, il ne résulte ni des motifs de l'arrêté en litige ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de M. A... avant de prendre sa décision.
7. En quatrième lieu et comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au préfet de statuer sur la demande de titre de séjour dans un délai précis une fois l'avis du collège de médecins rendu. Par suite, en ne se prononçant pas sur la demande de titre après le premier avis du collège de l'OFII du 30 août 2019, qui ne le liait d'ailleurs pas et précisait que les soins devraient être poursuivis pendant trois mois, et en rejetant cette demande après le second avis du 30 décembre 2019, le préfet n'a pas commis de détournement de procédure.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. A l'appui de ses moyens tirés de l'exception d'illégalité du refus de certificat de résidence et de la méconnaissance de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et de l'erreur manifeste d'appréciation, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents des premiers juges.
Sur le refus de délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, ainsi qu'il a déjà été dit, M. A... a été victime d'une entorse à la cheville après laquelle il a été hospitalisé du 21 mars au 28 mars 2019 puis immobilisé pendant deux mois après son opération. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au 10 août 2020, date de la décision attaquée, l'état de santé de M. A... constituait un obstacle à son retour sans délai dans son pays d'origine alors que ce dernier s'est soustrait à la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 18 janvier 2019 sans que les éléments du dossier ne permettent d'estimer, comme l'ont relevé les premiers juges, que son état de santé lui interdisait alors de se conformer immédiatement à cette mesure d'éloignement. Par suite, le préfet a pu légalement ne pas accorder à M. A... un délai de départ volontaire en application des dispositions du d) du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de M. A... avant de prendre sa décision ou aurait commis une erreur de fait sur l'état de santé de ce dernier. Par suite, M. A... n'est pas fondé à contester pour ces motifs la légalité du refus de lui accorder un délai de départ volontaire.
Sur le pays de destination :
11. A l'appui de ses moyens tirés de l'exception d'illégalité du refus de certificat de résidence et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
12. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de délai de départ volontaire à l'encontre de la décision en litige.
13. Enfin, à supposer que M. A... ait entendu soulever un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne fait état d'aucun élément relatif à d'éventuelles attaches privées ou familiales qu'il aurait nouées pendant son séjour sur le territoire français. M. A..., qui est à cet égard célibataire et sans charge de famille, est entré récemment en France à l'âge de 32 ans et ne peut, dans ces conditions, soutenir que la décision en litige aurait méconnu son droit à une vie privée et familiale en France.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
La présidente,
Elisabeth JayatLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX00787 6