Par un jugement n° 1600554 du 7 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 17BX02697, le 8 août 2017, le 6 mai 2019, le 26 juillet 2019 et le 27 septembre 2019, la société Ferme Eolienne de Gourgé, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500039 du tribunal administratif de Poitiers du 7 juin 2017 ;
2°) de rejeter la requête de la commune de Gourgé ;
3°) d'organiser le cas échéant une visite des lieux afin de permettre à la cour d'appréhender la disposition des lieux concernés ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Gourgé la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal ne permet pas de s'assurer que les prétentions des parties ont été correctement synthétisées en l'absence de mention dans les visas des moyens invoqués ; il est par suite irrégulier ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les arrêtés attaqués portant délivrance de permis de construire n'ont pas été pris en méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; la société propose de supprimer l'éolienne E6 et de mettre en place une haie de 500 mètres le long de la RD 137 afin d'éviter la seule co visibilité existante entre les éoliennes et l'église de Gourgé ; l'avis du public, bien que défavorable au projet n'avait pas à être pris en considération par le préfet ; l'atteinte au paysage n'est pas établie compte tenu de son caractère bocager qui présente un intérêt relatif ; l'atteinte au patrimoine et aux sites environnants n'est pas établie ; notamment le projet ne porte pas atteinte à l'église de Gourgé, au château d'Orfeuille, au logis de la Chaussée et des prescriptions peuvent limiter le supposé impact retenu par les premiers juges ; les projets touristiques non aboutis ne doivent pas être pris en compte ;
- subsidiairement les autres moyens soulevés en première instance à l'encontre des arrêtés en litige sont infondés : ainsi le moyen relatif à la sincérité de l'étude d'impact est inopérant compte tenu du principe d'indépendance des législations ;
- contrairement à ce que soutient la commune, les permis de construire attaqués étant divisibles, ils n'avaient pas à faire l'objet d'un unique arrêté ;
- les dispositions de l'article R. 423-1 du code l'urbanisme ont bien été respectées dès lors qu'elle a produit les formulaires Cerfa attestant de sa qualité pour demander les permis de construire en litige ; en outre le moyen manque en fait dès lors qu'elle bénéficie des autorisations des propriétaires concernés ;
- l'article R. 425-9 du même code n'a pas été méconnu dès lors que l'auteur de l'avis du ministre chargé de l'aviation civile en date du 28 août 2013 avait délégation pour signer ledit acte ;
- l'article R. 111-2 du même code n'a pas été méconnu dès lors que les arrêtés attaqués sont assortis de prescriptions visant à faire respecter les mesures en matière de nuisances sonores préconisées par l'étude d'impact notamment en période nocturne où un bridage s'avère nécessaire ;
- les articles A2 et N2 du plan local d'urbanisme n'ont pas été méconnus faute d'autorisation ICPE préalable à la délivrance des permis de construire dès lors d'une part, qu'aucune condition de forme ne peut être imposée par un plan local d'urbanisme (PLU), d'autre part, qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'exige la délivrance de l'autorisation ICPE en matière d'éolienne avant l'octroi du permis de construire ;
- les règles de publication du PLU ayant été respectées, l'article N2 du PLU était bien applicable ;
- les distances de constructions édictées par l'article N6 du PLU sont bien respectées contrairement à ce que la commune soutient.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 mars 2019, le 17 juin 2019 et le 27 août 2019, la commune de Gourgé, représentée par Me E..., conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête de la société Ferme Eolienne de Gourgé et à la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le projet éolien porte atteinte au patrimoine culturel et aux sites alentours en méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; l'étude d'impact et notamment paysagère est mensongère dès lors qu'elle ne montre pas l'effet d'écrasement des éoliennes sur l'église de Gourgé, monument classé, faisant partie d'un parcours pittoresque ; elle ne fait non plus apparaître la co visibilité du projet avec le château de Maisontiers pourtant réelle ; il en va de même de la co visibilité avec le château de Temesus et le château d'Orfeuille et le pigeonnier de Fresne également classé ; il en va de même des autres monuments alentours tels le pont roman de Gourgé, la croix hosannière de Gourgé, l'église de Gourgé le parc du château de la Roche Faton ; l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France confirme cette analyse de même que le préfet des Deux-Sèvres, trompé dans un premier temps par l'étude d'impact, qui a refusé de délivrer les autorisations d'exploiter ;
- par ailleurs, les arrêtés attaqués violent l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme s'agissant des éoliennes E2, E3 et E4 en l'absence d'autorisation des propriétaires des parcelles surplombant lesdites éoliennes dans le dossier ; compte tenu de l'indivisibilité du projet, les arrêtés doivent être annulés ;
- l'avis du ministre chargé de l'aviation civile exigé en application de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme a été signé par une autorité incompétente compte tenu de la délégation trop imprécise au profit du signataire ;
- le projet méconnait l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que les émissions sonores en période nocturne sont supérieures au seuil autorisé ;
- le projet méconnait les articles A2 et N2 du PLU dès lors que l'autorisation d'exploiter préalable à la délivrance des permis de construire, en tant qu'autorisation préalable n'a pas été obtenue ;
- faute d'affichage en mairie, l'article N2 du nouveau PLU autorisant la construction d'éoliennes n'était pas entré en vigueur ; l'ancien article N2 du PLU n'autorisant pas la construction d'éoliennes dans cette zone, les 3 arrêtés portant sur des éoliennes et un poste de livraison sur cette zone doivent être annulés ;
- le projet ne respecte pas l'article N 6 du PLU.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 17BX02686, le 7 août 2017, le 7 mai 2019, le 26 juillet 2019, le 29 août 2019 et le 27 septembre 2019, la société Ferme Eolienne de Gourgé, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600554 du tribunal administratif de Poitiers du 7 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 30 novembre 2015 ;
3°) de lui délivrer l'autorisation d'exploiter cinq éoliennes assorti le cas échéant de prescriptions particulières notamment tenant à la plantation de haies le long de la RD 137 ; subsidiairement, de reprendre l'instruction de la demande ;
4°) d'organiser le cas échéant une visite des lieux afin de permettre à la cour d'appréhender la disposition des lieux concernés ;
5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal ne permet pas de s'assurer que les prétentions des parties ont été correctement synthétisées en l'absence des visas des moyens ; en l'absence de copie intégrale du jugement, il sera annulé pour ce motif ;
- la commune de Gourgé ne justifie pas de son intérêt à intervenir dans la présente instance ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article R. 512-26 du code de l'environnement faute d'arrêté de prolongation de l'instruction de la demande par le préfet ; cette omission n'est pas sans incidence sur la procédure dès lors qu'elle a eu une influence sur la décision du préfet ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement dès lors que le préfet n'a pas recherché si des prescriptions particulières permettaient d'autoriser le projet d'exploitation d'éoliennes ; la société propose de supprimer l'éolienne E6 et de mettre en place une haie de 500 mètres le long de la RD 137 afin d'éviter la seule co-visibilité existante entre les éoliennes et l'église de Gourgé ; l'avis du public, bien que défavorable au projet n'avait pas à être pris en considération par le préfet ; l'atteinte au paysage n'est pas établie compte tenu de son caractère bocager qui présente un intérêt relatif ; l'atteinte au patrimoine et aux sites environnants n'est pas établie ; notamment le projet ne porte pas atteinte à l'église de Gourgé, au château d'Orfeuille, au logis de la Chaussée et des prescriptions peuvent limiter le supposé impact retenu par les premiers juges ; enfin, les projets touristiques non aboutis ne doivent pas être pris en compte ;
- les premiers juges ont retenu à ... ; en outre les mesures proposées permettent de limiter l'impact sur l'avifaune ; les chiroptères ne seront que peu impactés par le projet et des mesures d'évitement ont également été prévus par bridage des éoliennes pour les protéger ;
- elle justifie de ses capacités financières contrairement à ce que soutient la commune de Gourgé dont le moyen nouveau ne peut qu'être rejeté.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par des mémoires en intervention, enregistrés le 17 juin 2019, le 29 juillet 2019, le 24 août 2019 et le 16 septembre 2019, la commune de Gourgé, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.
Elle fait valoir que :
- les motifs de refus d'autorisation d'exploiter retenus par le préfet sont fondés ;
- en outre, en méconnaissance de l'article L. 512-1 devenu L. 181-27 du code de l'environnement, la société requérante n'apporte pas la preuve qu'elle dispose des capacités financières lui permettant de mener à bien son projet : dès lors le rejet de sa requête s'impose ;
- la société requérante a méconnu l'ancien article R. 512-8 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;
- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;
- la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;
- le code de l'aviation civile :
- le code civil ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la société Ferme éolienne de Gourgé.
Une note en délibéré présentée pour la société Ferme éolienne de Gourgé a été enregistrée dans les deux instances le 9 octobre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme éolienne de Gourgé a déposé le 25 avril 2013 des demandes de permis de construire pour six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Gourgé. Par sept arrêtés du 23 juillet 2014, le préfet des Deux-Sèvres a accordé à la société Ferme éolienne de Gourgé les permis de construire sollicités. La commune de Gourgé a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer l'annulation des sept permis de construire ainsi que du rejet de son recours administratif. Par un jugement du 7 juin 2017 les premiers juges ont fait droit à sa demande.
2. La société Ferme éolienne de Gourgé a également déposé le 25 avril 2013 une demande d'autorisation d'exploiter un parc de six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Gourgé. Par un arrêté du 30 novembre 2015, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée. Par un jugement du 7 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de la société Ferme éolienne de Gourgé tendant à l'annulation de cet arrêté.
3. La société Ferme éolienne de Gourgé relève appel de ces deux jugements, par deux requêtes distinctes qui concernent le même requérant et le même parc éolien et qu'il convient dès lors de joindre.
Sur la régularité des jugements attaqués :
4. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. /Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. /Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite. /Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. "
5. Contrairement à ce que soutient la société Ferme éolienne de Gourgé, il ressort des termes des expéditions notifiées aux parties des jugements attaqués que ces jugements mentionnent dans les visas l'ensemble des moyens invoqués dans l'affaire n° 1500039 par la commune de Gourgé au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés portant permis de construire attaqués, de même que dans l'affaire n°1600554, l'ensemble des moyens invoqués par la société Ferme éolienne de Gourgé au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation du refus de délivrance de l'autorisation d'exploiter le parc éolien. Ils visent également les écritures en défense en relevant dans l'affaire n° 1500039, que le défendeur fait valoir que la requête est irrecevable et que les moyens de la requête sont infondés et dans l'affaire n° 1600554 que les moyens de la requête sont infondés. Enfin, le jugement n° 1500039 analyse dans ses motifs chacune des fins de non-recevoir opposées en défense. Par suite le moyen tiré de l'absence de mention dans les visas des jugements attaqués des moyens invoqués manque en fait et doit être écarté.
Sur la requête n° 17BX02697 :
En ce qui concerne la légalité des arrêtés du 23 juillet 2014 portant délivrance de permis de construire :
6. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme devenu R. 111-27 : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
7. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.
8. Il résulte de l'instruction que le projet en litige porte sur la construction de six éoliennes d'une hauteur de pale de 150 mètres dans le secteur bocager de la " Gâtine de Parthenay ", qui fait partie des paysages emblématiques de la région Poitou-Charentes à préserver, dans la vallée du Thouet, regroupant un patrimoine architectural d'une grande richesse. Le site d'implantation du parc éolien est ainsi entouré de nombreux monuments et sites classés ou inscrits dans un rayon de 10 kilomètres. Il résulte également de l'instruction que sur les six éoliennes projetées, l'éolienne la plus proche se situe seulement à 1,4 kilomètres de la commune de Gourgé, laquelle est construite sur un promontoire au sommet duquel est édifié l'église de Gourgé, monument historique classé depuis 1909, constituant l'une des plus anciennes églises fortifiées préromanes de France, datant de l'époque carolingienne, qui domine la vallée et fait partie des vues les plus intéressantes d'un parcours pittoresque de la région ainsi que de la route de Saint-Jacques de Compostelle. Au vu de l'étude d'impact produite et notamment des photomontages réalisés par le société pétitionnaire, il apparaît que le parc éolien sera visible depuis cette église et surtout, que les éoliennes, situées de part et d'autre de l'église, se trouveront en situation de co-visibilité avec ce monument dans un rapport d'échelle créant, compte tenu de leur hauteur, un effet d'écrasement significativement préjudiciable à la perception visuelle du paysage. Il résulte également de l'instruction et notamment de l'étude d'impact que le parc éolien se trouvera aussi, bien que dans une moindre mesure, en situation de co-visibilité avec d'autres monuments inscrits de la commune tels que le pont, le logis de la chaussée et le pigeonnier de Fresnes et ce, depuis de nombreux espaces publics et notamment des routes et points de vue entourant la vallée et constitutifs de routes et chemins pittoresques. Enfin, il ressort des photomontages de l'étude d'impact que les éoliennes, qui vont surplomber la vallée de Thouet, porteront atteinte, de ce point de vue également, à la beauté du paysage et à l'intérêt patrimonial des lieux. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en prenant les arrêtés attaqués, qui doivent être considérés, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, comme une autorisation environnementale, le préfet des Deux-Sèvres avait méconnu les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à une visite des lieux que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les arrêtés attaqués portant délivrance de permis de construire de six éoliennes et d'un poste de livraison.
En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gourgé, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par la commune de Gourgé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 17BX02686 :
En ce qui concerne l'intervention de la commune de Gourgé :
11. La commune de Gourgé en tant que commune du site d'implantation du projet éolien en litige justifie d'un intérêt suffisant à intervenir dans la présente instance. Son intervention doit, par suite, être admise.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 30 novembre 2015 portant refus de délivrance de l'autorisation d'exploiter :
S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 512-26 du code de l'environnement :
12. Aux termes de l'article R. 512-26 du code de l'environnement : " (...) Le préfet statue dans les trois mois à compter du jour de réception par la préfecture du dossier de l'enquête transmis par le commissaire enquêteur. En cas d'impossibilité de statuer dans ce délai, le préfet, par arrêté motivé, fixe un nouveau délai. ". La société Fermes éolienne de Gourgé soutient que le rapport d'enquête publique ayant été déposé le 19 août 2014 et l'arrêté en litige étant intervenu le 30 novembre 2015, le délai de trois mois prévu par les dispositions précitées a été méconnu. Toutefois, si ces dispositions font obligation au préfet de statuer sur les demandes d'autorisation d'ouverture d'installations classées dans un délai de trois mois à compter de la réception par la préfecture du dossier de l'enquête publique, sauf à proroger la durée d'examen par arrêté motivé, l'expiration de ce délai ne fait pas naître de décision implicite et ne dessaisit pas l'autorité administrative, qui demeure tenue de statuer sur la demande. Par suite, en admettant même que les arrêtés de prolongation n'aient pas été pris par le préfet, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision contestée.
S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
13. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement issu de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ".
14. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) .
Quant à l'atteinte aux paysages et au patrimoine :
15. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt, que le projet éolien en litige est de nature à porter atteinte au paysage et aux monuments du secteur de la vallée de Thouet. Cette atteinte qui concerne notamment le paysage et les sites protégés situés à proximité du projet est d'une importance telle, qu'elle ne peut être prévenue par des prescriptions. Par suite, l'arrêté contesté portant refus d'autorisation d'exploiter n'a pas méconnu les dispositions précitées.
Quant à l'atteinte à l'avifaune et aux chiroptères :
16. Il résulte de l'instruction que la ligne d'éoliennes produit un " effet barrière " entravant les déplacements de l'avifaune, à moins de 850 mètres de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) du lac du Cébron au nord, et à moins de 600 mètres de la ZNIEFF de l'étang de la Barre au sud, qui abritent l'une et l'autre des oiseaux nicheurs, migrateurs ou hivernants remarquables, et ceci malgré l'espace de 600 mètres prévu au milieu de cette ligne. Il résulte également de l'instruction que l'implantation de trois des six éoliennes à moins de cent mètres de haies structurantes, attractives pour les chiroptères, entrainerait par ailleurs un impact sur les populations protégées appartenant à cet ordre, que les mesures de bridage envisagées ne suffisent pas à prévenir l'existence d'un risque modéré à fort de collision notamment avec la buse variable et le faucon crécerelle. Par suite, le moyen tiré de ce que l'atteinte à l'avifaune et aux chiroptères ne justifierait pas le rejet contesté doit être écarté.
Quant au motif tenant au développement touristique du site :
17. Contrairement à ce que soutient la société, si l'arrêté contesté mentionne des projets en cours de développement touristique ainsi que la mise en oeuvre d'une politique touristique territoriale, le préfet des Deux-Sèvres n'a pas entendu opposer au projet litigieux les intérêts du développement touristique, mais seulement souligner la valeur des sites et unités paysagères remarquables auxquels ce projet porte atteinte. Par suite, il ne s'est pas fondé sur un élément d'appréciation étranger à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
S'agissant du moyen tiré de l'erreur de droit :
18. Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions recueillies au cours de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision. " Il résulte de ces dispositions qu'en faisant état de l'opinion, telle qu'elle s'était manifestée notamment dans le cadre de l'enquête publique, pour prendre sa décision, le préfet, qui a ainsi traduit la prise en considération des observations recueillies au cours de l'enquête, n'a pas commis d'erreur de droit. En tout état de cause, à supposer qu'en rappelant dans les motifs de l'arrêté attaqué que sur les treize communes situées dans le rayon de l'enquête publique, sept dont la commune de Gourgé, qui doit accueillir le projet, se sont prononcées défavorablement au projet, que cinq communes ont approuvé le projet, et qu'une commune s'est abstenue et qu'en outre, à l'issue de l'enquête publique, 33 personnes sur 45 ont émis des opinions défavorables, et 3 ont émis des opinions neutres, le préfet aurait entendu fonder sa décision de refus sur un motif tiré de la simple existence de positions opposées au projet, il ressort des termes de l'arrêté qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ces éléments mais seulement sur les atteintes aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement qui suffisent à justifier la décision. Par suite, le moyen susvisé ne peut qu'être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède, que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Gourgé dans la requête n° 17BX02686 est admise.
Article 2 : Les requêtes n° 17BX02686 et n° 17BX02697 de la société Ferme éolienne de Gourgé sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Gourgé présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne de Gourgé, à la commune de Gourgé, au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme C... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.
Le rapporteur,
Caroline D...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
4
N° 17BX02686 ; 17BX02697