Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2016, la société Pharmacie de Beaubreuil, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 septembre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de contrôle inopinée mise en oeuvre par le service en application de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales a été détournée et a en réalité consisté en un commencement de la vérification de comptabilité sans que les garanties attachées à la mise en oeuvre de cette dernière procédure n'aient été respectées ; le dirigeant, souffrant, n'a pas été informé des options qui lui étaient offertes par le II de l'article L. 47 A du même livre ; l'administration ne pouvait lui demander de procéder à des manipulations du logiciel " Alliance plus " dans le cadre du contrôle inopiné ainsi que l'a jugé le tribunal de grande instance d'Evry, le 18 février 2014 dans une procédure similaire, quand bien même son jugement a été infirmé depuis par la cour d'appel ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a écarté comme non probante sa comptabilité à défaut d'en apporter la preuve ; elle n'a jamais utilisé le fichier " trace" ni sollicité l'obtention d'un mot de passe permettant de supprimer certaines factures ; l'administration fiscale ne pouvait pas écarter sa comptabilité dès lors que les numéros de factures manquants, perçus par le service comme des irrégularités, résultent de l'utilisation du logiciel de facturation afin, tel qu'il le prévoit, de procéder à des opérations de purge visant à corriger des erreurs ou à apporter des corrections lors de l'enregistrement des ventes et des encaissements correspondants, et peuvent également résulter de bugs informatiques ;
- la méthode de reconstitution de recettes retenue par l'administration fiscale est incohérente : en effet, le service ne peut s'appuyer sur une comptabilité qu'il déclare non probante pour reconstituer son chiffre d'affaires ; en outre il ne justifie pas de l'origine de la rupture de séquentialité des règlements laquelle ne résulte pas forcément d'une opération de règlement en espèces ; ainsi si la fonction " rendu de monnaie " est utilisée, deux ruptures de chronologies se suivent ; la valorisation du ticket moyen fondée sur la base des factures sans tiers payant réglée en espèce présente dans le fichier " règlements " est erronée dès lors qu'elle prend en compte les produits vendus sur ordonnance ;
- la majoration de 80 % qui lui a été infligée sur le fondement du c de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée ; le principe d'égalité des armes issu de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu en l'absence de communication de la liste des pharmacies ayant obtenu le mot de passe permettant d'accéder à la fonction " permissive " du logiciel " Alliance plus " obtenus de l'autorité judiciaire qui a servi à établir la majoration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- au cours du contrôle inopiné, le vérificateur s'est limité à des constatations matérielles des éléments physiques de l'exploitation de la société et n'a procédé à aucun rapprochement comptable ; il n'a donc pas outrepassé les prérogatives résultant de l'application de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration fiscale a remis en cause le caractère probant de la comptabilité de la société dès lors que les anomalies constatées lors du traitement informatique des données relevées au cours du contrôle dans le logiciel " Alliance plus" utilisé par la société ont montré l'utilisation abusive de la fonctionnalité permettant de supprimer exclusivement des factures donnant lieu à des versements en espèce, générant des " trous " dans la séquence de numérotation des factures et des règlements et des incohérences dans les quantités vendues ;
- s'agissant de la reconstitution de recettes, l'administration fiscale a proposé deux méthodes de reconstitution, la première a toutefois été écartée compte tenu des ruptures pouvant être générées par les factures mises en attente ; la seconde a donc été retenue, elle est élaborée en multipliant le nombre de " trous " dans les règlements, par le montant d'un règlement moyen ; cette méthode est cohérente et fiable et génère des résultats n'apparaissant pas exagérés ;
- les manoeuvres frauduleuses de la société dans l'utilisation du logiciel " Alliance plus " justifiant la pénalité de 80 % sont établies ; le principe d'égalité des armes n'a nullement été méconnu, les gérants de la société ayant eu accès à l'ensemble des documents ayant servi de base au redressement en litige et notamment à la liste des pharmacies ayant demandé et obtenu le mot de passe permettant d'accéder à la fonction " permissive " du logiciel " Alliance plus ".
Par une ordonnance du 11 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mai 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 6 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire a porté à la connaissance de l'administration fiscale le rapport d'un expert près de la cour d'appel d'Aix-en-Provence selon lequel le logiciel de gestion et de comptabilité " Alliance Plus " édité par la société Alliadis comportait une fonction dite " permissive ", activée par la saisie d'un mot de passe fourni par l'éditeur, permettant de supprimer de l'historique de la caisse en cours un certain nombre d'opérations, notamment les encaissements d'espèces. Dans le cadre de ce droit de communication, l'administration a consulté une liste, également établie par l'autorité judiciaire, de pharmacies ayant demandé ce mot de passe à l'éditeur du logiciel, parmi lesquelles figurait la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie de Beaubreuil qui exploite une officine de pharmacie située à Limoges. Cette société a fait l'objet d'un contrôle inopiné suivi d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés sur la période du 1er avril 2007 au 31 décembre 2009 prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 décembre 2010 et suivie d'un contrôle sur pièces pour l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a rejeté comme non probante la comptabilité de la société et reconstitué une partie de son chiffre d'affaires à raison de recettes dissimulées. Par deux propositions de rectification du 16 septembre 2011, l'administration a notifié, à ce titre, à l'intéressée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2007 au 31 décembre 2010. Ces rectifications ont été assorties de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts. La société Pharmacie de Beaubreuil relève appel du jugement du 29 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. L'article L. 47 du livre des procédures fiscales prévoit que : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...). En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ". Selon l'article L. 47 A du même livre : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée (...), une copie des fichiers des écritures comptables (...). L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. / II.-En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. (...) / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (...) ". Enfin, aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de présenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ".
3. La société Pharmacie de Beaubreuil fait valoir, comme en première instance, que les opérations d'extraction et de saisie des fichiers du logiciel " Alliance plus " effectuées par l'administration dans le cadre du contrôle inopiné réalisé le 18 février 2011 dans les locaux de la pharmacie qu'elle exploite, ont constitué des traitements informatiques qui ne sont pas autorisés dans le cadre d'un tel contrôle par les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.
4. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des mentions du compte-rendu d'intervention relatant les constatations matérielles effectuées le 18 février 2011 dans le cadre de la procédure de contrôle inopiné, lequel a été contresigné par M. A...et MmeC..., cogérants de la société, qu'à la demande du vérificateur, M. A...a procédé à des manipulations informatiques pour justifier le respect de leurs obligations comptables et fiscales en matière de conservation de donné, a imprimé l'historique du fichier " a_futil.d ", qui s'est avéré vide et la liste des fichiers présents sur le disque dur. Après contact avec le prestataire informatique, il a été décidé de reporter l'édition de cette liste compte tenu des contraintes techniques liées au système d'exploitation. Contrairement à ce que soutient la société, aucune de ces opérations, qui ont eu pour seul objet de relever et de figer les données de la comptabilité informatisée au jour du contrôle inopiné, ne caractérise un traitement informatique devant donner lieu à la mise en oeuvre de la procédure particulière visée au II précité de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Il résulte par ailleurs du même état contradictoire que les supports de sauvegarde et les copies de fichiers, ainsi que les impressions, qui n'ont donné lieu à aucune analyse immédiate de la part du vérificateur, n'ont pas été emportés par celui-ci mais ont été laissés entre les mains du contribuable. Les dispositions alors applicables de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ne faisaient nullement obstacle à ce que le vérificateur procède ainsi. Ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition suivie aurait été viciée en ce que les opérations effectuées par le vérificateur ont excédé ce qu'il lui était permis d'accomplir dans le cadre d'un contrôle inopiné et ont constitué le début d'une vérification de comptabilité, doit être écarté.
5. Par ailleurs, contrairement à ce que la requérante soutient, il est constant que lors de sa première intervention sur place, le 3 mars 2011, dans le cadre de la vérification de comptabilité, le vérificateur a remis aux gérants de la société, un courrier informant cette dernière de la possibilité pour elle de choisir l'une des options prévues par les dispositions de l'article L. 47 A du livre précité. La société a opté pour que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise et a accepté de mettre à la disposition du vérificateur les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
6. Pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de la SELARL Pharmacie de Beaubreuil au titre de la période vérifiée, le vérificateur a constaté que la comptabilité de la société comportait 5 942 factures manquantes pour l'exercice clos en 2008, 3 601 en 2009 et 2 737 en 2010, ainsi que des incohérences dans les quantités vendues. L'administration établit en outre que la société a demandé et obtenu le 6 avril 2007 le mot de passe lui permettant d'accéder aux fonctionnalités permissives du logiciel " Alliance plus " auprès de son fournisseur de logiciel et fait état de la présence du fichier " a_futil.d " qui conserve les suppressions de règlements. La société requérante ne peut se prévaloir de ce que ledit fichier ne comportait pas de données, dès lors qu'il ressort du rapport d'expertise établi par l'expert dans le cadre d'une instance pénale devant le tribunal correctionnel de Nîmes que, contrairement aux allégations de la pharmacie, les données peuvent être effacées du fichier trace. En l'espèce, la suppression des recettes est corroborée par les ruptures de numéros de séquence des factures. Les divers incidents susceptibles d'expliquer ponctuellement des ruptures de séquences ne sauraient suffire à justifier les très nombreux règlements en espèces manquants alors que les cogérants de la société ont reconnu par courrier du 17 septembre 2012 adressé à l'administration fiscale être conscients que leur comptabilité " peut poser problème en raison du logiciel d'exploitation ". Ainsi, l'administration, qui a relevé dans les deux propositions du 16 septembre 2011 de rectification que la comptabilité de la société requérante ne retraçait pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise, dès lors qu'une partie importante des recettes n'avait pas été comptabilisée, doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité. Dès lors, c'est à bon droit que le service a écarté la comptabilité de la société et a procédé à la reconstitution extracomptable de ses recettes.
En ce qui concerne la reconstitution des recettes de la société :
7. Pour procéder à la reconstitution des recettes de la société requérante, l'administration a déterminé les recettes supprimées à partir des ruptures de numérotation recensées dans le fichier des règlements de factures et le chiffrage a été effectué en s'appuyant sur le montant moyen des factures réglées en espèces . La ventilation par taux de taxe sur la valeur ajoutée du rehaussement des recettes de la période allant du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2010 a été faite en reprenant, pour chaque exercice les ventes toutes taxes comprises présentes en comptabilité payées en espèces hors ordonnance réparties selon le taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqué. Pour critiquer la méthode ainsi utilisée, la société requérante fait valoir que sa comptabilité n'aurait pas dû servir de soutien à la reconstitution, dès lors qu'elle a été considérée comme non probante. Toutefois, la circonstance que l'administration a, à bon droit, écarté la comptabilité de la requérante ne faisait pas obstacle à ce qu'elle utilise, pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires, les récapitulatifs mensuels de recettes tenus par l'intéressée. Les irrégularités entachant la comptabilité de la société requérante concernaient uniquement la prise en compte des recettes en espèces pour des opérations hors " tiers payant ", dont certaines ont été omises au moyen du logiciel " Alliance plus ". Les éléments fiables de cette comptabilité pouvaient ainsi servir de soutien à la reconstitution extracomptable des recettes à laquelle s'est livré le service. La société soutient, d'une part, que les résultats obtenus par le service ne sont pas pertinents, dès lors qu'ils ne tiennent pas compte du fait que la mise en oeuvre de la fonctionnalité " rendu de monnaie " engendre une double rupture de séquentialité et, d'autre part, que le montant du " ticket moyen " calculé par le service est erroné dès lors qu'il ne prend pas en compte les médicaments vendus sur ordonnance. Toutefois, ces seules allégations non corroborées d'aucune démonstration chiffrée précise des manquements supposés ne suffisent pas à remettre en cause le bien-fondé de la méthode retenue par l'administration. Dans ces conditions, et alors que la société requérante ne propose aucune autre méthode d'évaluation plus précise l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que la méthode de reconstitution des recettes de la société Pharmacie de Beaubreuil au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 n'est ni excessivement sommaire ni radicalement viciée.
Sur les majorations pour manoeuvres frauduleuses :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : /(...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses(...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (...) la preuve (...) des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " (...) 2) Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (...) ".
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société a sollicité et obtenu auprès du vérificateur le 3 février 2014 la copie du rapport d'expertise de l'expert judicaire prés la cour d'appel d'Aix-en-Provence ainsi que la liste comportant les noms des pharmacies ayant sollicité et obtenu le mot de passe permettant l'accès à la fonction " permissive " du logiciel " Alliance plus ". La circonstance que les noms des tiers figurant sur cette liste aient été occultés pour respecter le secret professionnel est en l'espèce sans incidence. Il est par ailleurs constant que la société a été mise en mesure tout au long de la procédure de rectification, de faire valoir ses observations en défense ce qu'elle a d'ailleurs fait notamment par lettre des 23 octobre 2013 et 12 février 2014. Par suite, la société Pharmacie de Beaubreuil n'est pas fondée à soutenir que le principe de l'égalité des armes tel que défini par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu.
10. En second lieu, pour justifier l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts, l'administration se fonde sur les informations mentionnées au point 1, obtenues dans le cadre du droit de communication indiquant que le logiciel " Alliance plus " était doté d'une fonction dite permissive, activée à l'aide d'un mot de passe fourni par l'éditeur du logiciel, permettant de dissimuler des recettes, et que la société requérante figure sur une liste, établie par l'autorité judiciaire, de pharmacies ayant demandé ce mot de passe à l'éditeur du logiciel. La vérification de comptabilité de la société requérante a permis d'établir que les fichiers comptables de cette dernière comportaient de très nombreuses ruptures de séries dans les numéros de factures ne pouvant s'expliquer que par l'utilisation par la société requérante de la fonction dite " permissive " de son logiciel de gestion et de comptabilité, laquelle lui permettait de dissimuler des opérations imposables tout en donnant à sa comptabilité l'apparence de la sincérité. Dans ces conditions, et alors que les cogérants ont été condamnés pour fraude fiscale par un arrêt définitif de la cour d'appel de Limoges du 6 novembre 2015, l'administration établit que la société requérante a créé des apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et justifie, par suite, l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie de Beaubreuil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande de décharge des impositions et majorations litigieuses. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie de Beaubreuil est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie de Beaubreuil et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03756