Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2016, la société Pharmacie du Château, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 septembre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées assorties du paiement des intérêts moratoires ;
3°) de prononcer la restitution de la somme de 76 637 euros indûment perçue par le Trésor ;
4°) subsidiairement, de prononcer la réduction des pénalités pour manquement délibéré mises à sa charge à hauteur de 16 844 euros ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 188 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition a été mise en oeuvre en méconnaissance du droit à l'information prévu par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration fiscale d'une part ne lui a pas communiqué l'ensemble des documents obtenus auprès du tribunal de grande instance de Nîmes sur lesquels elle s'est fondée pour procéder à la rectification en cause, d'autre part, n'a pas donné les suites de ce dossier judiciaire contenant pourtant les documents fondant la rectification en litige ;
- les impositions ne peuvent pas être fondées sur le seul extrait du rapport d'expertise obtenu par l'administration fiscale auprès du président du tribunal de grande instance de Nîmes dans l'exercice de son droit de communication ;
- l'administration fiscale ne démontre pas qu'elle aurait commis des manoeuvres frauduleuses du fait de la seule utilisation de certaines fonctionnalités du logiciel Alliance + en cause alors qu'elle a fait preuve de bonne foi lors des opérations de comptabilité, a répondu à l'intégralité des demandes de l'administration fiscale lors des opérations de contrôle et a communiqué l'ensemble des pièces réclamées et respecte les règles comptables et fiscales relatives à la tenue d'une comptabilité ;
- le tribunal correctionnel de Brive-la-Gaillarde, qui a relaxé ses associés des chefs de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt, d'omission de déclaration dans les délais prescrits et de fraude fiscale par jugement du 28 janvier 2016, a estimé que la simple constatation d'opérations manquantes n'était pas suffisante pour démontrer une utilisation frauduleuse du logiciel " Alliance + " ; ce jugement doit conduire à la décharge des impositions en litige ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a écarté comme non probante sa comptabilité à défaut d'en apporter la preuve ; elle n'a jamais utilisé le fichier " trace" ni sollicité l'obtention d'un mot de passe permettant de supprimer certaines factures ; l'administration fiscale ne pouvait pas écarter sa comptabilité dès lors que les numéros de factures manquants, perçus par le service comme des irrégularités, résultent de l'utilisation du logiciel de facturation afin, tel qu'il le prévoit, de corriger des erreurs ou d'apporter des corrections lors de l'enregistrement des ventes et des encaissements correspondants ; le caractère probant de sa comptabilité est démontré par la cohérence de la marge commerciale qu'elle a réalisée au cours des années d'imposition en litige par rapport aux autres officines de pharmacie ce qui démontre que les numéros de factures manquants ne peuvent pas être assimilés à des ventes non déclarées ; la doctrine fiscale prévoit qu'une comptabilité ne peut être écartée si elle est entachée d'irrégularités insuffisantes pour lui enlever toute valeur probante ;
- la méthode de reconstitution de recettes retenue par l'administration fiscale est incohérente et n'est pas corroborée par la marge commerciale qu'elle a réalisée au cours des exercices en litige : en effet, le nombre de factures manquantes et de règlements manquants pour une même période n'est pas identique ; les différences entre le taux des manquants sur les tickets espèces dans la première méthode et le taux des manquants des règlements issus de la seconde méthode, ne sont pas concordants ; le traitement des factures mises en attente entre les deux méthodes n'est pas concordant ; l'administration ne pouvait utiliser un taux de TVA moyen issu de la première méthode qu'elle ne retient pas ; l'administration fiscale n'a en réalité exposé qu'une seule méthode de reconstitution de recettes alors que selon la doctrine administrative référencée 4G-3342 n°4 du 25 juin 1998, la reconstitution des bases imposables doit être opérée selon plusieurs méthodes de reconstitution ;
- la majoration de 80 % qui lui a été infligée sur le fondement du c de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas motivée et justifiée ; à titre subsidiaire, les pénalités doivent être réduites au montant de la majoration de 40 %.
Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés le 14 avril 2017 et le 8 août 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'administration fiscale a communiqué à la société l'ensemble des documents obtenus par l'exercice de son droit de communication auprès des autorités judiciaires fondant les rectifications en litige en annexe de la réponse aux observations du contribuable du 7 février 2012 à savoir le rapport d'expertise et précisément les extraits concernant la société ; certaines informations qui concernent des tiers en particulier les noms et adresses des autres pharmacies concernées par l'utilisation du logiciel Alliance + sont couvertes par le secret professionnel ; la circonstance qu'elle n'ait pas communiqué les suites du dossier judiciaire est sans incidence sur le présent litige ;
- eu égard au principe d'indépendance des procédures pénales et fiscales, la circonstance que le tribunal correctionnel de Brive-La-Gaillarde, par un jugement du 28 janvier 2016, confirmé par la cour d'appel de Limoges le 25 novembre 2016 ait relaxé les associés de la société des chefs de soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt, ne peut lier le juge administratif ;
- l'administration fiscale a remis en cause le caractère probant de la comptabilité de la société dès lors que les anomalies constatées lors du traitement informatique des données relevées au cours du contrôle dans le logiciel Alliance + utilisé par la société ont montré l'utilisation abusive de la fonctionnalité permettant de supprimer exclusivement des factures donnant lieu à des versements en espèce, générant des " trous " dans la séquence de numérotation des factures et des règlements et des incohérences dans les quantités vendues ;
- s'agissant de la reconstitution de recettes, l'administration fiscale a proposé deux méthodes de reconstitution, la première a toutefois été écartée compte tenu des ruptures pouvant être générées par les factures mises en attente ; la seconde a donc été retenue, elle est élaborée en multipliant le nombre de " trous " dans les règlements, par le montant d'un règlement moyen ; cette méthode est cohérente et fiable et génère des résultats n'apparaissant pas exagérés ;
- les manoeuvres frauduleuses de la société dans l'utilisation du logiciel Alliance + justifiant la pénalité de 80 % sont établies.
Par une ordonnance du 16 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 24 août 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant la société Pharmacie du Château.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire a porté à la connaissance de l'administration fiscale le rapport d'un expert auprès de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence selon lequel le logiciel de gestion et de comptabilité " Alliance + " édité par la société Alliadis comportait une fonction dite " permissive ", activée par la saisie d'un mot de passe fourni par l'éditeur, permettant de supprimer de l'historique de la caisse en cours un certain nombre d'opérations, notamment les encaissements d'espèces. Dans le cadre de ce droit de communication, l'administration a consulté une liste, également établie par l'autorité judiciaire, de pharmacies ayant demandé ce mot de passe à l'éditeur du logiciel, parmi lesquelles figurait la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie du Château qui exploite une officine de pharmacie située à Arnac Pompadour (19). Cette société a fait l'objet d'un contrôle inopiné suivi d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur la période du 1er avril 2007 au 30 septembre 2010 prolongé en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) jusqu'au 31 décembre 2010. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a rejeté comme non probante la comptabilité de la société et reconstitué une partie de son chiffre d'affaires à raison de recettes dissimulées. Par proposition de rectification du 25 août 2011, l'administration a notifié, à ce titre, à l'intéressée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos au 30 septembre des années 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2007 au 31 décembre 2010. Ces rectifications ont été assorties de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts. La société Pharmacie du Château relève appel du jugement du 15 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 .... Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Aux termes de l'article 103 du même livre : " L'obligation du secret professionnel, telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts. / Le secret s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations. (...). ".
3. Il résulte de l'instruction que les documents mentionnés au point 1, obtenus par l'administration dans le cadre de son droit de communication, ont été joints par cette dernière à la réponse aux observations du contribuable en date du 7 février 2012. Si la société Pharmacie du Château fait valoir qu'en dépit de ses demandes, le service vérificateur ne lui a communiqué ni la liste entière des pharmacies ayant demandé le mot de passe, ni l'ensemble du dossier judiciaire dont est extrait le rapport d'expertise, ni les suites données à ce dossier judiciaire, il résulte de l'instruction que, pour établir les impositions litigieuses, le vérificateur s'est fondé uniquement sur le rapport d'expertise ainsi que sur la liste établie par l'autorité judiciaire de pharmacies ayant demandé un mot de passe à l'éditeur du logiciel lesquels, ainsi qu'il a été dit, ont été communiqués à l'intéressée. La société ne peut à cet égard utilement se plaindre de l'absence de communication de tous les éléments de la liste précitée dès lors que l'administration était tenue par le secret professionnel résultant de l'application de l'article 103 du livre des procédures fiscales. Ainsi en communiquant à la société uniquement l'extrait de la liste des pharmacies qui la concerne directement et en occultant au titre du respect du secret professionnel, le reste de la liste, l'administration n'a pas méconnu ses obligations. Dès lors, la société Pharmacie du Château n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales auraient été méconnues.
4. Si la société Pharmacie du Château fait valoir, au titre de la régularité de la procédure, qu'elle est de bonne foi dès lors qu'elle a rempli l'ensemble de ses obligations fiscales et comptables et qu'elle s'est conformée à toutes les demandes de l'administration au cours de la vérification de comptabilité, elle n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
S'agissant de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 25 novembre 2016 :
5. Les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par le juge pénal s'imposent au juge de l'impôt. En revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées. Par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui.
6. La cour d'appel de Limoges, dans son arrêt du 25 novembre 2016, a relaxé MM. C... etB..., associés de la SELARL Pharmacie du Château, des poursuites pour soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement de l'impôt, aux motifs que " la preuve n'est pas rapportée que Philipe C...et Francis B...ont, sur la période visée par la prévention, d'une part, utilisé un code d'accès à la fonction permissive du logiciel pour procéder à la suppression d'opérations de ventes et de règlements, puis d'autre part, effectué une suppression du fichier " a-futil " et partant qu'ils se sont frauduleusement soustrait à l'établissement ou au paiement partiel ou total des impôts .... Dès lors ils doivent être l'un comme l'autre renvoyés des fins de poursuite de ce chef ". Cette décision qui se borne à relever que le ministère public et l'administration fiscale ne prouvent pas l'existence d'une utilisation frauduleuse par les associés de la fonction permissive du logiciel de gestion litigieux, ne repose pas sur des constatations de fait de nature à lier le juge l'impôt. Il s'ensuit que l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne peut s'attacher aux motifs de cette décision. Dès lors, la société requérante ne peut soutenir que la constatation par le juge pénal de l'absence de manoeuvres frauduleuses doit conduire à la décharge des rappels d'imposition contestés.
S'agissant du caractère non probant de la comptabilité :
7. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ". En l'espèce, la commission a rendu un avis favorable à la position de l'administration.
8. Pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de la SELARL Pharmacie du Château au titre de la période vérifiée, le vérificateur a constaté que la comptabilité de la société comportait 23 153 ruptures de séquences en ce qui concerne le fichier des factures et 21 026 ruptures de séquences en ce qui concerne le fichier des règlements, réparties sur l'ensemble de la période vérifiée, ainsi que des incohérences dans les quantités vendues. L'administration établit en outre que la société a demandé et obtenu le 5 octobre 2004 le mot de passe lui permettant d'accéder aux fonctionnalités permissives du logiciel Alliance + auprès de son fournisseur de logiciel, rappelle que son gérant a expressément reconnu oralement et par courrier, au cours du contrôle, utiliser cette fonctionnalité et fait état de la présence du fichier " a_futil.d " qui conserve les suppressions de règlements. La société requérante ne peut se prévaloir de ce que ledit fichier ne comportait pas de données, dès lors qu'il ressort du rapport d'expertise établi par l'expert dans le cadre d'une instance pénale devant le tribunal correctionnel de Nîmes que les données peuvent être effacées du fichier trace par des manipulations simples. En l'espèce, la suppression des recettes est corroborée par les ruptures de numéros de séquence des factures. Par ailleurs, les divers incidents susceptibles d'expliquer ponctuellement des ruptures de séquences de même que l'apparente cohérence du taux de marge de la société ne sauraient suffire à expliquer les très nombreux règlements en espèces manquants. Ainsi, l'administration, qui a relevé dans la proposition de rectification que la comptabilité de la société requérante ne retraçait pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise, dès lors qu'une partie importante des recettes n'avait pas été comptabilisée, doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, des graves irrégularités affectant la comptabilité. Dès lors, c'est à bon droit que le service a écarté la comptabilité de la société et a procédé à la reconstitution extracomptable de ses recettes.
9. Enfin, la société Pharmacie du Château ne peut utilement se prévaloir de la doctrine administrative relative au caractère probant des comptabilités qui ne donne pas de la loi une interprétation différente de celle qui est faite dans le présent arrêt.
En ce qui concerne la reconstitution des recettes de la société :
10. Il résulte de l'instruction que les impositions contestées ont été établies conformément à l'avis du 31 janvier 2013 de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il appartient, par suite, à la société Pharmacie du Château, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales précitées, pour obtenir la décharge ou la réduction des impositions contestées, d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases imposables.
11. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société requérante, l'administration s'est fondée sur les ruptures de séquences constatées dans les fichiers des encaissements en espèces et dans les fichiers de facturation et a rapporté le nombre d'opérations correspondant au montant moyen des factures réglées en espèces comptabilisées par la société. Le seul fait que l'administration ait mis en oeuvre deux méthodes de reconstitution et n'ait finalement retenu que la seconde méthode ci-dessus rappelée eu égard aux imperfections relevées dans la première méthode ne saurait lui être reproché dès lors que c'est parce que la première méthode ne permettait pas d'obtenir un résultat suffisamment fiable qu'elle a été écartée. La société requérante ne peut davantage contester les " incohérences " qui résulteraient selon elle des écarts de taux ou de chiffrage des manquants entre les deux méthodes dès lors que c'est en raison des différences constatées et afin de ne pas pénaliser la société requérante que l'administration a retenu uniquement la seconde méthode. De même, alors que c'est grâce à l'exploitation du fichier des factures à l'occasion de la mise en oeuvre de la première méthode que l'administration a pu connaître sans inexactitude les valeurs hors taxes et toute taxes comprises des opérations de vente en espèce et ainsi calculer la taxe sur la valeur ajoutée moyenne facturée par exercice sur ces opérations en espèce, c'est sans incohérence que l'administration a pu appliquer ce taux de taxe sur la valeur ajoutée moyen par exercice au résultat obtenu à l'occasion de l'exploitation des fichiers de règlements dans le cadre de la seconde méthode afin de reconstituer le montant des règlements hors taxe. Enfin, en se bornant à invoquer la cohérence de son taux de marge et alors qu'elle ne propose aucune méthode de substitution, la SELARL Pharmacie du Château ne démontre pas que la méthode de reconstitution ainsi utilisée par l'administration serait excessivement sommaire ou radicalement viciée.
12. Enfin, la doctrine administrative référencée BOI-CF-JOR-10-20 du 12 septembre 2012 reprenant la documentation de base 4-G-3341 du 25 juin 1998 qui recommande aux agents des impôts d'utiliser deux méthodes de reconstitution lorsqu'ils procèdent à des rehaussements de recettes n'a que la valeur d'une recommandation.
13. La société requérante n'est, par suite, pas fondée à contester la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre par l'administration, ni les rectifications en découlant.
Sur les majorations pour manoeuvres frauduleuses :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : /(...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses(...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : "En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (...) la preuve (...) des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
15. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la relaxe par le juge pénal pour les motifs rappelés ci-dessus des fins de la poursuite des associés pour soustraction frauduleuse à l'impôt doit conduire à la décharge des rappels d'imposition contestés et par suite des pénalités correspondantes.
16. En second lieu, pour justifier l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts, l'administration se fonde sur les informations mentionnées au point 1, obtenues dans le cadre du droit de communication indiquant que le logiciel Alliance + était doté d'une fonction dite permissive, activée à l'aide d'un mot de passe fourni par l'éditeur du logiciel, permettant de dissimuler des recettes, et que la société requérante figure sur une liste, établie par l'autorité judiciaire, de pharmacies ayant demandé ce mot de passe à l'éditeur du logiciel. La vérification de comptabilité de la société requérante a permis d'établir que les fichiers comptables de cette dernière comportaient de très nombreuses ruptures de séries dans les numéros de factures ne pouvant s'expliquer que par l'utilisation par la société requérante de la fonction dite " permissive " de son logiciel de gestion et de comptabilité, laquelle lui permettait de dissimuler des opérations imposables tout en donnant à sa comptabilité l'apparence de la sincérité. Dès lors que le gérant de la société requérante a reconnu au cours du contrôle avoir utilisé la fonctionnalité " permissive " du logiciel, le fichier " trace ", dont la suppression manuelle demeure possible, a été obligatoirement et automatiquement généré par le système quand bien même il n'a pu être retrouvé. Dans ces conditions, et alors même que le taux de marge de la société serait cohérent par rapport à la moyenne des pharmacies et qu'elle n'a pas été entendue au cours de l'affaire judiciaire de laquelle est issu le rapport d'expertise, l'administration qui a procédé à une motivation suffisamment précise, établit que la société requérante a créé des apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et justifie, par suite, l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie du Château n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande de décharge des impositions et majorations litigieuses et au versement d'intérêts moratoires. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie du Château est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie du Château et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03632