Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrée le 28 avril 2017 et le 28 septembre 2018, la société SDL, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 mars 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des impositions et pénalités restant en litige ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration fiscale a écarté comme non probante sa comptabilité à défaut d'en apporter la preuve ; en effet, le rejet par l'administration des cahiers de caisse manuscrits quand bien même il comporte de nombreuses ratures n'est pas fondé dès lors que le prix global était indiqué par catégorie de bouteilles, l'absence du nombre de bouteilles sur certaines lignes de vente est sans incidence ; d'ailleurs l'administration a utilisé le cahier de caisse pour établir les recettes réalisées par l'activité de restauration sur place ;
- la méthode de reconstitution de recettes retenue par l'administration fiscale est incohérente : elle n'a pas tenu compte du stock établi à la date du 1er janvier 2011 notamment au cours de la vérification de comptabilité postérieure au présent litige relative à l'exercice 2011 ; ledit contrôle n'a pas porté que sur la TVA mais a également concerné l'impôt sur les sociétés ; elle développera dans ses écritures postérieures sa méthode de reconstitution de recettes alternative ;
- la majoration de 40 % qui lui a été infligée sur le fondement du c de l'article 1729 du code général des impôts devra être réduite en proportion ; il en va de même de l'amende infligée en application de l'article 1759 du code général des impôts.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 octobre 2017 et le 22 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 8 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 26 octobre 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société SDL exerce, depuis le 1er mars 2010, sous l'enseigne " Chez Tonino ", à titre principal, une activité de cave à vin, comportant à la fois la dégustation sur place et la vente de bouteilles à emporter et à titre accessoire une activité de restauration. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er mars au 31 décembre 2010, étendue, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au 31 juillet 2011, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a regardé sa comptabilité comme non probante et a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires. Il en est résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des pénalités et des amendes fiscales, mis à sa charge pour un montant total de 287 552 euros. Elle a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions pour un montant total de 122 330 euros. Par un jugement du 2 mars 2017 le tribunal a constaté que la requête avait perdu son objet suite au dégrèvement partiel de l'administration à hauteur de 3 680 euros en droits et 1 472 euros en pénalités et a rejeté le surplus de la requête. La société SDL relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités mises à sa charge.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
2. Pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de la SARL SDL au titre de la période vérifiée, il résulte de la proposition de vérification du 21 mars 2012 que le vérificateur a constaté que la société ne tenait aucune comptabilité des recettes journalières individualisée et ventilée. Elle a en conséquence établi le 18 octobre 2011 un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité et en particulier de non présentation du Grand livre, des journaux auxiliaires, de l'état de stocks détaillés à l'ouverture et à la clôture de l'exercice, des tableaux d'amortissements relatifs aux immobilisations et d'absence d'enregistrement des recettes, tickets de caisse, bandes de caisse, ou brouillard de caisse. Si la société SDL soutient qu'elle a remis au vérificateur un cahier de caisse retraçant chronologiquement l'ensemble des recettes quotidiennes, il résulte de l'instruction que ce document, manuscrit et comportant de nombreuses ratures, n'indique ni le nombre de bouteilles vendues, ni leur référence, notamment leur millésime, et n'est assorti d'aucun justificatif de type brouillard de caisse, ticket de caisse ou note au client, permettant de procéder à un contrôle de la cohérence des recettes avec les opérations d'achat et qu'ainsi qu'il a été dit, elle ne tenait aucun document de comptabilité. Ainsi, l'administration, doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité. Dès lors, c'est à bon droit que le service a écarté la comptabilité de la société et a procédé à la reconstitution extracomptable de ses recettes.
En ce qui concerne la reconstitution des recettes de la société :
S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L16 et L.69. ". Il résulte de l'instruction que l'administration a dressé le 18 octobre 2011 un procès-verbal de défaut de présentation de la comptabilité pour les exercices 2009 et 2010, signé par la requérante. Dès lors, la charge de la preuve de l'exagération de la reconstitution du chiffre d'affaires des exercices 2009 et 2010 incombe à cette dernière.
4. Pour procéder à la reconstitution des recettes de la société requérante, s'agissant du chiffre d'affaires de l'activité de vente de bouteilles, l'administration a multiplié le nombre de bouteilles achetées, tel qu'indiqué dans les factures d'achats, par le prix de vente déclaré par le gérant. La société SDL soutient que cette méthode est incohérente dès lors qu'elle implique l'absence de stock au 31 décembre 2010, alors que l'administration aurait admis, pour l'exercice suivant, l'existence d'un stock d'ouverture. Toutefois, alors que la société SDL n'a pas déposé de déclaration de résultat au titre de l'exercice 2010 malgré des mises en demeure, cette dernière ne peut se prévaloir d'une quelconque position de l'administration prise dans le cadre d'un contrôle postérieur concernant l'état de son stock pour remettre en cause la méthode de reconstitution de recettes. S'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité de restauration sur place, l'administration s'est fondée ainsi qu'il lui était loisible de procéder, non sur le cahier de caisse comme le soutient la société SDL, mais sur " un état " qui a été présenté par la société. S'agissant, enfin, de la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité de dégustation sur place, l'administration s'est fondée sur les déclarations du gérant, suivant lesquelles, sur une liste limitative de références, un ratio de 50 % des bouteilles achetées était destiné à l'activité de dégustation sur place et que les dégustations étaient facturées au client à raison de 4 euros le verre, pour une contenance de 15 centilitres. Ainsi, alors que la société SDL se borne à contester avoir informé l'administration fiscale d'un tel ratio par écrit, sans contester l'avoir annoncé par oral, sans proposer aucun autre ratio, elle n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré de la reconstitution.
S'agissant des rehaussements à l'impôt sur les sociétés :
5. La société SDL ayant été taxée d'office en application du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, supporte également la charge de la preuve de l'exagération de l'imposition en litige.
6. Il résulte de ce qui précède que la société SDL n'apporte pas d'élément probant permettant de considérer comme excessives les bases d'imposition retenues par l'administration. En outre, alors que la société ne propose pas de méthode de reconstitution alternative, elle n'établit pas que la méthode suivie par l'administration, fondée sur des données propres de la société, serait radicalement viciée, ou excessivement sommaire.
Sur les majorations :
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : /(...) / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
8. En relevant l'écart important constaté entre d'une part les crédits bancaires et d'autre part le chiffre d'affaires déclaré en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'absence de comptabilité ou de toute pièce justificative permettant de procéder à un contrôle des recettes réellement réalisées, et en ajoutant que la société SDL n'a souscrit aucune déclaration en dehors des déclarations qui lui permettaient de bénéficier d'un crédit de taxe, qu'elle a été dans l'impossibilité de produire les factures correspondant à ces crédits de taxe et qu'elle a systématiquement minoré ses recettes et les montants de taxe collectés, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de la société SDL d'éluder l'impôt, et en conséquence comme justifiant de l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré.
En ce qui concerne l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts :
9. En l'absence d'éléments de droit ou de fait nouveaux concernant la contestation de cette amende par rapport à l'argumentation de la société développée en première instance, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1759 du code général des impôts par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société SDL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge des impositions et majorations litigieuses. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL SDL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SDL et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01389