Procédure devant la cour :
I - Par une requête n° 16BX03614 et des mémoires, enregistrés respectivement les 15 novembre 2016, 28 février 2017 et 2 mars 2017, la société Albioma Galion, représentée par MeC..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 4 octobre 2016 ;
2°) de rejeter la demande de l'ASSAUPAMAR devant le tribunal administratif, ou, à titre subsidiaire, de compléter l'autorisation d'exploiter du 14 mars 2014 de prescriptions relatives à l'alimentation en eau par le biais du recyclage des eaux prélevées par la SAEM et, le cas échéant, à la constitution d'une réserve d'eau complémentaire d'environ 2 000 m3, ou d'enjoindre au préfet de la Martinique de compléter l'arrêté de la sorte ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'ASSAUPAMAR une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté d'autorisation, pris en application de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, est, selon les dispositions de l'article L. 514-6 I du même code, soumis à un contentieux de pleine juridiction ; par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité de l'autorisation avec le SDAGE doit être apprécié au regard des dispositions de ce schéma dans leur version en vigueur à la date de la décision de la juridiction ; l'incompatibilité avec le SDAGE approuvé par arrêté du préfet de la Martinique le 3 décembre 2009 pour la période 2010-2015 ne pouvait dès lors justifier l'annulation prononcée par jugement du 4 octobre 2016 alors qu'un nouveau SDAGE a été approuvé par arrêté du 30 novembre 2015 pour la période 2016-2021 qui a abrogé le précédent SDAGE ;
- le projet ne relève pas du régime de l'autorisation au titre de la loi sur l'eau, mais seulement du régime de la déclaration préalable, en raison d'un prélèvement de 0.58% du débit du Galion, inférieur au seuil de 2% prévu par la rubrique 1.2.1.0 de la nomenclature déclenchant l'obligation de déclaration, et en raison d'un prélèvement de 2.5% du débit du canal du Galion, inférieur au seuil de 5% déclenchant l'obligation d'autorisation ;
- le projet étant soumis à la législation sur les installations classées ne relève pas de l'application de la nomenclature eau, en application des articles L. 214-1, L. 214-7 et R. 122-5 du code de l'environnement ; il s'en suit que l'autorisation d'exploiter ne constitue pas une décision administrative dans le domaine de l'eau au sens de l'article L. 212-1 du code de l'environnement et qu'elle n'est dès lors pas soumise à l'obligation de compatibilité avec le SDAGE ;
- la mesure I-C-4 du SDAGE 2010-2015, dont le tribunal a fait application, comme la mesure I-B-4 du SDAGE en vigueur qui en reprend le contenu, ne s'appliquent qu'aux demandes pour prélèvements d'eau soumis à la loi sur l'eau et ne lui sont dès lors pas opposables ;
- les dispositions de ces mesures qui imposent des règles particulières en ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact qui ne sont pas prévues par le code de l'environnement, ne lui sont pas opposables en raison de leur illégalité dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la possibilité pour un SDAGE d'imposer de telles règles ;
- à supposer que l'autorisation soit regardée comme constituant une décision administrative dans le domaine de l'eau, il aurait seulement à être compatible avec le SDAGE ;
- le projet est compatible avec les dispositions du SDAGE en vigueur en raison : de l'absence d'impact des prélèvements d'eau opérés dans le Galion sur d'autres utilisateurs ou consommateurs de la ressource en eau, de l'absence d'incidence de l'exploitation de la nouvelle centrale sur le débit constant prélevé par le canal sur la rivière et l'absence d'impact sur le débit de la rivière en amont et au droit du prélèvement par suite de la substitution de la nouvelle centrale à la centrale de la sucrerie du Galion ; la manière dont le projet s'articule avec le SDAGE a été démontrée dans l'étude d'impact et dans l'étude hydraulique ; la disposition I-B-4 du SDAGE, qui ne régit que les projets ayant pour conséquence l'augmentation des prélèvements en eau de surface, ne lui est applicable dès lors que le projet n'a pas d'impact sur le débit prélevé par le canal sur la rivière et, par voie de conséquence, sur le débit de la rivière elle-même ; en tout état de cause, le dossier de demande d'autorisation prévoit des mesures compensatoires de recyclage des eaux de pluies et de process, d'utilisation d'un aérocondensateur, suffisantes en ce qui concerne la préservation de la ressource en eau eu égard au caractère minime des prélèvements ; il justifie également le choix de l'origine de la ressource en eau ; aucune nouvelle utilisation des eaux superficielles n'est prévue ; contrairement à ce qu'a affirmé l'autorité environnementale dans son avis, le projet ne peut être regardé comme constituant un obstacle à la continuité écologique de la rivière ni comme permettant un prélèvement total du débit de la rivière la circonstance que la première unité de cogénération qu'elle exploite ait fait l'objet d'une mise en demeure de respecter les prescriptions relatives aux prélèvements d'eau est sans incidence sur la compatibilité du projet avec le SDAGE ;
- les autres moyens soulevés en première instance, tirés du caractère insuffisant de l'étude d'impact, de l'absence de consultation régulière de la commune de Robert et d'affichage de l'enquête publique, de l'avis du conseil municipal et de l'arrêté de permis de construire, ainsi que de consultation du parc naturel régional de la Martinique et l'ONF, de l'illégalité du permis de construire, de l'erreur d'appréciation du préfet et de l'incompatibilité avec le SDAGE, ne sont pas fondés ;
- le cas échéant, la compatibilité de l'autorisation avec le SDAGE peut être assurée par des prescriptions complémentaires particulières, que le juge peut définir lui-même ou imposer au préfet de définir, relatives à l'alimentation en eau de l'installation pendant la période de carême par réutilisation en cascade d'une partie des effluents de la sucrerie et la distilleries exploitées par la SAEM, selon le protocole conclu avec cette société le 6 décembre 2016, et constitution d'une réserve d'eau d'environ 2 000 m3.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2017 l'ASSAUPAMAR, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête n° 16BX03615 tendant au sursis à exécution du jugement du 4 octobre 2016.
Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 9 février 2017, et 31 mars 2017, l'ASSAUPAMAR, conclut au rejet de la requête de la société Albioma Galion, comme non fondée, et demande à la cour de mettre à la charge de cette société une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une intervention enregistrée le 31 mars 2017, l'association France Nature Environnement, représentée par MeB..., demande à la cour de rejeter la requête n° 16BX03614 présentée par la société Albioma Galion.
Elle soutient que la requête de la société Albioma Galion n'est pas fondée.
II- Par une requête n° 16BX03615 et un mémoire, enregistrés respectivement les 15 novembre 2016 et 9 février 2017, la société Albioma Galion, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 1500024 du 4 octobre 2016 jusqu'à ce que la cour se soit prononcée sur la requête en annulation de ce jugement, ou, à titre subsidiaire, jusqu'au 31 décembre 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'ASSAUPAMAR une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conditions prévues par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont satisfaites dès lors que les moyens qu'elle invoque paraissent sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions d'annulation accueillies par le jugement ;
- les conditions prévues par l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont satisfaites eu égard aux conséquences difficilement réparables que risque d'entraîner l'exécution du jugement en raison de l'intérêt général qui s'attache à la réalisation du projet et de ses conséquences financières et sociales ;
- un sursis au moins jusqu'au 31 décembre 2017 permettrait l'instruction de la nouvelle demande d'autorisation d'exploiter.
Par un mémoire enregistré le 14 février 2017, l'ASSAUPAMAR, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête en sursis à exécution, comme non fondée, et demande à la cour de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Albioma Galion en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 10 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2017 à 12 heures.
III - Par un recours sommaire n° 16BX03895, et un mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 5 décembre 2016 et 16 février 2017, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 1500024 du 4 octobre 2016.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en raison de son insuffisante motivation s'agissant du moyen d'annulation retenu tiré de l'incompatibilité de la décision attaquée avec les orientations du SDAGE de la Martinique ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a examiné la compatibilité du projet avec les dispositions du SDAGE dans sa version en vigueur à la date de la délivrance de l'autorisation et non avec le SDAGE dans sa version en vigueur à la date de son jugement ;
- le projet n'est pas soumis à autorisation au titre de la loi sur l'eau en application de la nomenclature prévue à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ; par suite les prescriptions I-C-4 et I-B-1 du SDAGE ne lui étaient pas applicables ;
- il est compatible avec les orientations du SDAGE en ce qu'il prévoit que les besoins en eau en période de carême seront exclusivement assurés par des prélèvements dans la rivière du Galion.
Par un mémoire, enregistré le 27 décembre 2016, la société Albioma Galion, représentée par MeC..., intervient au soutien des conclusions de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer tendant à l'annulation du jugement n° 1500024 du tribunal administratif de la Martinique et demande en outre à la cour de rejeter la demande de l'ASSAUPAMAR présentée devant ce tribunal et de condamner cette association à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 10 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
-l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Mège,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant de la Société Abioma Galion et de M. Bérisson, président de l'ASSAUPAMAR.
Considérant ce qui suit :
1. La société Albioma Galion a été autorisée le 14 mars 2014 par le préfet de la Martinique à exploiter une unité de cogénération à partir de biomasse et de charbon. Par des arrêtés complémentaires du 12 mars 2015 et du 9 décembre 2015, le préfet lui a interdit l'utilisation du charbon comme combustible de l'unité de cogénération. Par requête enregistrée sous le n° 16BX03614, la société Albioma Galion relève appel du jugement n° 1500024 du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette autorisation et, par requête enregistrée sous le n° 16BX03615, demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Par recours enregistré sous le n° 16BX03895, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer relève également appel du même jugement. Ces trois requêtes sont relatives au même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur l'intervention devant la cour de l'association France Nature Environnement :
2. L'association France Nature Environnement (FNE), eu égard à son objet statutaire, a intérêt au maintien du jugement attaqué. Ainsi son intervention est recevable.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement et au rejet de la demande présentée par l'ASSAUPAMAR devant le tribunal administratif de la Martinique :
Sans qu'il y ait besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement ;
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de la Martinique :
3. Pour annuler l'autorisation d'exploiter délivrée le 14 mars 2014 à la société Albioma Galion, le tribunal administratif de la Martinique s'est fondé, après avoir jugé au point 32 du jugement que l'unité de cogénération devait être soumise à autorisation au titre de la loi sur l'eau, sur l'incompatibilité de l'installation de cogénération avec, d'une part, l'orientation générale n°1 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) de la Martinique 2010-2015, d'autre part les dispositions I-B-1 et I-C-4 de ce schéma.
4. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
5. En premier lieu, le SDAGE 2010-2015 de Martinique a assigné comme orientation fondamentale n°1 de " gérer l'eau comme un bien commun et développer les solidarités entre usagers ". Une telle orientation, qui se décline ensuite en un certain nombre de mesures, dont certaines sont relatives à des règles de fond tandis que d'autres édictent des règles de procédure, n'édicte, en elle-même, aucune règle de procédure qui aurait été applicable à la date de l'arrêté d'autorisation d'exploiter. Or, par arrêté du 30 novembre 2015 publié au Journal officiel de la République française du 20 décembre 2015, le préfet de la Martinique a approuvé le SDAGE de la Martinique 2016-2021 qui ne reprend pas à l'identique l'orientation fondamentale n°1 du SDAGE 2010-2015. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de la Martinique s'est fondé sur l'incompatibilité du projet avec l'orientation fondamentale n° 1 du SDAGE 2010-2015 pour annuler l'autorisation d'exploitation accordée par le préfet de la Martinique à la société Albioma Galion.
6. En second lieu, la mesure I-B-1 du SDAGE de la Martinique 2010-2015 dispose : " Les demandes d'autorisation ou de déclaration pour prélèvements d'eau soumis à la loi sur l'eau doivent comporter dans la rubrique explicitée au 4° a) de l'article R. 214-6 du code de l'environnement pour les autorisations ou dans la rubrique explicitée au 4° a) de l'article R. 214-32 de ce même code pour les déclarations, un volet justifiant le choix de l'origine de la ressource et son impact vis-à-vis du débit maximum exploitable et du respect des objectifs quantitatifs du SDAGE ". La mesure I-C-4 du SDAGE de la Martinique 2010-2015, reprise à l'identique dans le SDAGE 2016-2021 à l'article I-B-4 dispose : " Pour maintenir ou rétablir l'équilibre des ressources et assurer les besoins des milieux naturels, tout projet soumis à autorisation ou à déclaration au titre de la loi sur l'eau et qui a pour conséquence l'augmentation des prélèvements en eau de surface, ne sera pas autorisé sans : / - justifier précisément les besoins et leur évolution à moyen et long termes, dans la rubrique prévue au 3° de l'article R214-6 du Code de l'Environnement pour les autorisations et au 3° de l'article R. 214-32 de ce même code pour les déclarations ; / - présenter des moyens de compensation par la mobilisation de ressources supplémentaires (réserves artificielles alimentées en période de sécheresse ou autres ressources complémentaires pendant les périodes de carême) sur la base d'études de solutions alternatives. Cette présentation se fera dans la rubrique prévue au 4° d) de l'article R214-6 du Code de l'Environnement pour les autorisations et au 4° d) de l'article R. 214-32 de ce même code pour les déclarations. " Ces dispositions ont pour objet d'imposer aux seuls projets alors soumis soit à autorisation soit à déclaration au titre de la loi sur l'eau, des règles de procédure relatives à la composition du dossier présenté au préfet à l'appui d'une demande d'autorisation ou d'une déclaration à ce titre.
7. L'article L. 214-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017, entrée en vigueur le 1er mars 2017, soumet les installations, ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles, aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 du même code. En vertu de l'article L. 214-2 ces installations, ouvrages, travaux et activités sont définis dans une nomenclature figurant au tableau annexé à l'article R. 214-1 du même code, tel que modifié par le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, entré en vigueur le 1er mars 2017. En application de la rubrique 1.2.1.0 de cette nouvelle nomenclature, les prélèvements et installations et ouvrages permettant le prélèvement, y compris par dérivation, dans un cours d'eau, dans sa nappe d'accompagnement ou dans un plan d'eau ou canal alimenté par ce cours d'eau ou cette nappe, d'une capacité totale maximale supérieure ou égale à 1 000 mètres cubes par heure ou à 5 % du débit du cours d'eau ou, à défaut, du débit global d'alimentation du canal ou du plan d'eau, et d'une capacité totale maximale comprise entre 400 et 1 000 mètres cubes par heure ou entre 2 et 5 % du débit du cours d'eau ou, à défaut, du débit global d'alimentation du canal ou du plan d'eau, sont respectivement soumis à autorisation environnementale ou à déclaration.
8. Toutefois, l'article L. 214-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté d'autorisation d'exploiter, excluait de l'application de la nomenclature figurant au tableau annexé à l'article R. 214-1 du même code, les installations classées pour la protection de l'environnement. Ainsi, si les installations classées pour la protection de l'environnement sont désormais, à compter du 1er mars 2017, au nombre des installations soumises à autorisation ou déclaration en application de cette nomenclature, tel n'était pas le cas à la date de l'arrêté d'autorisation d'exploiter du 14 mars 2014 et cette installation classée par suite n'était pas soumise à procédure de déclaration ou d'autorisation au titre de la loi sur l'eau.
9. Il en résulte qu'alors même que l'unité de cogénération effectue un prélèvement d'eau dans le canal du Galion, un tel projet relevait de l'application de la seule nomenclature relative aux installations classées figurant au tableau annexé à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur, et non de la nomenclature fixée à l'article R. 214-1 au titre de la loi sur l'eau. Il n'était donc pas soumis à la procédure de déclaration ou d'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Par suite, les dispositions des mesures I-B-1 et I-C-4 du SDAGE de la Martinique 2010-2015, qui édictent des règles relatives à la composition des dossiers de demande d'autorisation et de déclaration au titre de la loi sur l'eau ne lui étaient pas applicables.
10. Les autorisations d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement sont néanmoins, en application de l'article L. 214-7 du même code, en vigueur à la date de l'autorisation du 14 mars 2014, reprises désormais à l'article L. 512-16 du même code, soumises aux dispositions de l'article L. 212-1. Aux termes du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, " les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ". L'autorisation d'exploiter une unité de cogénération à partir de biomasse et de charbon, qui relève de la nomenclature des installations classées pour l'environnement, ne constitue pas une décision administrative dans le domaine de l'eau au sens des dispositions précitées de l'article L. 212-1 de l'environnement quand bien même le processus mis en oeuvre intègre un prélèvement d'eau.
11. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'incompatibilité du dossier de demande d'autorisation présenté par la société Albioma Galion avec les dispositions des mesures I-B-1 et I-C-4 du SDAGE de la Martinique 2010-2015, pour annuler l'autorisation d'exploiter l'unité de cogénération.
12. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'ASSAUPAMAR et par l'association France Nature Environnement devant le tribunal administratif de la Martinique et devant la cour.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
13. Le tribunal administratif de la Martinique a écarté par des motifs pertinents, qu'il y a lieu d'adopter, l'ensemble des arguments invoqués par l'ASSAUPAMAR devant lui à l'appui du moyen tiré du caractère insuffisant de l'étude d'impact. Cette association et l'association Fédération Nature Environnement ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de droit nouveau. Elles invoquent de nouveaux éléments de fait tirés de la proximité de l'habitation Galion, classée à l'inventaire des monuments historiques, de l'usine du Galion inscrite à l'inventaire général du patrimoine culturel, et de la présence d'une mangrove avec présence de mangle médaille et d'une mangrove riche en oiseaux migrateurs, de l'insuffisante analyse du risque inondation, notamment eu égard aux remblais pratiqués sur le site et aux palplanches installées sur la rive de la rivière sur une trentaine de mètres, des effets dans les pays d'origine de la biomasse importée, de l'absence de précision de l'origine de la biomasse locale, de l'absence d'analyse précise de la pollution supplémentaire induite par la circulation de 58 camions par jour pour le transport de la biomasse, notamment en raison du transport de nuit, de l'absence d'intégration au bilan carbone du bilan des transports de biomasse importée, de l'absence de prise en compte des conflits d'usage de la production de biomasse locale avec la production agricole, et de l'existence de risque sanitaire aigu ou chronique résultant du recours à la biomasse, et de l'absence de prise en compte des effets cumulatifs avec les installations déjà présentes à proximité ou sur le même site. Toutefois, l'étude d'impact de plus de 300 pages procède à l'étude de l'état initial du site et fait état à ce titre de la présence de l'usine sucrière et de la centrale de cogénération du Galion préexistante ainsi que des principaux éléments caractéristiques du patrimoine, à l'analyse des effets sur l'environnement, notamment en ce qui concerne la pollution atmosphérique qui comprend notamment une description de son état initial prenant en compte les rejets résultant de l'activité de l'usine sucrière et de la première centrale de cogénération et une présentation des effets du projet. Elle analyse les installations par rapport aux meilleures technologies disponibles, étudie l'origine et de la gravité des inconvénients et nuisances susceptibles de résulter du fonctionnement de l'installation et les mesures compensatoires en indiquant également leurs coût, analyse, les effets cumulés avec les autres projets connus et indique les modalités de remise en état du site. Elle est en outre assortie d'une étude d'impact sanitaire et d'une étude des dangers. Il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact ait en l'espèce comporté des inexactitudes, omissions ou lacunes de nature à nuire à l'information complète de la population ou de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
En ce qui concerne les moyens tirés de l'incompatibilité du projet avec les orientations fondamentales du SDAGE de la Martinique :
14. Comme indiqué au point 4, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
15. Les orientations fondamentales assignées au SDAGE de la Martinique 2010-2015 sont les suivantes : OF1 : Gérer l'eau comme un bien commun et développer les solidarités entre les usagers ; OF2 : Lutter contre les pollutions pour reconquérir et préserver notre patrimoine naturel dans un souci de santé publique et de qualité de vie ; OF3 : changer nos habitudes et promouvoir les pratiques écocitoyennes vis-à-vis des milieux ; OF4 : améliorer les connaissances sur les milieux aquatiques ; OF5 : maîtriser les risques. De telles orientations, en elles-mêmes, n'édictent aucune règle de procédure directement applicable. Par suite, il n'y a pas lieu d'apprécier la compatibilité du projet avec les orientations fondamentales du SDAGE 2010-2015 et les moyens tirés de l'incompatibilité du projet avec ces orientations fondamentales de ce schéma ne peuvent dès lors qu'être écartés.
16. Ni l'ASSAUPAMAR ni l'association France Nature Environnement ne se prévalent d'une incompatibilité du projet avec les orientations fondamentales du SDAGE 2016-2021 qui sont les suivantes : OF1-Concilier les usages humains et les besoins des milieux aquatiques, OF2-Reconquérir la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, OF3- Protéger et restaurer les milieux aquatiques remarquables, OF4- Connaître pour mieux gérer l'eau et agir sur les comportements, ni avec les mesures qui en découlent et fixent des règles de fond. Toutefois, en raison de la proximité entre certaines orientations fondamentales du SDAGE 2016-2021 avec celles assignées au SDAGE 2010-2015, les moyens tirés de l'incompatibilité du projet avec les orientations fondamentales du SDAGE 2010-2015 peuvent être regardées comme se prévalant d'une incompatibilité du projet avec les orientations fondamentales du SDAGE 2016-2021.
17. En application des dispositions combinées des l'article L. 214-3 II du code de l'environnement, dans sa version issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017, et du tableau annexé à l'article R. 214-1 du même code, dans sa version issue du décret 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, un prélèvement d'eau tel que celui effectué par l'unité de cogénération ne serait, à compter du 1er mars 2017, au titre de la rubrique 1.2.1.0 de la nouvelle nomenclature, soumis qu'à déclaration dès lors que si sa capacité totale maximale est inférieure à 400 mètres cubes par heure, il est compris entre 2 et 5 % du débit du canal du Galion. N'étant ainsi soumis qu'à déclaration, il relève des dispositions du II de l'article L. 214-3 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 lesquelles disposent que : " (...) Dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, l'autorité administrative peut s'opposer à l'opération projetée s'il apparaît qu'elle est incompatible avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (...) ". A la date du présent arrêt, aucun décret n'a fixé le délai dans lequel l'autorité administrative pourra s'opposer à la délivrance d'autorisations au motif de l'incompatibilité du projet avec les dispositions d'un SDAGE. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le projet serait incompatible avec les dispositions édictées en des termes très généraux des orientations fondamentales du SDAGE 2015-2021. Par suite, les moyens tirés d'une incompatibilité du projet, en tant qu'il procède à un prélèvement d'eau dans le canal du Galion, avec les orientations fondamentales du SDAGE 2016-2021 qui édicteraient des règles de fond, doivent être écartés.
En ce qui concerne la méconnaissance des règles d'urbanisme :
18. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées de se prononcer sur la légalité de l'autorisation au regard des règles d'urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance. Si l'ASSAUPAMAR soutient que l'autorisation d'exploiter a été délivrée en violation des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de La Trinité en raison de sa localisation en zone inconstructible, zone N ou zone A, notamment pour ce qui concerne les stocks de charbon et de biomasse, la révision simplifiée approuvée par délibération du 2 septembre 2013 a eu pour objet de classer l'intégralité des parcelles d'assiette de l'unité de cogénération en zone UEa à vocation économique et industrielle et de classer les parcelles destinées au stockage de charbon et de biomasse dans un sous-secteur de la zone A, dénommé A1a prévoyant la possibilité de telles utilisations. Par suite le moyen tiré de la violation des dispositions applicables du plan local d'urbanisme doit être écarté, ainsi, en tout état de cause, que celui tiré de l'illégalité du permis de construire délivré le 7 octobre 2013 à raison de la violation des mêmes règles.
19. L'article L. 600-1 du code de l'urbanisme dispose : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. / (...)/Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne : -soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales; -soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques. ". L'ASSAUPAMAR soutient que la révision simplifiée est irrégulière en l'absence d'accord de la commission de consommation des espaces agricoles. Toutefois, ce moyen relatif à la procédure de révision approuvée le 2 septembre 2013 n'a été soulevé que postérieurement à l'expiration du délai de six mois édicté par les dispositions précitées. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-19 du code de l'urbanisme n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne les autres moyens :
20. Comme l'ont à juste titre indiqué les premiers juges, l'absence de visa du permis de construire délivré à la société Albioma Galion dans l'autorisation d'exploiter est sans incidence sur la légalité de celle-ci, l'avis de la commune du Robert a été sollicité dans des conditions régulières en lui transmettant le dossier d'enquête publique, la circonstance que la commune du Robert soit, au sens de l'article R. 512-14 du code de l'environnement, concernée par les risques et inconvénients résultant de l'exploitation autorisée n'imposait pas au préfet de désigner comme lieu d'enquête publique ladite commune, les formalités d'affichage en mairie du Robert des avis d'enquête publique ont été accomplies, l'erreur dans la détermination de la superficie du projet est sans incidence sur la légalité de la décision dès lors que le projet a bien été soumis à autorisation et non à déclaration. Il ne saurait non plus être utilement reproché l'absence d'un récépissé de déclaration dès lors que le préfet de la Martinique a soumis le projet à une procédure d'autorisation.
21. A l'appui du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en délivrant l'autorisation d'exploiter, l'ASSAUPAMAR reprend les arguments qu'elle a exposés à l'appui des moyens relatifs aux insuffisances de l'étude d'impact, du défaut de transmission du dossier d'enquête publique et de l'incompatibilité avec le SDAGE. Pour les motifs exposés précédemment, ce moyen ne pourra qu'être écarté.
22. En vertu des dispositions de l'article L. 512-16 du code de l'environnement, dans sa version issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les installations classées pour la protection de l'environnement sont soumises aux dispositions des articles L. 211-1 du même code relatives à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. Le procédé mis en oeuvre par l'unité de cogénération comporte un prélèvement d'eau d'un volume de 25 mètres cubes par heure dans un canal du Gabion dont le débit moyen est de 1 000 mètres cubes par heure. Eu égard à l'ensemble des caractéristiques de ce prélèvement, notamment en termes de quantités prélevées, de localisation de la prise d'eau, et de mesures compensatoires prévues notamment en période d'étiage, il ne résulte pas de l'instruction que le projet d'unité de cogénération n'aurait pas pris en compte les objectifs de promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau, de rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques, tout en veillant à la satisfaction des exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population en conciliant, lors des différents usages, notamment les activités humaines légalement exercées. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement n'est pas fondé et doit être écarté.
23. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, autres que celles du XI de cet article auquel il a été répondu au point 7, et de la méconnaissance des articles L. 212-2 à L. 212-11, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la société Albioma Galion et la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'autorisation d'exploiter l'unité de cogénération délivrée le 14 mars 2014 à la société Albioma Galion. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par ladite société tendant à ce que l'autorisation d'exploiter soit assortie de prescriptions complémentaires.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
25. Le présent arrêt statue au fond sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué. Les conclusions de la requête 16BX03615 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont dès lors sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Albioma Galion, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'ASSAUPAMAR, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'ASSAUPAMAR une somme de 1 500 euros à verser à la société Albioma Galion au même titre.
DECIDE
Article 1er : L'intervention de l'association France Nature Environnement est admise.
Article 2 : Le jugement n° 1500024 du tribunal administratif de la Martinique du 4 octobre 2016 est annulé.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16BX03615.
Article 4 : La demande présentée par l'ASSAUPAMAR devant le tribunal administratif de la Martinique et ses conclusions en appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : L'ASSAUPAMAR versera la somme de 1 500 euros à la société Albioma Galion en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Albioma Galion, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, à l'ASSAUPAMAR, et à l'association France Nature Environnement. Copie en sera adressée pour information à la ministre des outre-mer et au préfet de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2017 à laquelle siégeaient :
M. Didier Péano, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 avril 2017.
Le rapporteur,
Christine Mège
Le président,
Didier Péano
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
N° 16BX03614, 16BX03615, 16BX03895