Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, présentés le 24 avril 2017, le 5 novembre 2018 et le 2 janvier 2019, M. et Mme D...H...et M. et Mme E...C..., représentés par MeG..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1400418 du tribunal administratif de Toulouse du 22 février 2017 ;
2°) d'annuler le permis de construire délivré le 8 août 2013 et la décision rejetant implicitement leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le jugement ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande de première instance, que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en appréciant leur intérêt à agir à l'encontre de la décision rejetant leur recours gracieux en fonction des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme issues de l'ordonnance du 18 juillet 2013 ; il lui appartenait d'apprécier cet intérêt en fonction des règles dégagées par le Conseil d'Etat antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance ;
- c'est à tort que, pour dénier leur intérêt à agir, le tribunal s'est fondé sur le seul critère de la visibilité entre le projet autorisé et leur propriété ; il lui appartenait de tenir compte également de la distance, de la nature du projet et de la configuration des lieux ;
- les éoliennes qui sont implantées sur une ligne de crête en surplomb seront visibles depuis leurs propriétés et depuis leurs parcelles agricoles ;
- M. H...justifie également de son intérêt à agir en sa qualité de propriétaire de la grotte d'Orquette, laquelle abrite une faune, notamment des chiroptères, sensible au fonctionnement des éoliennes ;
Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée, que :
- le pétitionnaire ne justifiait pas d'un titre l'habilitant à construire en application de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ; dès lors qu'une partie du parc d'éoliennes était implantée sur les biens d'une section de communes, il convenait de mettre en oeuvre la procédure de l'article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales ;
- l'étude d'impact est entachée d'insuffisances en ce qui concerne l'analyse des conséquences du projet sur l'avifaune ;
Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité interne, que :
- le permis de construire a méconnu les dispositions du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme qui imposent la préservation des terrains nécessaires au développement des activités agricoles, pastorales et forestières ;
- le permis de construire a méconnu les dispositions du II de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme qui prévoient que les décisions relatives à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ;
- le permis de construire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; aucune étude géologique n'a été réalisée sur le site d'implantation du projet pour identifier la présence de cavités souterraines ; ainsi, le risque d'érosion du sol d'assise n'a pu être appréhendé par le service instructeur ;
- le permis de construire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; le projet est implanté dans un site montagnard de qualité et l'implantation d'une série de 14 éoliennes sur deux rangées va l'impacter défavorablement ;
- le permis de construire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme car il ne contient aucune prescription susceptible de limiter ses conséquences négatives sur la faune protégée présente dans le site d'implantation du projet.
Par des mémoires en défense, présentés le 31 octobre 2018 et le 7 janvier 2019, la société Raz Energie 2, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement, que :
- le moyen tiré de l'absence de signature manque en fait ;
Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont dénié aux requérants un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige ; il n'existe pas de co-visibilité significative du parc d'éoliennes depuis les maisons d'habitation des requérants ; les requérants ne démontrent pas non plus que le parc d'éoliennes aurait des incidences négatives sur l'utilisation de leurs parcelles agricoles non bâties et notamment sur l'élevage qu'elles permettent ; la grotte d'Orquette est munie d'une grille qui empêche l'installation et la reproduction des chiroptères et M. H...ne peut donc se prévaloir de sa qualité de propriétaire de la grotte pour justifier son intérêt à agir ;
Elle soutient, au fond, que :
- en application de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, le pétitionnaire doit seulement attester qu'il a qualité pour déposer la demande de permis de construire ; la société justifie d'une délibération du conseil municipal du 28 octobre 2009 et d'une promesse de bail du 3 novembre 2009 qui attestent sa qualité pour déposer la demande ; en tout état de cause, il n'était pas nécessaire d'obtenir l'accord des habitants de la section de communes ;
- en application du principe de l'indépendance des législations, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact est inopérant à l'encontre du permis de construire ; en tout état de cause, ce moyen manque en fait ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme doit être écarté ; le terrain d'assiette du projet est constitué de peuplements forestiers et de feuillus et le pétitionnaire a prévu des mesures de réduction et de compensation du déboisement à réaliser ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme doit être écarté ; le site d'implantation du projet ne peut être qualifié d'espace, paysage ou milieu caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard au sens de cet article ; il n'existe aucune espèce végétale ou animale recensée sur le site ; les atteintes invoquées par les requérants sont exagérées et surtout non démontrées ;
- le permis de construire n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme car l'étude d'impact a montré que le site choisi ne comporte pas de sol particulièrement instable ;
- le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté car ledit article ne peut fonder un refus de permis de construire ; les circonstances invoquées par les requérants à l'appui de leur moyen sont relatives au fonctionnement du parc d'éoliennes et ne peuvent utilement fonder une annulation d'un permis de construire ; en tout état de cause, le projet a prévu toutes les dispositions nécessaires pour préserver l'avifaune située dans le secteur environnant ;
- le permis de construire n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; le site a été choisi parce qu'en lui-même il ne présente pas des enjeux paysagers ou environnementaux forts ; il est éloigné des principaux pôles d'attraction touristiques ; le projet est situé dans un paysage structuré par son relief et caractérisé par son ambiance forestière ; il n'existera pas de co-visibilité significative entre les éoliennes et les habitations situées dans le secteur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2019, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- ainsi que le préfet l'a démontré dans ses écritures de première instance, les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir à l'encontre du permis de construire ;
- les autres moyens doivent être écartés compte tenu des éléments développés par le préfet en première instance.
Par ordonnance du 31 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 janvier 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M. et Mme H...et M. et Mme C..., et de MeB..., représentant la société Raz Energie 2.
Une note en délibéré présentée pour M. et Mme H...et M. et Mme C...a été enregistrée le 3 avril 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 juin 2012, la société Raz Energie a déposé en préfecture de l'Aveyron une demande de permis de construire un parc éolien composé de quatorze aérogénérateurs et de deux postes de livraison électrique situé au lieu-dit " le Ferro " sur le territoire de la commune de Mélagues. Par un arrêté du 8 août 2013, le préfet de l'Aveyron a délivré le permis de construire sollicité. La commune de Castanet-le-Haut, la commune de Saint-Geniès-de-Varensal, M. et Mme H...et M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le permis de construire du 8 août 2013 ainsi que la décision du préfet de l'Aveyron ayant implicitement rejeté leur recours gracieux formé le 2 octobre 2013 contre cette autorisation. M. et Mme H...et M. et Mme C...relèvent appel du jugement rendu le 22 février 2017 par lequel le tribunal a rejeté leur demande pour défaut d'intérêt à agir.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux dispositions précitées. La circonstance que l'expédition du jugement qui a été notifiée aux requérants ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. Le projet autorisé par le permis de construire du 8 août 2013 en litige consiste dans l'implantation de deux rangées d'éoliennes, au nombre de quatorze, d'une hauteur de 99,5 mètres en bout de pales, au niveau de deux lignes de crêtes situées à l'extrême sud du territoire de la commune de Mélagues.
5. Pour soutenir qu'ils ont un intérêt à contester le permis de construire, les requérants invoquent leur qualité de propriétaire de maisons d'habitation situées dans le hameau d'Albès depuis lesquelles les éoliennes seront visibles, selon eux. Il ressort des pièces du dossier que le hameau d'Albès est situé à 1 360 mètres environ du site d'implantation du parc éolien, et, ainsi que l'établit le photomontage n° 8 de l'étude paysagère, qu'aucune des éoliennes ne sera visible depuis le hameau d'Albès compte tenu de la topographie vallonnée du secteur et de leur implantation en arrière de la ligne de crête à l'exception, il est vrai, des éoliennes E8 et E9. Néanmoins, il résulte du photomontage n° 8, dont la pertinence n'est pas contestée, qu'en raison de leur implantation à l'arrière de la ligne de crête sur le relief descendant, les éoliennes E8 et E9 ne seront perceptibles, et encore faiblement, depuis le hameau d'Albès qu'au niveau de l'extrémité supérieure de leurs pales. Cette appréciation est confirmée par les plans de coupe, versés au dossier de première instance, faisant apparaître la topographie des sols séparant le site d'implantation des éoliennes du hameau et n'est pas infirmée par les divers documents produits par les requérants, notamment le constat d'huissier du 26 novembre 2018. Dans ces conditions, il n'existe aucune visibilité significative du parc éolien depuis les propriétés des requérants situées dans le hameau. Par suite, M. et Mme C...et M. et Mme H...ne justifient pas, en leur qualité de résidents du hameau, d'un intérêt suffisant pour contester le permis de construire délivré le 8 août 2013.
6. Pour soutenir qu'ils ont un intérêt à contester le permis de construire, les requérants invoquent également leur qualité de propriétaires de parcelles agricoles non bâties depuis lesquelles les éoliennes seraient visibles. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation des éoliennes aurait pour effet de porter atteinte aux activités exercées sur les parcelles en question, en particulier la pâture des animaux. Ainsi, faute pour les requérants d'apporter des éléments de nature à établir que le projet en litige entraînerait des conséquences négatives sur les conditions de jouissance de leurs parcelles, ils ne justifient pas d'un intérêt suffisant pour contester le permis de construire en litige.
7. Pour la première fois en appel, M. H...fait valoir qu'il justifie d'un intérêt à agir à l'encontre du permis en sa qualité de propriétaire de la grotte d'Orquette, laquelle est située à 1,9 km environ de l'éolienne la plus proche et abriterait plusieurs espèces de chiroptères protégées dont la conservation est susceptible d'être impactée par le projet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude écologique réalisée à la demande du pétitionnaire ainsi que du document d'objectifs Natura 2000 " Crêtes du Mont Marcou et des Monts de Mare " qu'à la suite de la pose d'une grille par M. H...lui-même, en 1995, la grotte d'Orquette ne sert plus d'abri aux chiroptères et est seulement utilisée par quelques individus en transit. Dans ces conditions, M. H...ne peut invoquer l'impact qu'aurait l'implantation du parc éolien sur la grotte, la grille qu'il y a installée ayant pour effet d'empêcher la reproduction des chiroptères. Par suite, M. H...ne justifie pas non plus sur ce point d'un intérêt lui donnant qualité pour contester le permis de construire.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande pour défaut d'intérêt à agir. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge des requérants pris ensemble la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Raz Energie 2 et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 17BX01305 présentée par M. et Mme C...et M. et Mme H...est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C...et M. et MmeH..., pris ensemble, verseront à la société Raz Energie 2 la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...H..., à M. et Mme E...C..., à la société Raz Energie 2, au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2019.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01305