Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, présentés le 12 juin 2017, le 5 novembre 2018 et le 7 décembre 2018, M. et Mme D...H...et M. et Mme E...C..., représentés par MeG..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1403514 du tribunal administratif de Toulouse du 11 avril 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté d'autorisation du 20 janvier 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le jugement ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande de première instance, que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le parc d'éoliennes sera visible depuis leurs propriétés qu'il surplombe étant donné sa situation sur une ligne de crête ;
- le projet porte atteinte à la commodité du voisinage, aux paysages dont le caractère naturel est ainsi dégradé ;
- ils sont aussi propriétaires de parcelles non bâties, en état d'exploitation situées à une distance de 930 mètres à 1,9 km des éoliennes ; la proximité des éoliennes porte atteinte à leur activité d'éleveurs ; ces ouvrages portent aussi atteinte aux chiroptères qui utilisent la grotte d'Orquette dont M. H...est le propriétaire ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en distinguant, pour l'application des règles relatives à l'intérêt à agir, selon que les requérants étaient propriétaires de terrains bâtis et de terrains non bâtis ;
Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité de la décision attaquée, que :
- l'avis de l'autorité environnementale de l'Etat n'était pas joint au dossier soumis à enquête publique, en méconnaissance des articles R. 123-8 et L. 122-1 du code de l'environnement ; cette lacune a nui à l'information du public d'autant que l'avis de l'autorité environnementale a mis en lumière un certain nombre d'insuffisances de l'étude d'impact ;
- le dossier de demande ne justifiait pas des capacités financières de l'exploitant en méconnaissance du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement ; il n'est ainsi pas établi que le pétitionnaire est bien une filiale de la société Samfi-Invest ; la contribution de cette dernière n'est pas précisée ; les propres capacités de la société pétitionnaire ne sont pas connues ; aucun document d'un organisme bancaire garantissant l'existence d'un prêt n'est fourni ;
- le dossier ne justifiait pas non plus des capacités techniques du pétitionnaire en méconnaissance du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement ; on ignore ainsi si la société a déjà installé ou exploité un parc d'éoliennes en France ;
- l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation est entachée d'insuffisances ; ainsi, l'autorité environnementale, dans son avis, a relevé que la bio-évaluation des espèces d'avifaune inventoriées est incomplète ; l'inventaire des chiroptères présents sur le site est également lacunaire ; l'étude d'impact ne comprend aucune analyse des effets cumulés du projet avec ceux d'autres projets similaires ; l'étude d'impact a omis d'aborder la question du risque incendie ;
- l'arrêté d'autorisation a méconnu les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement dès lors que le préfet aurait dû s'opposer au projet en raison des atteintes graves qu'il portait aux sites Natura 2000 existants ; ces atteintes sont constituées par les impacts négatifs qu'auront à subir l'avifaune, les rapaces et les chiroptères ;
- le projet nécessitait une dérogation aux interdictions mentionnées aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement en raison de la destruction d'espèces protégées qu'il entraîne ;
- l'arrêté d'autorisation est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement ; le préfet aurait dû refuser de délivrer l'autorisation compte tenu de l'implantation du projet dans une zone boisée, sur une ligne de crête, avec des effets négatifs pour l'avifaune ; le projet est de plus situé à proximité de deux zones Natura 2000, partiellement dans une ZNIEFF et à proximité d'une autre ZNIEFF ; les mesures compensatoires sont insuffisantes ; le projet est également de nature à altérer les réservoirs aquifères existants et à créer ainsi un risque de pollution des eaux ;
- le projet est incompatible avec le schéma régional de cohérence écologique Midi-Pyrénées car il se situe dans un site que ledit schéma a identifié au titre de l'objectif de préservation des zones refuges d'altitude.
Par des mémoires en défense, présentés le 2 janvier 2018 et le 10 décembre 2018, la société Raz Energie 2, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement, que :
- le moyen tiré de l'absence de signature manque en fait.
Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :
- il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux ; en application de ces principes, c'est à bon droit que les premiers juges ont dénié aux requérants un intérêt à agir à l'encontre de l'autorisation d'exploiter ;
- ainsi, il n'existe pas de co-visibilité significative du parc d'éoliennes depuis les maisons d'habitation des requérants ; les requérants ne démontrent pas non plus que le parc d'éoliennes aurait des incidences négatives sur l'utilisation de leurs parcelles agricoles non bâties et notamment sur l'élevage qu'elles permettent ; la grotte d'Orquette est munie d'une grille qui empêche l'installation et la reproduction des chiroptères et M. H...ne peut donc se prévaloir de sa qualité de propriétaire de la grotte pour justifier son intérêt à agir.
Elle soutient, au fond, que :
- l'avis d'enquête publique et le commissaire-enquêteur mentionnent la présence de l'avis de l'autorité environnementale parmi les pièces composant le dossier d'enquête publique ; d'autres éléments, et notamment un constat d'huissier, confirment que ledit dossier était composé conformément à la réglementation ;
- le moyen tiré de l'insuffisance des capacités techniques et financières du pétitionnaire doit être examiné au regard des nouvelles dispositions issues de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ; il appartient désormais au pétitionnaire de justifier qu'il possède ces capacités au plus tard à la date de la mise en service de l'installation ; en tout état de cause, la société a justifié qu'elle disposait des capacités techniques et financières suffisantes pour mener à bien son projet ;
- le moyen tiré des insuffisances dont serait entachée l'étude d'impact manque en fait ; le document a été établi sur la base de relevés effectués sur le terrain en période de reproduction ; il a permis d'établir que, s'agissant de l'avifaune, le site retenu constituait un site d'hivernage de faible intérêt car situé en dehors des couloirs migratoires ; s'agissant des chiroptères, l'étude d'impact envisage le risque de collisions sans le minimiser et présente les mesures destinées à le réduire ; la grotte d'Orquette qui appartient à M. H...a bien été prise en compte dans l'étude ; l'étude d'impact comporte une analyse des effets cumulés du projet avec ceux d'autres installations comparables ; elle envisage également la question du risque incendie ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 414-4 du code de l'environnement doit être écarté ; ainsi, le projet n'est pas inclus dans un site Natura 2000 ; l'étude d'incidences évoque les impacts liés à la perte de territoires de chasse, lesquels sont limités par la faible présence des rapaces présents en continu sur le site ; le risque de collision est limité par les mesures mises en place ; l'étude du bureau Ectare a conclu à l'absence d'incidences du projet sur les chiroptères protégés ;
- l'arrêté n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement ; les mesures de réduction et de compensation des impacts liés au déboisement seront efficaces ; les incidences du projet sur les zones Natura 2000 et les ZNIEFF existantes seront faibles à modérées ; il en va de même des visibilités du projet depuis les habitations, les zones touristiques et les voies de circulation ; le projet prévoit également de limiter les aménagements à proximité des captages afin d'éviter tout risque de pollution des eaux ;
- le projet n'entraînera pas une destruction d'espèces protégées ou d'habitats d'espèces protégées comme l'a relevé l'autorité environnementale ; par conséquent, l'autorisation en litige n'avait pas à être accompagnée de la dérogation à l'interdiction prévue aux articles L. 411-2 et L. 411-2 du code de l'environnement ;
- le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le schéma régional de cohérence écologique Midi-Pyrénées doit être écarté, aucune disposition ne prévoit que l'objectif de préservation de la trame verte issue d'un projet de SRCE est opposable à une autorisation d'exploiter au titre des installations classées pour la protection de l'environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir à l'encontre de l'autorisation d'exploiter et le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application des critères qui l'ont conduit à ne pas admettre cet intérêt ;
- les autres moyens doivent être écartés compte tenu des éléments développés par le préfet en première instance.
Par ordonnance du 8 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 décembre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M. et Mme H...et M. et Mme C..., et de MeB..., représentant la société Raz Energie 2.
Une note en délibéré présentée pour M. et Mme H...et M. et Mme C...a été enregistrée le 3 avril 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 juin 2012, la société Raz Energie a déposé en préfecture de l'Aveyron une demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de quatorze aérogénérateurs et de deux postes de livraison électrique situé au lieu-dit " le Ferro " sur le territoire de la commune de Mélagues. Par un arrêté du 20 janvier 2014, le préfet de l'Aveyron a délivré l'autorisation sollicitée. La commune de Castanet-le-Haut, la commune de Saint-Geniès-de-Varensal, M. et Mme H...et M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'autorisation du 20 janvier 2014. M. et Mme H...et M. et Mme C...relèvent appel du jugement rendu le 11 avril 2017 par lequel le tribunal a rejeté leur demande pour défaut d'intérêt à agir.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux dispositions précitées. La circonstance que l'expédition du jugement qui a été notifiée aux requérants ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".
5. Le projet autorisé est destiné à la production d'électricité au moyen de deux rangées d'éoliennes, au nombre de quatorze, hautes de 99,5 mètres en bout de pales et situées au niveau de deux lignes de crêtes à l'extrême sud du territoire de la commune de Mélagues.
6. Pour contester une décision prise au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement, les tierces personnes physiques doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
7. Pour soutenir qu'ils ont un intérêt à contester l'autorisation d'exploiter en litige, les requérants invoquent leur qualité de propriétaire de maisons d'habitations situées dans le hameau d'Albès depuis lesquelles les éoliennes seront visibles, selon eux. Il résulte de l'instruction que le hameau d'Albès est situé à 1 360 mètres environ du site d'implantation du parc d'éoliennes et, ainsi que l'établit le photomontage n° 8 de l'étude paysagère, qu'aucune des éoliennes ne sera visible depuis le hameau d'Albès compte tenu de la topographie vallonnée du secteur et de leur implantation en arrière de la ligne de crête à l'exception, il est vrai, des éoliennes E8 et E9. Néanmoins, il résulte du photomontage n° 8, dont la pertinence n'est pas contestée, qu'en raison de leur implantation à l'arrière de la ligne de crête sur le relief descendant, les éoliennes E8 et E9 ne seront perceptibles, et encore faiblement, depuis le hameau d'Albès qu'au niveau de l'extrémité supérieure de leurs pales. Cette appréciation est confirmée par les plans de coupe, versés au dossier de première instance, faisant apparaître la topographie des sols séparant le site d'implantation des éoliennes du hameau et n'est pas infirmée par les divers documents produits par les requérants, notamment le constat d'huissier du 26 novembre 2018. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que le mouvement des pales des éoliennes serait audible depuis les propriétés des requérants. Dans ces conditions, M. et Mme C... et M. et Mme H...ne justifient pas, en leur qualité de résidents du hameau, d'un intérêt suffisant pour contester l'autorisation d'exploiter du 20 janvier 2014.
8. Pour soutenir qu'ils ont un intérêt à contester l'autorisation d'exploiter, les requérants invoquent également leur qualité de propriétaires de parcelles agricoles non bâties depuis lesquelles les éoliennes seraient visibles. Toutefois, les requérants se bornent à faire état de leur qualité d'éleveurs et allèguent, sans l'établir, que le fonctionnement des éoliennes entraînerait des nuisances à leurs conditions d'exploitation et porterait atteinte aux revenus qu'ils déclarent tirer de leur parcelles. Ce faisant, ils n'établissent pas que le fonctionnement des éoliennes entraînerait des dangers ou des inconvénients particuliers pour les parcelles en question, constituées de landes, de bois et de pâtures et les activités dont elles seraient le siège. Par suite, M. et Mme C...et M. et Mme H...ne justifient pas, en leur qualité de propriétaires exploitants desdites parcelles, d'un intérêt suffisant pour contester l'autorisation en litige.
9. Pour la première fois en appel, M. H...fait valoir qu'il justifie d'un intérêt à agir à l'encontre de l'autorisation d'exploiter en sa qualité de propriétaire de la grotte d'Orquette, laquelle est située à 1,9 km environ de l'éolienne la plus proche et abriterait plusieurs espèces de chiroptères protégées dont la conservation est susceptible d'être impactée par le projet. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude écologique réalisée à la demande du pétitionnaire ainsi que du document d'objectifs Natura 2000 " Crêtes du Mont Marcou et des Monts de Mare " qu'à la suite de la pose d'une grille par M. H...lui-même, en 1995, la grotte d'Orquette ne sert plus d'abri aux chiroptères et est seulement utilisée par quelques individus en transit. Dans ces conditions, M. H...ne peut invoquer l'impact qu'aurait l'implantation du parc éolien sur la grotte, la grille qu'il y a installée ayant pour effet d'empêcher la reproduction des chiroptères. Par suite, M. H...ne justifie pas non plus sur ce point d'un intérêt lui donnant qualité pour contester l'autorisation d'exploiter en litige.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande pour défaut d'intérêt à agir. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge des requérants pris ensemble la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Raz Energie 2 et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 17BX01845 présentée par M. et Mme C...et M. et Mme H...est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C...et M. et MmeH..., pris ensemble, verseront à la société Raz Energie 2 la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...H..., à M. et Mme E...C..., à la société Raz Energie 2 et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2019.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01845