Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, présentés le 6 juillet 2017 et le 27 septembre 2018, la société civile immobilière Hameau de Méoule, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1500143 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 3 janvier 2012 et l'avis à tiers détenteur du 18 novembre 2014 ;
3°) la décharge de la participation pour le raccordement à l'égout mise à sa charge à hauteur de 9 679,09 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sanguinet la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa demande de première instance, que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable sa demande au motif qu'elle n'a pas exercé la réclamation préalable obligatoire prévue par l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales pour le titre exécutoire et par l'article L. 281 du même livre pour l'avis à tiers détenteur ; en effet, la participation pour le raccordement à l'égout ne constitue pas une contribution directe dont la contestation relève de ces dispositions ;
Elle soutient, au fond, que :
- le titre exécutoire du 3 janvier 2012 est inopposable à défaut d'avoir été notifié en application de l'article R. 256-7 du livre des procédures fiscales ;
- le titre est frappé par la prescription de quatre ans prévue à l'article L. 174 A du livre des procédures fiscales car il a été au-delà du délai de quatre ans qui courait à compter du 18 novembre 2006, date du permis de construire ;
- l'avis à tiers détenteur du 18 novembre 2014 est entaché d'incompétence car le comptable public ne peut revenir sur le dégrèvement de la participation litigieuse décidé par l'administration le 9 juin 2008 ;
- il est également entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il retire sans motif une décision de dégrèvement qui était créatrice de droits ;
- l'avis à tiers détenteur est privé de base légale dès lors qu'il est fondé sur un titre exécutoire émis au-delà du délai de prescription ;
- le permis délivré en 1982 autorisait le pétitionnaire à réaliser les réseaux et les participations ont déjà été versées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 septembre 2017, le 27 octobre 2017 et le 14 mars 2019, la commune de Sanguinet, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande comme irrecevable faute pour la société d'avoir adressé une réclamation préalable au service compétent ;
- le courrier de la direction départementale de l'équipement du 9 juin 2008 ne constitue pas une décision de dégrèvement ; il ne précise pas son objet, le montant de la taxe due ; de plus, il se réfère à des taxes d'urbanisme et non à la participation pour le raccordement à l'égout en litige ; ainsi, les décisions émises pour le recouvrement de ladite participation ne sont pas illégales ;
- la société ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article R. 256-6 et 256-7 du livre des procédures fiscales qui ne sont pas applicables à un titre exécutoire ;
- le délai de prescription applicable ici est celui de l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 ; en application de cette loi, le délai a couru à compter de l'entrée en vigueur de ladite loi et n'était pas expiré à la date d'émission du titre exécutoire.
Par ordonnance du 21 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mars 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Hameau de Méoule, et de MeA..., représentant la commune de Sanguinet.
Considérant ce qui suit :
1. Le 18 décembre 2006, le maire de Sanguinet a délivré à la société Hameau de Méoule un permis de construire un ensemble de neuf logements et a mis à la charge de cette dernière, par l'article 3 de sa décision, le versement d'une participation pour le raccordement à l'égout. Pour avoir paiement de la somme de 9 679,09 euros, correspondant au montant de la participation, le maire de Sanguinet a émis un titre exécutoire le 3 janvier 2012. Par un avis à tiers détenteur délivré à la banque de la société Hameau de Méoule le 18 novembre 2014, le trésorier a poursuivi le recouvrement de la somme exigée. La société a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande de décharge de la participation pour le raccordement à l'égout et relève appel du jugement rendu le 9 mai 2017 qui a rejeté sa demande comme irrecevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 1331-7 du code de la santé publique, dans sa version applicable en l'espèce : " Les propriétaires des immeubles édifiés postérieurement à la mise en service du réseau public de collecte auquel ces immeubles doivent être raccordés peuvent être astreints par la commune, pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire, à verser une participation s'élevant au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose d'une telle installation. Une délibération du conseil municipal détermine les conditions de perception de cette participation. ". Aux termes de l'article L. 1331-9 du même code : " Les sommes dues par le propriétaire en vertu des articles L. 1331-2, L. 1331-3 et L. 1331-6 à L. 1331-8 sont recouvrées comme en matière de contributions directes. Les réclamations sont présentées et jugées comme en matière de contributions directes. ".
3. Les dispositions précitées de l'article L. 1331-9 du code de la santé publique ne peuvent, s'agissant de la participation pour le raccordement à l'égout qui n'est pas une créance de nature fiscale, rendre applicables à celle-ci les dispositions du livre des procédures fiscales qui exigent à peine d'irrecevabilité que l'introduction, par le contribuable, d'une instance relative à l'établissement de l'impôt soit précédée d'une réclamation adressée au service compétent. Par suite, en jugeant irrecevable la demande présentée par la société Hameau de Méoule au motif qu'elle n'avait pas été précédée de la réclamation préalable auprès du service compétent prévue par l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, s'agissant du titre exécutoire du 3 janvier 2012, et par l'article L. 281 du même livre, s'agissant de l'avis à tiers détenteur du 18 novembre 2014, le tribunal a entaché sa décision d'irrégularité.
4. Il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif et de statuer sur la demande de première instance par la voie de l'évocation.
Sur l'annulation de la participation pour le raccordement à l'égout alléguée par la société :
5. Par une décision du 9 juin 2008, le directeur départemental de l'équipement a fait savoir à la société Hameau de Méoule que sa demande d'exonération des taxes afférentes au permis de construire du 18 décembre 2006 était " en cours d'instruction " et que " au vu de l'historique du dossier (taxes déjà payées), les taxes portant sur les neuf chalets seront annulées ". Ce courrier qui émane d'une autorité de l'Etat n'a pu avoir pour objet ou pour effet, alors qu'au surplus il ne précise ni la nature des taxes en cause ni les montants annulés, d'effacer la dette de la société au titre de sa participation pour le raccordement à l'égout en litige, laquelle constitue une créance d'une collectivité locale. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du courrier du 9 juin 2008 pour soutenir qu'elle n'est plus redevable de la participation en litige.
Sur la contestation du titre exécutoire du 3 janvier 2012 :
6. En premier lieu, et comme il a été dit au point 3, la participation pour le raccordement à l'égout ne constitue pas une imposition. Par suite, la société, qui allègue ne pas avoir reçu notification du titre exécutoire, ne peut utilement invoquer à l'appui de ce moyen les dispositions des articles R. 256-6 et R. 256-7 du livre des procédures fiscales relatives à l'obligation de notifier l'avis de mise en recouvrement, lequel constitue un titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration, dès lors qu'elles ne sont applicables qu'aux procédures de recouvrement de l'impôt.
7. En deuxième lieu, est tout aussi inopérant le moyen tiré de la prescription de quatre ans de l'action en recouvrement de l'impôt prévue par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales dès lors que le titre exécutoire en litige ne porte pas sur une imposition.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) ". Aux termes de l'article 2224 du même code dans sa rédaction postérieure à la loi du 17 juin 2008 : " les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Aux termes de l'article 2222 du même code dans sa rédaction postérieure à la loi du 17 juin 2008 : " En cas de réduction de la durée du délai de prescription (...) ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. ".
9. Le délai de prescription de la dette de la société Hameau de Méoule envers la commune de Sanguinet a commencé à courir le 18 décembre 2006, date de délivrance du permis de construire, lequel constitue le fait générateur de la participation pour le raccordement à l'égout en vertu des articles L. 332-28 et L. 332-6-1 (2°, a) du code de l'urbanisme alors applicables. Le délai de prescription de trente ans n'était pas expiré à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription. C'est donc à compter de cette dernière date qu'a commencé à courir le délai de prescription de cinq ans prévu à l'article 2224 précité et celui-ci n'était pas expiré le 3 janvier 2012, date à laquelle le maire a émis le titre exécutoire concernant la participation pour le raccordement à l'égout en litige. Par suite, l'exception de prescription opposée par la société doit être écartée.
10. En quatrième lieu, eu égard à son objet, la participation pour le raccordement à l'égout prévue par l'article L. 1331-7 du code de la santé publique ne saurait, sans double emploi, être imposée au constructeur de l'immeuble lorsque celui-ci a déjà contribué au financement d'installations collectives d'évacuation ou d'épuration. En l'espèce, la société requérante ne produit toutefois aucun élément permettant d'estimer qu'elle aurait déjà contribué à un tel financement à l'occasion de la réalisation des travaux autorisés par le permis de construire du 18 décembre 2006. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.
Sur la contestation de l'avis à tiers détenteur du 18 novembre 2014 :
11. Il résulte de ses écritures que la société appelante conteste l'existence, le montant et l'exigibilité de la participation pour le raccordement à l'égout mise à sa charge. Ce faisant, elle a saisi le juge administratif d'une opposition à exécution dans le cadre de laquelle elle ne peut utilement contester la régularité en la forme de l'acte de poursuite litigieux. Par suite, ses moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'avis à tiers détenteur, de l'absence de motivation de cet acte et du non respect des obligations formelles résultant de l'instruction 11-008-MO du 21 mars 2011 doivent être écartés comme inopérants.
12. Le moyen tiré de ce que l'avis à tiers détenteur ne pouvait être délivré en raison de la prescription de la créance de la commune doit être écarté compte tenu de ce qui a été dit au point 8.
13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société dirigées contre le titre exécutoire et l'avis à tiers détenteur doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, sa demande de décharge de la participation pour le raccordement à l'égout en litige.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de première instance présentée par la société Hameau de Méoule doit être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les conclusions de la société appelante présentées au titre de l'article L. 761-1 doivent être rejetées dès lors qu'elle n'est pas la partie gagnante à l'instance. En revanche, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Sanguinet et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500143 du tribunal administratif de Pau du 9 mai 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de la société Hameau de Méoule et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : La société Hameau de Méoule versera à la commune de Sanguinet la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hameau de Méoule, à la commune de Sanguinet et à la direction départementale des finances publiques des Landes.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2019.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02128