Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 février 2016 et le 24 août 2017, la société civile immobilière Germinal et la société civile immobilière Sélénia, représentées par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 septembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande de première instance, que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la requête de première instance était assortie de moyens de droit contestant la légalité de la déclaration d'utilité publique ;
- il appartient au juge d'appel, saisi d'une ordonnance rejetant une requête non pas comme irrecevable mais comme non fondée, d'examiner non seulement les moyens tirés de l'irrégularité de ladite ordonnance mais également les moyens soulevés devant lui et tirés de l'illégalité de la décision attaquée devant les premiers juges.
Elles soutiennent, en ce qui concerne la légalité externe de la déclaration d'utilité publique, que :
- contrairement à ce que soutient le ministre, la légalité externe de la déclaration d'utilité publique a été contestée devant les premiers juges ; ainsi, elles sont recevables à soulever en appel d'autres moyens se rattachant à cette cause juridique ;
- faute pour elles de disposer du dossier soumis à la consultation publique prévue par l'article L. 323-3 du code de l'énergie, elles sont dans l'impossibilité de vérifier que les modalités d'information et de mise à disposition du dossier ont été respectées ; d'autant que la consultation a été organisée durant la période estivale ; le dossier d'enquête certes communiqué par le ministre en cours d'instance montre néanmoins qu'il n'est pas justifié de l'ouverture de la consultation dans les communes de Cours et Saint-Christophe-sur-Roc et qu'il n'est pas non plus justifié des résultats de la consultation, ni de sa clôture, dans la commune de Champdeniers, principale commune concernée par le projet ;
- le tracé figurant en annexe à la déclaration de travaux déposée le 27 octobre 2015 par la société RTE est distinct du tracé qui avait été annoncé en cours d'instruction ;
- il n'est pas établi que le dossier mis à la disposition du public était complet.
Elles soutiennent, en ce qui concerne la légalité interne de la déclaration d'utilité publique, que :
- si le coût des travaux a été évalué à 9,8 millions d'euros, il s'élève en réalité à 14,5 millions d'euros ; ainsi, le coût du projet a été mal évalué dans le cadre de la déclaration d'utilité publique ;
- ce coût est très important alors que l'ouvrage à réaliser n'est pas destiné à satisfaire les besoins réels en électricité des habitants du secteur, lesquels n'ont pas été suffisamment étudiés ;
- les travaux à réaliser sont de très grande ampleur et ont des conséquences sur les parcelles culturales, d'autant que le tracé choisi montre que les chemins communaux ont été privilégiés ;
- l'enterrement insuffisant des lignes présente un danger pour les personnes et pour les biens ; de même, la mise en sécurité des ouvrages à ciel ouvert n'est pas connue ; le risque n'est pas caractérisé uniquement par l'exposition aux ondes électromagnétiques mais également par l'érosion rapide des lieux d'enfouissement ; le principe de précaution justifie ainsi que l'annulation de la déclaration d'utilité publique soit prononcée ;
- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance attaquée, que :
- c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la requête sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dès lors que la requête de première instance n'était assortie que d'allégations dépourvues de précisions ; eu égard à leur formulation, les moyens soulevés n'avaient pas à faire l'objet d'une requalification en vue de leur conférer une portée utile.
Il soutient, à titre subsidiaire, au fond, que :
- les moyens de légalité externe soulevés en appel sont irrecevables dès lors qu'ils se rattachent à une cause juridique nouvelle par rapport à celle sur laquelle reposaient les moyens de première instance ; en tout état de cause, l'information du public, prévue par l'article L. 323-3 du code de l'énergie, a été suffisante et celui-ci n'a émis aucune observation au cours de la consultation ;
- le projet présente bien une utilité publique ; son coût n'est pas de 14,5 millions d'euros comme le soutiennent à tort les requérants ; le projet doit assurer l'alimentation électrique des habitants du secteur dont la consommation a été en augmentation ces dernières années ;
- le moyen tiré du détournement de pouvoir ne repose sur aucune réalité.
Par ordonnance du 25 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteur public.
Par décision du 1er mars 2018, le président de la cour a désigné Mme Florence Madelaigue pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 septembre 2015, le préfet des Deux-Sèvres a déclaré d'utilité publique la création, par la société Réseau Transport d'Electricité (RTE), d'une ligne électrique souterraine à 90 000 volts assurant, sur une distance de 19 kilomètres, la liaison " Niort-Champdeniers ". La société civile immobilière (SCI) Germinal et la société civile immobilière (SCI) Sélénia ont contesté cette décision devant le tribunal administratif de Poitiers. Elles relèvent appel de l'ordonnance rendue le 17 décembre 2015 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal a rejeté leur demande sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur la légalité de la déclaration d'utilité publique du 18 septembre 2015 :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes de l'article L. 323-3 du code de l'énergie : " Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative. (...) Si le projet de travaux n'est pas soumis à enquête publique (...) une consultation du public sur le dossier de déclaration d'utilité publique est organisée dans les mairies des communes traversées par l'ouvrage, pendant une durée qui ne peut être inférieure à quinze jours, afin d'évaluer les atteintes que le projet pourrait porter à la propriété privée. La consultation est annoncée par voie de publication dans au moins un journal de la presse locale et par affichage en mairie, l'information précisant les jours, heures et lieux de consultation. Un registre est mis à la disposition du public afin de recueillir ses observations. Le maître d'ouvrage adresse une synthèse appropriée de ces observations et de celles reçues, par ailleurs, au service instructeur avant la décision de déclaration d'utilité publique. S'il y a lieu à expropriation, il y est procédé conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. ".
3. En premier lieu, il ressort des mentions contenues dans le dossier de déclaration d'utilité publique qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 323-3 du code de l'énergie, un registre destiné à recueillir les observations du public a été mis à disposition de ce dernier, notamment dans les mairies des communes de Saint-Christophe-sur-Roc, de Cours et de Champdeniers-sur-Roc. La seule circonstance que les résultats de la consultation ou que les certificats d'ouverture et de clôture de ces registres n'aient pas été produits au dossier ne révèle pas, en l'absence d'autres éléments et de contestation sur ce point, que cette consultation n'aurait pas eu lieu effectivement dans les communes considérées.
4. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le dossier mis à disposition du public est incomplet n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
5. En troisième lieu, le tracé de la liaison électrique souterraine est indiqué avec précision dans le mémoire descriptif du projet mis à la disposition du public et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait différent de celui figurant sur le plan annexé à la déclaration préalable déposée le 27 octobre 2015 par la société RTE.
En ce qui concerne la légalité interne :
6. En premier lieu, une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
7. Il ressort des pièces du dossier que, dans le secteur concerné par le projet déclaré d'utilité publique, la consommation en électricité a été en progression constante depuis plusieurs années, cette tendance devant se maintenir jusqu'à atteindre, à court terme, les limites des capacités actuelles du réseau de distribution. En particulier, les prévisions de consommation effectuées en 2007 à l'horizon 2007-2013 se sont avérées inférieures à la réalité observée pour chacune des années de la période considérée. Cette situation rend nécessaire la création d'un nouveau poste source à proximité du poste de répartition existant non loin de la commune de Champdeniers et son raccordement au poste de Niort au moyen de la liaison électrique souterraine faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique en litige. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les activités agricoles du secteur seraient compromises par ce projet alors même que celui-ci doit traverser majoritairement des terres dédiées à celles-ci. Il n'est pas non plus établi au dossier que le coût du projet, évalué à 9,6 millions d'euros par la société RTE, aurait été sous-évalué, la seule production d'une coupure de presse faisant état, pour le projet litigieux, d'un coût de 14,4 millions d'euros étant à cet égard insuffisante. Enfin, la cour ne trouve au dossier aucun élément de nature à établir que les conditions d'enfouissement des lignes électriques, le maintien de certains ouvrages à ciel ouvert ou les modalités de réalisation des travaux porteraient atteinte à la sécurité publique ou révéleraient une méconnaissance du principe de précaution ainsi que l'allèguent, sans autres précisions, les sociétés requérantes. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet en litige ne présente pas un caractère d'utilité publique doit être écarté.
8. En dernier lieu, les requérantes soutiennent que la société RTE a fait évoluer le contenu de son projet pour ne pas avoir à réaliser une étude d'impact. A supposer qu'elles aient ainsi entendu soulever, à l'encontre de la déclaration d'utilité publique, un moyen tiré du détournement de procédure, celui-ci n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Il résulte enfin du point précédent que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté en litige est entaché de détournement de pouvoir.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, l'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance d'appel.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société civile immobilière Germinal et de la société civile immobilière Sélénia est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Germinal, à la SCI Sélénia et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX00698