Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2018, et un mémoire en production de pièces enregistré le 19 mars 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêter préfectoral du 1e septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une autorisation de séjour provisoire l'autorisant à travailler pour la durée du traitement de ses demandes et de procéder sans délai à son effacement du fichier d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet de la Gironde aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il atteste de sa présence dans la vie de son fils, qu'il contribue depuis deux ans à son entretien et à son éducation et qu'il a vécu avec la mère de son enfant français de septembre 2013 à avril 2014 ;
- en considérant qu'il constituait une menace à l'ordre public, le préfet de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation s'il est vrai qu'il a été incarcéré, les infractions qu'il a commises datent de plus de trois ans et au cours de son incarcération, il a obtenu le diplôme d'agent de propreté et d'hygiène le 24 novembre 2015, le certificat de formation générale le 14 décembre 2015 ainsi que le certificat d'aptitude à la conduite en sécurité ; ainsi, il ne représente plus une menace à l'ordre public au jour de la décision contestée ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette décision a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne constitue plus, au jour de la décision litigieuse une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que M. A...devra justifier du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle dans le délai d'appel faute de quoi sa requête d'appel sera irrecevable car tardive et que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er mars 2018, le président de la cour a désigné Mme Florence Madelaigue pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant marocain, né le 29 septembre 1989 à Kenitra (Maroc) est entré en France, selon ses déclarations en 2010 sous couvert de son titre de séjour délivré par les autorités espagnoles valables jusqu'au 10 octobre 2016. Il a sollicité le 3 août 2016, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 1er septembre 2017, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A...relève appel du jugement du 5 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
3. M. A...soutient contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils français Yéssine Bernard, né le 3 novembre 2008, et être présent dans sa vie, tout particulièrement depuis sa sortie de prison le 9 juillet 2016. Il établit par une attestation du directeur du centre de détention, que la mère française de son fils, dont il est désormais séparé, lui a rendu visite avec celui-ci au parloir les 24 octobre, 1er et 8 novembre et 13 décembre 2015, alors qu'il était incarcéré du 10 avril 2014 au 9 juillet 2016 suite à un jugement du 14 janvier 2015 du tribunal correctionnel de Libourne. Il verse également au dossier des attestations de la mère de son fils qui affirme amener son fils voir son père le week-end et pendant les vacances, M. A...demeurant.... Ces attestations indiquent également que M. A...s'occupe de son fils. Il se prévaut encore de l'envoi, les 4 novembre et 29 décembre 2015, de sommes d'argent de 157 euros à la mère de l'enfant et de deux factures des 16 avril et 13 septembre 2017, établies à son nom pour l'achat de chaussures d'enfant. Toutefois, il est constant qu'il n'a reconnu son fils que le 7 avril 2014, près de six ans après sa naissance. Ni les visites de l'enfant au parloir, à quatre reprises seulement, durant l'incarcération de M.A..., ni les seules attestations peu circonstanciées de la mère de l'enfant et non corroborées par d'autres témoignages ou éléments objectifs, ni les photographies de famille produites au dossier ne suffisent à établir la réalité des liens affectifs entre M. A...et son fils. La réalité de la vie commune de M. A...avec l'enfant et sa mère avant son incarcération, qui ne fait l'objet que d'une affirmation de la mère de l'enfant, ne peut être tenue pour établie. Les versements ou achats dont il fait état et dont l'un est d'ailleurs postérieur à l'arrêté contesté, qui ne présentent aucun caractère de régularité, ne suffisent pas à traduire une contribution effective de M. A... à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans, non plus que la requête présentée le 19 mars 2018 par M. A... au juge aux affaires familiales de Libourne aux fins d'attribution de l'autorité parentale et de fixation des droits de visite et d'hébergement de l'enfant au profit de son père.
4. L'appelant soutient qu'au jour de la décision litigieuse, il ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors que les infractions qu'il a commises datent depuis plus de trois ans et qu'au cours de son incarcération il a obtenu le diplôme d'agent de propreté et d'hygiène le 24 novembre 2015, le certificat de formation générale le 14 décembre 2015 ainsi que le certificat d'aptitude à la conduite en sécurité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, depuis son entrée en France, M. A...a été signalé à cinq reprise pour des faits de conduite d'un véhicule en état d'ivresse et refus de se soumettre aux vérifications, les 9 janvier, 4 octobre et 11 octobre 2013, pour transport non autorisé, détention, acquisition, cession et usage illicite de stupéfiants du 1er octobre 2013 au 8 avril 2014, ainsi que pour dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui le 10 mars 2013. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Libourne le 14 janvier 2015 à une peine de trois ans d'emprisonnement pour les faits mentionnés ci-dessus de transports, détention, acquisition, cession et usage illicite de stupéfiants. Dans ces conditions, compte tenu du caractère répété et de la gravité croissante des faits, et malgré ses efforts d'intégration lors de sa détention, le préfet de la Gironde a pu légalement estimer que la présence de M. A...en France constituait une menace pour l'ordre public.
5. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en refusant de délivrer à M. A...un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de la Gironde n'a ni méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.
6. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ".
7. Le préfet de la Gironde n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces stipulations. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A...ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet de la Gironde n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
9. En deuxième lieu, M. A...soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, et comme il a été dit au point 3 ci-dessus, le requérant ne produit pas d'éléments permettant d'estimer qu'il entretiendrait de réels liens affectifs avec son fils, de sorte qu'il ne peut être considéré qu'une séparation de l'enfant avec son père porterait une atteinte aux intérêts de cet enfant. M. A... est célibataire et ne justifie pas de réels liens personnels ou familiaux en France. Ainsi, ces moyens doivent être écartés.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. [...] La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
11. Si M. A...soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente plus une menace pour l'ordre public à la date de cette décision, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que ce n'est pas le cas. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus au point 3 et de la possibilité pour l'intéressé, s'il se conforme au délai de départ volontaire qui lui est imparti, de demander l'abrogation de plein droit de cette interdiction, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet de la Gironde n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions en injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Me C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
Le président-assesseur,
Pierre BentolilaLe président-rapporteur,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00577