Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juillet 2016, le 18 janvier 2017 et le 29 janvier 2018, la société Yvelines Services Automobiles Advance, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 mai 2016 ;
2°) le remboursement d'une somme de 293 500 euros au titre du " bonus écologique " et de la " prime à la casse ", assortie des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence de service et de paiement la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa requête d'appel, que :
- sa demande de première instance n'était pas un recours pour excès de pouvoir mais un recours de plein contentieux dès lors qu'elle tendait au reversement d'une somme d'argent ; ses conclusions en appel ne sont donc pas des conclusions nouvelles irrecevables ;
Elle soutient, au fond, que :
- la responsabilité contractuelle de l'agence de services et de paiement doit être engagée ;
- en mars 2008, elle a conclu avec le Cnasea une convention pour la gestion du bonus écologique ; l'article 2 de la convention lui imposait de s'assurer de l'éligibilité du dossier de demande d'attribution de l'aide, de sa constitution ; l'article 3 lui imposait de procéder à la saisie des caractéristiques des véhicules vendus, des informations relatives au bénéficiaire de l'aide et prévoyait que ses demandes de remboursement des avances consenties devraient être présentées dans un délai maximum de trois mois suivant la facturation ;
- le seul manquement à ses obligations contractuelles qu'il est possible de lui reprocher consiste en la transmission hors délai de ses demandes de remboursement ; cette situation s'explique par la précipitation dans laquelle le dispositif d'aide a été mis en place et du fait qu'elle ne dispose pas des moyens techniques et humains lui permettant de respecter les délais impartis ;
- l'étude de vingt dossiers montre que les motifs de refus que lui oppose l'agence sont erronés ;
- il convient d'appliquer la convention litigieuse pour connaître les conséquences du non-respect par la société de son obligation de transmettre dans les six mois les demandes d'aide ; il s'avère que la convention ne contient aucune stipulation sanctionnant cette obligation ; il ne peut être soutenu par ailleurs que ce manquement entre dans la catégorie des anomalies graves ; l'agence enfin ne peut établir qu'elle subit un préjudice lié à la transmission hors délai des demandes de remboursement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2016 et le 27 juillet 2017, l'Agence de services et de paiement, représentée par Me B...et MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- devant le tribunal administratif, la société a présenté des conclusions d'excès de pouvoir ; elle n'est dès lors pas recevable à présenter, pour la première fois en appel, des conclusions de plein contentieux ;
- subsidiairement, au fond, elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ; elle a constaté seulement que la société n'avait pas adressé ses demandes de remboursement des avances consenties dans le délai de six mois prévu par la convention signée en 2008 ; de plus, un certain nombre de dossiers présentés par la société était également incomplets ou illisibles et constituaient des anomalies graves ;
- la société n'a pas subi de dommages et ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre la prétendue faute de l'agence et le préjudice qu'elle invoque.
Par ordonnance du 29 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2018 à douze heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 ;
- le décret n° 2007-1873 du 26 décembre 2007 ;
- l'arrêté du 26 décembre 2007 relatif aux modalités de gestion de l'aide à l'acquisition des véhicules propres ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville , rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Yvelines Services Automobiles Advance, et de MeD..., représentant l'Agence de Services et de Paiement.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de son activité de concessionnaire automobile, la société Yvelines Services Automobiles Advance (YSAA) a conclu, le 10 mars 2008, avec le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, devenu l'Agence de Services et de Paiement, une convention pour la gestion du " bonus écologique ". L'objet de cette convention était de définir les modalités de mise en oeuvre du décret du 26 décembre 2007, instituant une aide à l'acquisition des véhicules propres, en permettant notamment au vendeur de faire bénéficier son client d'une avance de l'aide puis d'en demander le remboursement auprès de l'Agence.
2. Le 7 septembre 2011, la société YSAA a informé l'Agence de Services et de Paiement qu'elle n'avait pas présenté ses demandes de remboursement pour 460 dossiers dans le délai de six mois prévu par l'article 11 du décret 26 décembre 2007 et a manifesté son intention de reverser les sommes correspondantes, soit 293 500 euros. Après avoir remboursé la somme, la société en a demandé la restitution par une réclamation du 10 mai 2012 que l'Agence a rejetée le 19 novembre 2012 aux motifs, d'une part, que sa demande avait été présentée au-delà du délai de six mois prévu à l'article 11 du décret du 26 décembre 2007 et, d'autre part, que douze des dix-huit des dossiers transmis pour contrôle, comprenant une demande de " prime à la casse ", étaient incomplets.
3. La société YSAA a demandé au tribunal administratif de Limoges de réformer la décision rejetant sa demande de remboursement et de prononcer ce remboursement à hauteur de 293 500 euros. Elle relève appel du jugement rendu le 12 mai 2016 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Lorsque sont présentées dans la même instance des conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision et des conclusions relevant du plein contentieux tendant au versement d'une indemnité pour réparation du préjudice causé par l'illégalité fautive que le requérant estime constituée par cette même décision, cette circonstance n'a pas pour effet de donner à l'ensemble des conclusions le caractère d'une demande de plein contentieux.
5. La décision du 19 novembre 2012 par laquelle l'Agence de Services et de paiement a rejeté la demande de remboursement présentée par la société constitue une décision pécuniaire contre laquelle cette dernière a présenté, devant le tribunal, des conclusions tendant à sa réformation assorties de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à ladite agence de lui restituer la somme en litige. A l'appui de telles conclusions, la société YSAA avait uniquement soulevé des moyens tirés de l'illégalité du refus de remboursement en excipant de l'illégalité du décret du 26 décembre 2007 au regard, d'une part, de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, du principe d'égalité. Par suite, en jugeant qu'il était saisi par la société YSAA d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 19 novembre 2012 assortie de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'agence, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder au remboursement litigieux, le tribunal n'a pas méconnu son office.
Sur l'appel de la société YSAA :
6. En appel, la société YSAA présente exclusivement des conclusions indemnitaires à l'appui desquelles elle entend mettre en cause la responsabilité contractuelle de l'Agence de Services et de Paiement en se fondant sur la convention du 10 mars 2008. A cet égard, la société fait valoir que le non-respect du délai imparti pour présenter ses demandes de remboursement n'est assorti d'aucune sanction contractuelle, que les dossiers qu'elle a présentés pour contrôle n'étaient pas irréguliers et ne comportaient, en particulier, aucune anomalie grave au sens de l'article 5 de la convention.
6. Toutefois, ces conclusions indemnitaires n'ont pas le même objet que les conclusions d'excès de pouvoir présentées en première instance et présentent ainsi un caractère nouveau en appel. Elles sont, dès lors, irrecevables. Au surplus, les moyens invoqués en appel, qui se rattachent à l'application de la convention par l'Agence de Services et de Paiement, et donc à la responsabilité contractuelle de cette dernière, relèvent d'une cause juridique distincte de l'illégalité du décret du 26 novembre 2007 invoquée par la société YSAA dans le délai de recours contentieux de première instance.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société YSAA, qui ne conteste pas les motifs opposés par les premiers juges à sa contestation de première instance, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros demandée par l'Agence de Services et de Paiement au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 16BX02210 présentée par la société Yvelines Services Automobiles Advance est rejetée.
Article 2 : La société Yvelines Services Automobiles Advance versera à l'Agence de Services et de Paiement la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Yvelines Services Automobiles Advance et à l'Agence de Services et de Paiement.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02210