Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er décembre 2016 et le 23 mai 2017, M. et MmeC..., représentés par Me B...et MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 octobre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les impositions supplémentaires mises à la charge de la SELARL Pharmacie de Réalmont étant irrégulières en raison de l'irrégularité de la procédure suivie, par voie de conséquence, les impositions mises à leur charge doivent être abandonnées ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a écarté comme non probante sa comptabilité à défaut d'en apporter la preuve ; l'administration fiscale ne pouvait pas écarter sa comptabilité dès lors que les numéros de factures manquants, perçus par le service comme des irrégularités, résultent de l'utilisation du logiciel de facturation afin, tel qu'il le prévoit, de procéder à des opérations de purge visant à corriger des erreurs ou à apporter des corrections lors de l'enregistrement des ventes et des encaissements correspondants, et peuvent également résulter de bugs informatiques ; ces ruptures qui résultent de causes multiples ne peuvent être regardées comme résultant en l'espèce de l'utilisation frauduleuse du logiciel " Alliance Plus " ;
- la méthode de reconstitution de recettes retenue par l'administration fiscale est incohérente : en effet, le service ne peut s'appuyer sur la suppression de recettes qui est un fait non vérifié ; en outre il ne justifie pas de l'origine de la rupture de séquentialité des règlements laquelle ne résulte pas forcément d'une opération de règlement en espèces ; ainsi si la fonction " rendu de monnaie " est utilisée, plusieurs ruptures de chronologies se suivent ; le juge pénal de Colmar dans une affaire similaire a prononcé la relaxe des prévenus notamment du fait que le logiciel " Alliance Plus " n'a pas une fiabilité sans faille ; le service a admis que le fichier remis par les gérants de la pharmacie était incomplet et ne correspondait pas à la période contrôlée ;
- la désignation des bénéficiaires des revenus distribués au sens de l'article 109 du code général des impôts par la Selarl Pharmacie de Réalmont leur est inopposable dès lors que M. C... n'a jamais reconnu pour sa part avoir bénéficié de ces distributions ;
- la majoration d'un coefficient de 1,25 appliquée par le service vérificateur pour déterminer l'assiette des prélèvements sociaux est illégale en application d'une décision du Conseil Constitutionnel du 7 juillet 2017 référencée QPC n°2017- 643/650 ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui leur a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 mai 2017 et le 7 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut aux fins que la cour prononce un non lieu partiel et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- l'administration a prononcé un dégrèvement de la majoration de 1,25 appliquée aux prélèvements sociaux mis à la charge des requérants ; il n'y a plus lieu dans cette mesure d'y statuer ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 24 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée, au 8 juin 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire a porté à la connaissance de l'administration fiscale le rapport d'un expert auprès de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence selon lequel le logiciel de gestion et de comptabilité " Alliance Plus " édité par la société Alliadis comportait une fonction dite " permissive ", activée par la saisie d'un mot de passe fourni par l'éditeur, permettant de supprimer de l'historique de la caisse en cours un certain nombre d'opérations, notamment les encaissements d'espèces. Dans le cadre de ce droit de communication, l'administration a consulté une liste, également établie par l'autorité judiciaire, de pharmacies ayant demandé ce mot de passe à l'éditeur du logiciel, parmi lesquelles figurait la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie de Réalmont qui exploite une officine de pharmacie située à Réalmont (Tarn). Cette société a fait l'objet d'un contrôle inopiné suivi d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés sur la période du 1er février 2008 au 31 décembre 2010. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a rejeté comme non probante la comptabilité de la société et reconstitué une partie de son chiffre d'affaires à raison de recettes dissimulées.
2. Ces dernières après avoir été réintégrées au bénéfice de la société, ont été imposées à l'impôt sur le revenu pour l'exercice clos en 2008, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en tant que revenus distribués.
3. Par une proposition de rectification du 10 mai 2012, l'administration a notifié au foyer de M.C..., associé et cogérant de la société, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison d'un tiers des revenus regardés comme distribués par la Selarl Pharmacie de Réalmont. Ces rectifications ont été assorties de la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur l'étendue du litige :
4. Par décision du 6 juin 2018, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a prononcé le dégrèvement de la somme de 208 euros en droits et 106 euros en pénalités, correspondant à la majoration de coefficient de 1,25 appliquée aux prélèvements sociaux. Les conclusions de la requête de M. et MmeC..., sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur les rectifications à l'impôt sur le revenu :
5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition de la société :
6. Les moyens contestant la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont inopérants au regard des impositions personnelles mises à la charge de l'un de ses associés. Il suit de là que les moyens relatifs à l'irrégularité de vérification de comptabilité de la société Pharmacie de Réalmont sont sans incidence sur les impositions mises à la charge de M. et MmeC....
En ce qui concerne le bien-fondé des rehaussements à l'impôt sur le revenu :
S'agissant du rejet de la comptabilité :
7. Pour écarter comme dépourvue de caractère probant la comptabilité de la SELARL Pharmacie de Réalmont au titre de la période vérifiée, le vérificateur a constaté que la comptabilité de la société comportait 3 848 factures manquantes pour l'exercice clos en 2008, 8 010 en 2009 et 10 800 en 2010, ainsi que des incohérences dans les quantités vendues. L'administration établit en outre que la société a demandé et obtenu le 4 février 2008 soit 4 jours après la mise en place du logiciel " Alliance Plus ", le mot de passe lui permettant d'accéder aux fonctionnalités permissives du logiciel " Alliance Plus " auprès de son fournisseur de logiciel et fait état de la présence du fichier " a_futil.d " qui conserve les suppressions de règlements. La société requérante ne peut se prévaloir de ce que ledit fichier était vide dès lors que l'administration a constaté de nombreuses utilisations de la fonctionnalité " réajustement " qui permet de supprimer les donnés de ce fichier et qu'au demeurant, M.E..., cogérant, a reconnu, lors de la première intervention du service le 18 mars 2011, avoir en sa possession le mot de passe et avoir effacé le contenu du fichier trace. En l'espèce, la suppression des recettes est corroborée par les ruptures de numéros de séquence des factures. Les divers incidents susceptibles d'expliquer ponctuellement des ruptures de séquences et les erreurs de manipulations possibles lors de l'utilisation du logiciel " Alliance Plus " ou son éventuel caractère potentiellement faillible, non établis en l'espèce, ne sauraient suffire à justifier les très nombreux règlements en espèces manquants. Ainsi, et sans que les requérants ne puissent utilement se prévaloir d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar à propos d'un tiers, l'administration, qui a relevé dans la proposition de rectification du 12 décembre 2011 que la comptabilité de la société Pharmacie de Réalmont ne retraçait pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise, dès lors qu'une partie importante des recettes n'avait pas été comptabilisée, doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité. Dès lors, c'est à bon droit que le service a écarté la comptabilité de ladite société et a procédé à la reconstitution extracomptable de ses recettes.
S'agissant de la reconstitution des recettes de la société :
8. Pour procéder à la reconstitution des recettes de la pharmacie de Réalmont, l'administration a utilisé trois méthodes dont elle a fait la moyenne en ne retenant que les résultats concordants. De première part, elle a déterminé les recettes supprimées à partir des règlements de factures manquants. Le chiffrage a été établi à partir du montant moyen des factures réglées en espèces. La ventilation par taux de taxe sur la valeur ajoutée du rehaussement des recettes de la période allant du 1er février 2008 au 31 décembre 2010 a été faite en reprenant, pour chaque exercice les ventes toutes taxes comprises présentes en comptabilité payées en espèces hors ordonnance réparties selon le taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqué. De deuxième part, l'administration a utilisé une méthode fondée sur l'historique des ventes sans tiers payant réglées en espèce en procédant au rapprochement des quantités facturées avec les ventes contenues dans l'historique. Enfin, de troisième part, l'administration a utilisé les données contenues dans la comptabilité matière en ne retenant que les résultats identiques avec ceux obtenus par la méthode précédente. Ces trois méthodes de reconstitution associées ont été validées par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires par un avis du 27 avril 2012. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte de ce qui a été indiqué au point précédent que la suppression des recettes par la société Pharmacie de Réalmont est démontrée par l'administration. Si par ailleurs, les requérants soutiennent que les résultats obtenus par le service ne sont pas pertinents dès lors qu'ils ne tiennent pas compte du fait que la mise en oeuvre de la fonctionnalité " rendu de monnaie " engendre plusieurs ruptures de séquentialité, ces seules allégations qui ne sont corroborées par aucune démonstration chiffrée ne suffisent pas à infirmer les résultats de la reconstitution opérée par l'administration. Ainsi, compte tenu des éléments dont disposait le vérificateur pour reconstituer les recettes, et alors que les requérants ne proposent aucune autre méthode d'évaluation plus précise, la méthode de reconstitution des recettes mise en oeuvre par l'administration ne peut être regardée comme excessivement sommaire ou radicalement viciée.
9. Il résulte par ailleurs de l'instruction que sur demande de l'administration adressée en application de l'article 117 du code général des impôts, M. C...a été désigné par la société Pharmacie de Réalmont comme bénéficiaire à parts égales avec ses deux associés des sommes réputées distribuées. En l'absence de tout élément apporté par les requérants, à qui incombe la charge de la preuve dès lors qu'ils n'ont pas contesté la proposition de rectification dans le délai de trente jours, de nature à démontrer que M. C...n'aurait pas appréhendé les sommes en litige, l'administration a pu regarder ce dernier comme bénéficiaire des revenus ainsi distribués.
10. Par suite, M. et Mme C...ne sont pas fondés à demander la décharge de ces impositions.
Sur les majorations pour manquement délibéré :
11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de:/ a. 40 p.100 en cas de manquement délibéré (...) ".
12. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts, l'administration se fonde sur les informations mentionnées au point 1, obtenues dans le cadre du droit de communication indiquant que le logiciel " Alliance Plus " était doté d'une fonction dite permissive, activée à l'aide d'un mot de passe fourni par l'éditeur du logiciel, permettant de dissimuler des recettes, et que la société Pharmacie de Réalmont figure sur une liste, établie par l'autorité judiciaire, de pharmacies ayant demandé ce mot de passe à l'éditeur du logiciel. La vérification de comptabilité de la société a permis d'établir que les fichiers comptables de cette dernière comportaient de très nombreuses ruptures de séries dans les numéros de factures ne pouvant s'expliquer que par l'utilisation par les gérants de la pharmacie de Réalmont de la fonction dite " permissive " de son logiciel de gestion et de comptabilité, laquelle leur permettait de dissimuler des opérations imposables tout en donnant à sa comptabilité l'apparence de la sincérité. Surtout, l'un des trois gérants de la société a reconnu avoir eu en sa possession le mot de passe permettant d'accéder à la fonction permissive du logiciel, et l'avoir utilisé notamment pour vider le fichier " trace ". Dans ces conditions, en indiquant dans la proposition de rectification que M.C..., était détenteur à parts égales du capital social avec les deux autres cogérants, qu'il était bénéficiaire d'une rémunération identique à ces associés et qu'en raison de sa participation active à la gestion et à l'activité de l'officine de pharmacie, il ne pouvait ignorer la dissimulation de recettes à laquelle se livrait la société Pharmacie de Réalmont, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge des impositions et majorations litigieuses. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des impositions en litige à hauteur des montants de 208 euros en droits et 106 euros en pénalités.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...C...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud ouest.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03818