Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juin 2016, la société l'exploitation agricole de la Montagne Pelée, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 14 avril 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 mars 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée, que :
- le principe de participation du public à l'élaboration des décisions ayant des incidences sur l'environnement, mis en oeuvre par l'article L. 120-1 du code de l'environnement, n'a pas été respecté ; en effet, la consultation du public par voie électronique n'a pas été appliquée dans le cadre de l'enquête publique ;
- l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique n'identifie pas clairement le maître de l'ouvrage de l'opération, n'indique pas ses coordonnées et ne précise pas la personne auprès de laquelle les informations sur l'enquête publique peuvent être sollicitées ;
- le dossier d'enquête publique ne désigne pas l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de prélèvement et les références aux textes régissant l'enquête sont incomplètes et erronées ; aucune information n'est apportée pour justifier l'organisation d'une enquête unique et précisant les étapes de l'enquête et la manière dont le public doit être consulté ;
- la notice explicative n'énonce pas les avantages attendus du projet qui ont paru déterminants malgré ses inconvénients ; le dossier ne comporte pas de plan général des travaux ni de descriptifs indiquant les projets d'aménagement ;
- l'étude d'impact ne décrit pas le projet, les caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication ; elle n'indique pas non plus les noms et qualités précises et complètes de ses auteurs et de ceux des études ayant contribué à sa réalisation ; elle ne décrit pas l'ampleur des travaux projetés, leur impact sur l'environnement et les précautions à prendre pour la sécurité des lieux ; la question des incidences négatives du projet sur l'activité agricole n'est pas abordée ; le prix d'acquisition des parcelles situées dans le périmètre de protection immédiate a été sous-évalué, de même que le préjudice économique résultant pour la requérante de l'expropriation d'une partie de ses terres ; l'évaluation des prélèvements futurs d'eau sur le site est insuffisante ; le risque de pollution engendré par la présence de stations d'épuration, lesquelles sont possibles au regard du plan local d'urbanisme, dans le périmètre de protection rapprochée, n'est pas abordé ;
- le résumé non technique qui accompagne l'étude d'impact est insuffisant au regard des exigences du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ;
- les informations techniques contenues dans l'arrêté attaqué sont insuffisantes car les périmètres de protection sont établis autour de certains points qui ne sont pas précisés ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé car il ne comporte pas l'exposé des motifs pour lesquels le préfet ne suivait pas l'avis défavorable émis sur le projet par le ministre de l'agriculture ; cette motivation sur ce point découle de l'article L. 634-4 du code rural ;
Elle soutient, en ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée, que :
- la déclaration d'utilité publique ne tient pas compte des contraintes naturelles auxquelles est exposée la requérante dont les sols, naturellement fragiles, oblige cette dernière à augmenter sa productivité ; il n'a pas été tenu compte de la station de compostage dont s'est dotée la requérante alors qu'elle fonctionne de manière satisfaisante ; la requérante procède à une rotation des cultures-bananes dans le but de préserver l'environnement ; il appartenait aux premiers juges de prendre en compte l'atteinte du projet aux réalisations en cours indispensables à l'activité économique de la requérante ; il est pourtant établi que la création de périmètres de protection constitue une menace forte pour ses activités économiques ; la requérante subira un préjudice lié au manque à gagner lié à l'expropriation d'une partie de sa surface agricole ;
- la déclaration d'utilité publique est illégale dès lors qu'il existe des solutions alternatives ; il existe en amont des parcelles cultivées des terrains non cultivés où le captage aurait pu être mis en oeuvre ; la conclusion d'un bail avec la requérante aurait dû aussi être envisagée ;
- la déclaration d'utilité publique porte une atteinte aux intérêts agricoles protégés par l'article L. 111-1 du code rural car les périmètres de protection instaurés sont manifestement disproportionnés ; il n'a pas été tenu compte des nombreux avis négatifs rendus sur le projet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2017, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'article L. 120-1 du code de l'environnement invoqué par le requérant ne s'applique pas en l'espèce dès lors que la participation du public est organisée par les dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- si l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique ne mentionne pas les coordonnées géographiques du maître de l'ouvrage, cette omission répond à la volonté de respecter le plan Vigipirate ; en tout état de cause, les insuffisances éventuelles contenues dans l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique n'ont eu aucune incidence sur les résultats de l'enquête et n'ont pas privé les tiers d'une garantie ;
- l'étude d'impact n'a pas à comporter de description des caractéristiques des procédés de stockage, de production de fabrication ;
- le moyen tiré de l'insuffisance de la notice explicative est insuffisamment étayé ; il en est de même du moyen mettant en cause le contenu du résumé non technique ;
- l'absence dans le dossier d'enquête publique de plan général des travaux a été palliée par les autres documents y figurant ;
- le moyen tiré de l'insuffisante évaluation du coût d'acquisition des terrains et de l'évaluation du préjudice économique de la requérante, et celui tiré de la sous estimation des besoins futurs en eau doivent être écartés par adoption des motifs exposés aux points 12 et 14 du jugement du tribunal ; il en est de même du moyen relatif à la prétendu absence de mention des textes régissant l'enquête publique compte tenu de la réponse qu'en a donnée le tribunal au point 16 de sa décision ; la possibilité d'implanter dans le périmètre de protection des stations d'épuration ne remet pas en cause le contenu du dossier d'enquête publique ;
- les coordonnées géographiques des captages sont bien mentionnées dans l'arrêté attaqué ; si elles n'ont pas été reportées dans l'arrêté publié au recueil des actes administratifs, cette omission volontaire répond aux prescriptions du plan Vigipirate ;
- contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ;
- l'arrêté attaqué tient compte des activités économiques existantes puisque certaines activités économiques sont autorisées dans le périmètre de protection rapprochée ; en outre, l'instauration des périmètres n'a pas pour effet d'empêcher l'exploitation des cultures de canne existantes ; l'indemnisation du préjudice économique de la requérante a été correctement effectuée ;
- il n'existe pas de solutions alternatives qui auraient permis la mise en oeuvre du projet dans des conditions équivalentes ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-1 du code rural est inopérant ;
- les divers inconvénients du projet ne sont pas excessifs au regard de ses avantages attendus.
Par ordonnance du 29 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville , rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 mars 2014, pris au bénéfice du syndicat des communes de la Côte Nord Ouest (SCCNO), le préfet de la Martinique a déclaré d'utilité publique le prélèvement d'eau et les ouvrages du champ captant de Pécoul, l'institution autour de ce champ de périmètres de protection immédiate et rapprochée ainsi que l'acquisition des parcelles nécessaires à l'instauration du périmètre de protection immédiate. Par ce même arrêté, le préfet a également autorisé le SCCNO à traiter l'eau en provenance des forages et à la distribuer à la population. La société l'exploitation agricole de la Montagne Pelée a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 mars 2014. Elle relève appel du jugement rendu le 14 avril 2016 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 mars 2014 :
En ce qui concerne la légalité externe :
S'agissant de la participation du public à l'élaboration de la décision :
2. Les dispositions, dans leur rédaction applicables au litige, de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, invoquées par la requérante, définissent les conditions dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable à certaines décisions des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement, mais seulement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration.
3. L'arrêté du 24 mars 2014 en litige, eu égard à son objet rappelé au point 1, est régi par les dispositions particulières du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en particulier celles de l'article L. 11-1 qui prévoit l'organisation d'une enquête publique selon les modalités prévues au code de l'environnement pour les projets soumis à évaluation environnementale et selon les dispositions des articles R. 11-3 et suivants du code de l'expropriation pour les autres projets.
4. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 120-1 du code de l'environnement pour contester la régularité de l'arrêté du 24 mars 2014.
En ce qui concerne l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique :
5. Aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'environnement : " Lorsqu'en application de l'article L. 123-6 une enquête publique unique est réalisée, l'arrêté d'ouverture de l'enquête précise, s'il y a lieu, les coordonnées de chaque maître d'ouvrage responsable des différents éléments du projet, plan ou programme soumis à enquête (...) ". Aux termes de l'article R. 123-9 du même code : " L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté : (...) 11° L'identité de la ou des personnes responsables du projet, plan ou programme ou de l'autorité auprès de laquelle des informations peuvent être demandées (...) ".
6. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté préfectoral du 7 mai 2013, portant ouverture de l'enquête publique, désigne clairement le SCCNO comme le maître de l'ouvrage de l'opération litigieuse.
7. S'il est vrai que l'arrêté ne précise pas les coordonnées du SCCNO ni l'identité de la personne auprès de laquelle des informations peuvent être demandées, alors que ces mentions sont exigées par les articles R. 123-7 et R. 123-9 précités, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à elles seules, ces omissions auraient nui à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou auraient été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par conséquent, sur la décision de l'autorité administrative. Par suite, le caractère incomplet sur ce point de l'arrêté du 7 mai 2013 est dépourvu d'incidence sur la régularité de la décision en litige.
En ce qui concerne le contenu du dossier d'enquête publique :
8. Aux termes de l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " I. - L'expropriation d'immeubles (...) ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une enquête publique (...) II. - L'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique de travaux, d'aménagements, de constructions ou d'ouvrages constituant une opération mentionnée à l'article L. 123-2 du code de l'environnement est régie par le chapitre III du titre II du livre Ier du même code (...) ".
9. Aux termes de l'article L. 123-2 du code de l'environnement : " I. - Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une étude d'impact (...) ". Aux termes de l'article R. 123-8 du même code : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. Le dossier comprend au moins : (...) 3° La mention des textes qui régissent l'enquête publique en cause et l'indication de la façon dont cette enquête s'insère dans la procédure administrative relative au projet, plan ou programme considéré, ainsi que la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête et les autorités compétentes pour prendre la décision d'autorisation ou d'approbation (...) ". Aux termes de l'article R. 123-9 dudit code : " L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté : (...) 11° L'identité de la ou des personnes responsables du projet, plan ou programme ou de l'autorité auprès de laquelle des informations peuvent être demandées (...) ". Par ailleurs, l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative ; (...). II. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles (...) : 1° Une notice explicative (...) ".
10. En premier lieu, il ressort des pièces soumises à la cour que le dossier de demande comporte un exposé du cadre législatif et règlementaire dans lequel s'insère le projet contesté et permet ainsi de connaître la nature des décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête ainsi que les autorités compétentes pour édicter de telles décisions. Si le dossier ne mentionne explicitement pas les textes qui régissent l'enquête publique, et la façon dont elle s'insère dans la procédure administrative mise en oeuvre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à elle seule, cette lacune aurait nui à l'information du public ou aurait exercé une influence sur le sens de la décision prise.
11. En deuxième lieu, la notice explicative comporte un exposé suffisamment complet des objectifs poursuivis par le SCCNO en sollicitant la déclaration d'utilité publique pour la mise en oeuvre du projet en litige.
12. En troisième lieu, à l'appui de son moyen tiré de l'absence au dossier d'enquête de plan général des travaux prévu à l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la requérante ne se prévaut, devant la cour, d'aucun élément de droit ou de fait nouveau. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges au point 9 de leur jugement. Il en va de même pour le moyen tiré de la sous-estimation du coût d'acquisition des parcelles nécessaires au projet, du préjudice économique subi par la requérante du fait de l'expropriation et des besoins futurs en eau de la population, auxquels les premiers juges ont répondu pertinemment aux points 11, 12 et 14 de leur jugement.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
13. En application des dispositions combinées des articles L. 122-1 et R. 122-2 du code de l'environnement et du 14° du tableau annexé à l'article R. 122-2 de ce même code, le projet en litige, qui implique la réalisation de prélèvements permanents au moyen d'un forage dans un système aquifère, doit être accompagné d'une étude d'impact.
14. Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5 du code de l'environnement, aux termes duquel : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - L'étude d'impact présente : 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en oeuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés, ainsi qu'une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé (...) 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux (...) 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu (...) 10° Les noms et qualités précises et complètes du ou des auteurs de l'étude d'impact et des études qui ont contribué à sa réalisation (...) IV. - Afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l'étude, celle-ci est précédée d'un résumé non technique des informations visées aux II et III (...) ".
15. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
16. En premier lieu, l'étude d'impact comporte (p. 28 et s.) une description du projet et des aménagements qu'implique sa réalisation. Le nom de l'auteur de l'étude d'impact, de même que celui des études ayant contribué à sa réalisation, y sont également indiqués. Enfin, l'étude n'avait pas, eu égard à la nature du projet tel que rappelé au point 1, à comporter une description des caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication.
17. En deuxième lieu, les diverses incidences du projet sur l'environnement n'ont pas été insuffisamment décrites par l'étude d'impact (p. 48 et s.).
18. En troisième lieu, l'étude d'impact aborde de manière satisfaisante (p. 53, 83 et 115) l'impact du projet sur les activités agricoles existantes.
19. En quatrième lieu, il est constant qu'il n'existe pas de stations d'épuration dans le périmètre de protection rapproché autour du captage. Ainsi, l'étude d'impact n'avait pas à traiter la question de la pollution éventuelle des eaux par ces équipements, alors même que leur implantation dans la zone considérée serait par ailleurs possible réglementairement.
Quant au résumé non technique accompagnant l'étude d'impact :
20. En se bornant à soutenir que " les indications contenues dans le résumé non technique ne font pas apparaître tous les éléments exigés au titre des paragraphes II de l'article R. 122-5 ", sans préciser lesquelles de ces exigences auraient été méconnues, la requérante n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
S'agissant de la motivation de l'arrêté :
21. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté du 24 mars 2014 en litige précise, dans son article 1er, les coordonnées géographiques des points de forage. Par suite, et en tout état de cause, l'arrêté n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.
22. En second lieu, à l'appui de son moyen tiré de ce que l'arrêté du 24 mars 2014 n'est pas motivé conformément aux exigences de l'article L. 643-4 du code rural, la requérante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen soulevé par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges au point 23 de leur décision.
En ce qui concerne la légalité interne :
23. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
24. Il ressort des pièces du dossier que l'alimentation en eau potable de la population des communes membres du SCCNO est assurée à hauteur de 75 % de leurs besoins par la source de Morestin et que cet apport s'élève à 90 % pour les seules communes de Prêcheur, Carbet, Case-Pilote et Bellefontaine, lesquelles rassemblent environ 15 000 personnes. Il ressort également des pièces du dossier que les autres sources existantes, et notamment l'actuel forage situé à Pécoul, sont insuffisantes pour compenser une défaillance éventuelle de la source de Morestin pouvant résulter de l'instabilité du sol où est enterrée sa canalisation d'amenée. Ainsi, en déclarant d'utilité publique la création de trois forages sur le site de Pécoul, l'arrêté du 24 mars 2014 vise à remédier à la situation de quasi-dépendance vis-à vis de la source de Morestin dans laquelle se trouve la population des communes membres du SCCNO et poursuit, par là-même, un intérêt public.
25. Si la requérante allègue qu'en amont de ses parcelles cultivées se trouvent des terrains pouvant accueillir le captage ou que celui-ci pourrait être réalisé sur le site de Morestin, à l'extérieur des plantations de cannes à sucre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération en litige aurait pu être réalisée dans de tels lieux selon des conditions équivalentes à celles que permet la déclaration d'utilité publique contestée. Au contraire, le choix du site de Pécoul se justifie par son potentiel hydrogéologique de qualité, connu de l'administration, et par sa situation à proximité d'installations de distribution d'eau, ce qui permet une réduction du coût de l'opération en termes de prospection de la ressource en eau et de travaux de connexion des installations aux réseaux existants. Par ailleurs, si la requérante soutient que sa propriété aurait dû faire l'objet d'un bail au lieu d'être expropriée, les dispositions de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique imposaient au SCCNO, comme l'a exactement rappelé le tribunal au point 26 de sa décision, d'acquérir en pleine propriété la parcelle en cause dès lors qu'elle était située dans le périmètre de protection immédiate de la source. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les périmètres de protection institués couvriraient un périmètre excessivement étendu.
26. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'utilité publique implique, pour l'institution d'un périmètre de protection immédiate autour de la source, l'expropriation de la parcelle cadastrée section D n° 162, d'une superficie de 6 950 m2, appartenant à la requérante. L'atteinte à la propriété privée est ainsi limitée dès lors que la parcelle expropriée ne représente que 0,1 % de l'exploitation gérée par la société. Par ailleurs, si l'article 9 de l'arrêté du 24 mars 2014 interdit un certain nombre d'activités sur les parcelles incluses dans le périmètre de protection rapproché, ces interdictions concernent pour l'essentiel l'élevage des animaux et ne touchent pas directement les parcelles de la requérante, exclusivement dédiées à la culture de la canne. En particulier, l'article 9 de l'arrêté du 24 mars 2014 autorise la société Dillon, exploitante d'une distillerie de rhum et cliente exclusive de la requérante, à continuer de procéder à l'épandage du mélange de bagasse, de résidus de combustion de canne à sucre et de boues au sein du périmètre de protection rapproché. Dans ces conditions, les inconvénients que comporte le projet, en termes notamment d'atteinte à la propriété privée et de préjudice d'exploitation pour la requérante, ne sont pas excessifs au regard de ses avantages.
28. Il résulte de tout ce qui précède que la société l'exploitation agricole de la Montagne Pelée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 16BX01904 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société l'exploitation agricole de la Montagne Pelée, au syndicat des communes de la côte Nord-Ouest, au conseil interprofessionnel du rhum traditionnel des DOM, au syndicat de défense de l'appellation d'origine rhum agricole Martinique, à la communauté d'agglomération du pays Nord Martinique, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 16BX01904