Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 juin 2019 et le 23 avril 2020, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2017 par lequel le maire de Rouillac a prononcé sa révocation ;
3°) d'enjoindre audit maire de procéder à sa réintégration immédiate ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Rouillac la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas commis la falsification de documents qui lui est reprochée ;
- contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges devant lesquels il pouvait s'en prévaloir, la commune de Rouillac a tiré profit de la situation en l'employant pendant plus de 13 ans en qualité de " secrétaire général " sans jamais le rémunérer comme tel ;
- contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, les faits qui lui sont reprochés n'ont pas causé de préjudice à la commune de Rouillac ;
- les maires successifs ont toujours validé le décompte des heures qu'il a effectuées, le dernier d'entre eux l'ayant poursuivi disciplinairement pour mettre fin à cette pratique, ce dont il était en droit de se prévaloir devant le tribunal administratif.
Par des mémoires en défense enregistrés le 26 décembre 2019 et le 4 juin 2020, la commune de Rouillac, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. F... de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. F... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant M. F... et de Me E..., représentant la commune de Rouillac.
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir exercé les fonctions de comptable territorial, M. F..., adjoint administratif principal de 2ème classe, a occupé celles de secrétaire général de la commune de Rouillac (Charente). Par un arrêté en date du 2 août 2017, le maire de cette commune a prononcé sa révocation à compter du 11 septembre 2017. M. F... relève appel du jugement du 17 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à sa réintégration.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". L'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale précise que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation (...) ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. D'autre part, l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique. Tel n'est pas le cas des décisions de classement sans suite prises par le ministère public, qui ne s'opposent pas, d'ailleurs, à la reprise des poursuites.
5. Pour prononcer la révocation de M. F..., le maire de la commune de Rouillac s'est fondé sur le fait que l'intéressé avait réalisé un faux document intitulé " décision du maire ", daté du 10 mai 2004, lui octroyant tous les mois le bénéfice de 25 heures supplémentaires, que celles-ci aient été effectuées ou pas. M. F... soutient en appel que la matérialité du fait qui lui est reproché n'est pas établie.
6. Il est constant qu'au mois de février 2017, après avoir demandé à M. F... des explications sur le volume des heures supplémentaires portées sur son compte, le maire en exercice de la commune de Rouillac a pris connaissance de l'existence d'une " décision " n° 09/04 intitulée " Révision du salaire d'un agent titulaire ", signée du maire précédent (M. D...) et visée le 12 mai 2004 par le service du contrôle de légalité de la préfecture de la Charente, octroyant à cet agent, à compter du 1er juin 2004, " un total de 25 heures supplémentaires par mois, qu'elles soient effectuées ou non ". Il ressort des pièces du dossier que cette décision porte le numéro d'une autre décision intitulée " Maison des associations, missions OPC et SPS, mission diagnostic et contrôle technique " et visée le même jour par le service du contrôle de légalité, et comporte deux dates dont l'une est postérieure à celle du tampon " Arrivée en préfecture ". Alors que la " décision " intitulée " Révision du salaire d'un agent titulaire " ne figure pas sur le relevé des décisions du maire établi pour 2004 à l'attention du conseil municipal, il ressort d'un courriel rédigé par ledit maire alors en exercice (M. D...) qu'il n'a jamais signé un tel document lequel constitue donc un faux. Si M. F... soutient que la commune de Rouillac a tiré profit de la situation en l'employant pendant plus de 13 ans en qualité de " secrétaire général " sans jamais le rémunérer comme tel et que l'octroi de 25 heures supplémentaires par mois ne lui a même pas permis d'être rémunéré à hauteur du travail réellement effectué, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est le seul à avoir bénéficié de cette " décision " qui a causé à la commune un préjudice financier. De sorte qu'il ne peut qu'être l'auteur des faits de falsification de document. Si M. F... fait également valoir que le procureur de la République d'Angoulême a classé sans suite la plainte déposée en 2017 par le maire de la commune pour faux dans un document administratif par un chargé de mission de service public et escroquerie par personne chargée d'une mission de service public, cette circonstance n'est pas à elle seule, eu égard à ce qui précède, suffisante pour faire admettre l'authenticité de la pièce litigieuse ou pour considérer que M. F... n'en serait pas l'auteur. Dans ces conditions, la matérialité du fait reproché à M. F... doit être tenue pour établie.
7. En second lieu, si M. F... soutient que les maires successifs de la commune de Rouillac ont toujours validé le décompte de ses heures de travail et que le dernier d'entre eux ne lui a infligé une sanction disciplinaire que pour éviter d'éventuelles répercussions sur sa carrière politique, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2017 du maire de Rouillac prononçant sa révocation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rouillac, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. F... au titre de ses frais d'instance. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... le versement à la commune de Rouillac d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : M. F... versera à la commune de Rouillac la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et à la commune de Rouillac.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme B... A..., présidente-assesseure,
Mme I..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er mars 2021.
Le rapporteur,
Karine A...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au préfet de la Charente, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02653