Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 mars 2020, Mme A..., représentée par Me F... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer à un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et, à défaut d'enjoindre à ladite Préfète de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 80 euros par jour de retard avec délivrance d'un récépissé autorisant le séjour et le travail ;
4°) de condamner l'État à verser à son conseil une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisamment sérieux de sa situation ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- la décision est entachée de vices de procédure en ce que le préfet a, d'une part, méconnu les droits de la défense et son droit d'être entendue, attendu huit mois avant de prendre sa décision et ne lui a pas communiqué l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), et d'autre part, ne justifie pas que le rapport du médecin instructeur a été remis au collège des médecins de l'OFII ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que le préfet n'apporte pas la preuve de l'existence de son traitement en Albanie ; le préfet a également commis une erreur d'appréciation quant à sa situation médicale ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte caractérisée et disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale ;
- la décision méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire, enregistré le 10 juin 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Par décision du 20 février 2020, Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de 1'Office français de 1'immigration et de 1'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 21 juillet 1992 à Pogradec, est entrée en France en 2015 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 26 novembre 2015. Par un arrêté du 29 janvier 2016, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Un titre de séjour valable du 1er février 2017 au 31 janvier 2018 lui a néanmoins été délivré sur le fondement du 11° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle en a sollicité le renouvellement le 5 décembre 2017.
Mme A... relève appel du jugement du 20 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du
25 avril 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211- 2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".
3. La décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les articles pertinents du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels elle se fonde. En outre, l'arrêté contesté relate les conditions d'entrée et de séjour de Mme A... en France et précise aussi les circonstances de fait propres à sa situation, notamment les conditions de son séjour, les principaux aspects de sa vie privée et familiale, la date de sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'avis du
5 septembre 2018 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) la concernant et mentionne qu'elle ne remplit pas les conditions pour la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. L'arrêté en litige précise enfin que Mme A... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde, qui n'était pas tenue de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation personnelle de l'appelante, a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
4. Par ailleurs, les motifs qui fondent l'arrêté en litige révèlent que la préfète de la Gironde a procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de Mme A....
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce
code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre
(...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles
R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". L'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de 1'Office français de 1'immigration et de 1'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'avis du collège de médecins de
l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de 1'affection en cause. L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. Afin de contribuer à 1'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à 1'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office. ". Enfin, selon 1'annexe II de cet arrêté : " C. - Points particuliers concernant les pathologies les plus fréquemment concernées : a) Les troubles psychiques et les pathologies psychiatriques. Les informations suivantes doivent en principe être recueillies : description du tableau clinique, critères diagnostiques, en référence à des classifications reconnues (classification internationale des maladies : CIMJO, ou manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux : DSM 5). Il est également important que soient précisés, lorsque ces éléments sont disponibles, la gravité des troubles, son suivi et les modalités de prise en charge mises en place. L'importance dans ce domaine de la continuité du lien thérapeutique (lien patient-médecin) et du besoin d'un environnement/entourage psycho social familial stable (eu égard notamment à la vulnérabilité particulière du patient) doit être soulignée. Le problème des états de stress post-traumatique (ESPT) est fréquemment soulevé, notamment pour des personnes relatant des violences, tortures, persécutions, traitements inhumains ou dégradants subis dans le pays d'origine. La réactivation d'un ESPT, notamment par le retour dans le pays d'origine, doit être évaluée au cas par cas (...) ".
6. Il ressort, d'abord, des pièces du dossier qu'un délai de plus de sept mois s'est écoulé entre l'avis rendu le 5 septembre 2018 par le collège de médecins de l'OFII sur la situation de l'appelante et l'arrêté en litige à la date duquel doit être apprécié l'état de santé de l'étranger auteur d'une demande de titre de séjour pour raison de santé. Toutefois, et ainsi que l'ont jugé les premiers juges, il incombait à Mme A... de porter à la connaissance de l'autorité préfectorale tout élément complémentaire relatif à son état de santé. En outre, le dernier traitement dont bénéficie l'appelante, tel qu'il ressort du certificat médical rédigé par le docteur Maury postérieurement non seulement à l'avis du collège de médecins de l'OFII mais aussi à la décision en litige, est disponible dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la préfète a pu légalement estimer, quand bien même l'avis du collège de médecins de l'OFII a été rendu plus de sept mois auparavant, que la requérante ne remplissait pas la condition prévue par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.
6. Ensuite, si l'intéressée soutient que la décision de la préfète serait illégale faute pour l'administration de lui avoir communiqué l'avis du collège de médecins de l'OFII auquel elle se réfère, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité préfectorale de joindre cet avis à une décision de refus de titre de séjour sollicité en qualité d'étranger malade. Au demeurant, l'administration a produit en cours d'instance devant les premiers juges une copie de cet avis que l'appelante a été mise en mesure de critiquer dans le cadre de l'instruction. Mme A... n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait irrégulier en raison du défaut de communication l'avis médical de l'OFII.
7. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'avis médical de l'OFII du 5 septembre 2018 relatif à l'état de santé de Mme A... a été rendu par un collège de trois médecins, après rapport établi le 21 mars 2018 par un autre médecin, le docteur Florence Coulonges. Mme A... n'est en conséquence pas fondée à soutenir qu'aucun rapport n'aurait été établi ni transmis au collège de médecins.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ". Si la préfète de la Gironde s'est appropriée les termes de l'avis du collège des médecins de l'OFII, il ressort de la motivation de l'arrêté qu'elle s'est par ailleurs fondée sur d'autres éléments du dossier de Mme A... et qu'elle a effectué un examen de sa situation pour retenir que l'intéressée ne remplissait pas les conditions d'octroi du titre de séjour sollicité. Dès lors, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde se serait cru liée par l'avis du collège des médecins de l'OFII doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
10. L'avis du collège de médecins de l'OFII du 5 septembre 2018, sollicité par la préfète de la Gironde en vue d'apprécier la situation médicale de Mme A..., indique que l'état de santé de cette dernière nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut accéder effectivement à un traitement approprié en Albanie.
11. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est atteinte de troubles psychiatriques. Si l'intéressée soutient qu'elle ne pourra bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée en Albanie, contrairement à ce qu'a énoncé le collège de médecins de l'OFII, les certificats médicaux qu'elle produit ne permettent pas d'estimer que le traitement qui lui a été prescrit n'est pas disponible en Albanie. En outre, et ainsi que mentionné au point 5, le dernier traitement dont bénéficie l'appelante est disponible dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, la préfète de la Gironde n'a ni méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation à laquelle elle s'est livrée de la situation personnelle Mme A....
13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
14. Mme A... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2015 en compagnie de son époux et de son jeune enfant, et produit un nombre significatif d'attestations faisant état de sa volonté d'intégration, de sa participation à une formation en vue de maitriser la langue française et de son investissement dans son travail. Toutefois, dès lors que son époux et l'ensemble de son entourage, parents et membres de sa fratrie, tous de nationalité albanaise, se trouvent en situation irrégulière en France, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. En outre, Mme A..., qui ne fait état d'aucune attache particulière en France, n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu avec son époux jusqu'à son entrée en France à l'âge de 23 ans. La durée de quatre ans de son séjour à la date de la décision attaquée et ses efforts d'intégration ne suffisent pas à faire regarder l'arrêté attaqué comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations citées au point 13.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Alors que rien ne fait obstacle à ce que l'appelante ainsi que son époux, également en situation irrégulière, poursuivent leur vie familiale en Albanie et que leur jeune enfant y soit scolarisé, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par l'appelante, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État au titre des frais exposés par l'appelante et non compris dans les dépens dès lors qu'il n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... épouse A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er mars 2021.
Le rapporteur,
Karine B...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy VirinLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 20BX01033