Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 février 2020, M. G... E..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2019 du préfet de la Gironde portant transfert aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " et un formulaire de demande d'asile à transmettre à l'Office français des réfugiés et apatrides et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme D... F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1 M. G... E..., ressortissant nigérian né le 27 mai 1987, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 7 avril 2019. Il s'est présenté le 23 avril 2019 à la préfecture de la Gironde pour y déposer une demande d'asile. Il a résulté de la consultation du fichier Eurodac que l'intéressé avait présenté une demande d'asile en Italie le 9 juin 2017. Les autorités italiennes ont alors été saisies d'une demande de reprise en charge, laquelle a été acceptée par un accord explicite du 17 mai 2019. Par un arrêté du 15 octobre 2019, le préfet de la Gironde a prononcé la remise de l'intéressé aux autorités italiennes. M. E... relève appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté de transfert du 15 octobre 2019 :
2. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
3. M. E... se borne à alléguer que sa demande d'asile, présentée en Italie en juin 2017, est toujours en cours d'examen ce qui révèlerait un délai anormal d'instruction par les autorités italiennes. Une telle circonstance ne saurait toutefois être regardée comme de nature à exposer l'intéressé à des traitements inhumains ou dégradants en Italie. Dès lors, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des dispositions précitées de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013.
4. En deuxième lieu, M. E... fait valoir que, depuis son arrivée sur le territoire national, il vit en couple à Pau avec une ressortissante nigériane, dont la demande d'asile est en cours d'examen, et qu'il a de nombreux amis en France, plus particulièrement à Nice. Ces circonstances, compte tenu de son arrivée très récente en France à la date de la décision contestée, ne permettent cependant pas d'établir que l'arrêté en litige aurait porté à son droit de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme D... F..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 novembre 2020.
Le rapporteur,
Sylvie F...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
No 20BX01166