Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 avril 2020, M. A... F..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2019 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 3 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical le concernant n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a émis un avis sur son état de santé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation particulière ; la décision de refus de titre de séjour méconnaît par ailleurs les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2020 le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Par ordonnance du 20 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 août 2020 à 12:00.
M. A... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme E... G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... F..., ressortissant macédonien né le 9 juin 1998, est entré en France le 12 avril 2015 accompagné de ses parents, de son frère et de sa soeur pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée le 29 juillet 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis le 22 février 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 2 novembre 2015, le préfet de la Haute-Vienne a pris à son encontre un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi dont la légalité a été confirmée par un jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Limoges et par une ordonnance du 9 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Bordeaux. M. A... F... s'est toutefois maintenu sur le territoire national et a sollicité, le 16 mai 2017, un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 19 octobre 2017, le préfet a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 15 décembre 2017 du tribunal administratif de Limoges. Par un arrêté du 3 mai 2019, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... F... relève appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 3 mai 2019 :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté portant refus de titre de séjour vise les textes sur lesquels il se fonde, mentionne l'avis émis le 22 octobre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, précise qu'aucune pièce du dossier ne vient sérieusement le contredire et présente les éléments essentiels de la situation personnelle et familiale de l'intéressée, indiquant qu'il est arrivé en France à l'âge de 20 ans, qu'il est célibataire et sans enfant, que ses parents, ainsi que sa soeur, font l'objet de décisions de refus de titre de séjour et d'obligations de quitter le territoire français et que son plus jeune frère, qui séjourne régulièrement en France en tant qu'étudiant, n'a pas vocation à y demeurer de manière durable. La décision de refus de séjour est ainsi suffisamment motivée et il ne ressort ni de cette motivation, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne n'aurait pas procédé à un examen sérieux et attentif de la situation personnelle et familiale de M. A... F... avant d'édicter la décision contestée.
3. En deuxième lieu, selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction de la demande des certificats de résidence : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
4. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur une demande de titre de séjour pour raison de santé au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Un rapport médical, établi par un médecin instructeur et décrivant l'état de santé du demandeur, doit être transmis au collège de médecins avant que celui-ci rende son avis. Les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que le médecin instructeur ayant établi le rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet.
6. Il ressort des pièces produites en appel par le préfet que le médecin qui a établi le rapport médical prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile requis dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour de M. A... F... n'a pas siégé au sein du collège de médecins réuni le 22 octobre 2018 pour émettre un avis sur le droit au séjour de l'intéressée. Ces éléments sont suffisants pour établir que la procédure suivie est régulière.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ".
8. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.
9. Par son avis du 22 octobre 2018, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. A... F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvant voyager sans risque vers son pays d'origine.
10. M. A... F... se prévaut d'un certificat médical établi par le 16 décembre 205 par le Dr Pagnon, médecin psychiatre, qui " certifie avoir vu ce jour en consultation M. A... F... (...) qui nécessite un suivi psychiatrique régulier ainsi qu'un traitement médicamenteux neuroleptique et antidépresseur ". Ce seul certificat ne permet toutefois pas d'établir que le défaut de prise en charge de la pathologie psychiatrique dont souffre l'intéressé pourrait entraîner, pour ce dernier, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, M. A... F... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions du 11 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.-Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
12. M. A... F... fait valoir qu'il vit en France depuis quatre ans avec ses parents sa soeur aînée et son frère cadet, et qu'il est atteint de troubles psychiatriques pour lesquels il est suivi en France, que son père a travaillé comme boucher depuis son arrivée sur le territoire français, qu'il a suivi des cours de français et parle le français, que sa mère est bénévole auprès de l'" Association des 3 A " depuis le 29 janvier 2017, très investie dans le milieu associatif, bien intégrée en France et suit des cours de français, que sa soeur, âgée de 21 ans, est inscrite en première année de licence d'anglais après avoir passé un baccalauréat professionnel en 2019, que son frère cadet, âgé de 18 ans, est titulaire d'une carte de séjour mention " étudiant " et mène un parcours professionnel dans le milieu du basket, tout en étant inscrit en baccalauréat professionnel. L'ensemble de ces circonstances, si elles attestent de la volonté du requérant et de sa famille de s'intégrer en France, ne permettent toutefois pas d'établir que l'arrêté en litige serait de nature à porter au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs poursuivis. En effet, outre que M. A... F... n'est arrivée en France qu'à l'âge de 20 ans, après avoir vécu toute la première partie de sa vie en Macédoine, où il a nécessairement conservé des liens privés et familiaux et où vivent à tout le moins ses grands-parents paternels, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait bénéficier, en Macédoine, du suivi et du traitement nécessité par son état de santé, ou qu'il ne pourrait y suivre une formation ou y exercer un emploi. Par ailleurs, ses parents et sa soeur font également l'objet de décisions de refus de titre de séjour et d'obligations de quitter le territoire français en date du 3 mai 2019, et rien ne permet d'établir qu'ils ne pourraient tous les quatre poursuivre leur vie en Macédoine, où le frère cadet du requérant pourra les rejoindre après qu'il aura achevé ses études. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
13. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs exposés au point 12 ci-dessus.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 3 mai 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme E... G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.
Le rapporteur,
Sylvie G...
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.
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No 20BX01283