Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 mai 2020, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le préfet du Lot a refusé de renouveler le titre de séjour dont elle bénéficiait, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens du procès.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle remplit l'ensemble des conditions : elle réside habituellement en France, son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle et familiale.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant de la décision portant fixation du pays de destination :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 juillet 2020, le préfet du Lot conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme E... n'est fondé.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 avril 2020.
Par une ordonnance du 27 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 24 août 2020 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... E..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 29 mars 1972, déclare être entrée le 6 mars 2016 en France où elle a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 14 décembre 2016 puis définitivement par la Cour nationale du droit d'asile le 15 novembre 2019. A la suite d'une demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade présentée le 6 novembre 2017, elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 5 janvier 2018 au 4 janvier 2019. Le 17 octobre 2018, Mme E... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 8 février 2019, le préfet du Lot a refusé de renouveler le titre de séjour de l'intéressée, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme E... relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif au traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme E..., le préfet s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 29 janvier 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui indique que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
5. S'il ressort des pièces médicales produites devant les premiers juges que Mme E... souffre d'apnées du sommeil sévères nécessitant un appareillage nocturne constant depuis le mois de juin 2016 ainsi que d'un syndrome de stress post-traumatique, notamment révélé par des troubles dissociatifs et une dépression, pour lequel elle est suivie par un médecin psychiatre depuis le mois de décembre 2015, ni ces pièces ni aucun autre élément versé au dossier ne sont de nature à remettre en cause le sens de l'avis de l'OFII indiqué au point précédent. C'est dès lors par une exacte application des dispositions citées au point 2 que le préfet du Lot a refusé de renouveler le titre de séjour de l'appelante. Le motif tenant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de soins justifiant à lui seul le refus litigieux, Mme E... ne peut utilement faire valoir qu'elle n'aurait pas effectivement accès à un traitement dans son pays d'origine.
6. En second lieu, si Mme E... soutient que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation en ce que, premièrement, elle encourt des risques de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne peut utilement invoquer l'existence de tels risques dès lors que la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de renvoi. Deuxièmement, Mme E... fait valoir qu'elle réside depuis trois ans en France où vivent également son fils et son époux, qu'elle démontre une véritable volonté d'intégration et que son état de santé justifie son maintien sur le territoire français. Toutefois, Mme E... ne verse au dossier aucune pièce de nature à corroborer ses dires sur une quelconque intégration dans la société française. Si elle se prévaut de la présence sur le territoire français de son fils et de son époux, il ressort de ses propres déclarations que ce dernier, également de nationalité congolaise, fait l'objet d'une mesure d'éloignement identique à la sienne, leur fils mineur ayant vocation à les suivre. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la requérante ne démontre pas que son état de santé serait d'une gravité telle qu'il ferait obstacle à son éloignement. Dans ces conditions, le préfet du Lot a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de l'intéressée, refuser de renouveler son titre de séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, si Mme E... se prévaut de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour, il résulte de ce qui précède qu'elle n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination:
9. En premier lieu, si Mme E... se prévaut de ce que la décision portant fixation du pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il résulte de ce qui précède qu'elle n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision.
10. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme E... soutient qu'elle encourt des risques de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine, la République démocratique du Congo. Toutefois, si elle a produit devant les premiers juges un certificat médical attestant qu'elle a subi des violences sexuelles, ce document est insuffisant à établir la réalité et le caractère actuel des persécutions alléguées. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Lot du 8 février 2019. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et tendant au paiement des entiers dépens du procès lequel n'en comporte au demeurant aucun.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Lot.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.
Le rapporteur,
Karine B...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01562