Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2018, M. F..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700791 du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2017 du préfet de la Guyane;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane, à titre principal, de lui délivrer sous huit jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois et, dans l'attente d'une nouvelle décision, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour sous huit jours, assorti d'une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en tant qu'il a retenu à tort un non-lieu à statuer sur sa demande dès lors que le titre de séjour délivré ne correspond pas à celui demandé ;
- en l'absence de délégation de signature, l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;
- en indiquant qu'il ne bénéficie pas des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que sa situation relève du 2° de cet article, le préfet de la Guyane a commis une erreur de fait révélant un défaut d'examen particulier de sa demande ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à sa présence en France chez son oncle et sa tante, titulaires d'une délégation de l'autorité parentale, depuis cinq ans et à ses excellents résultats scolaires;
- au regard de sa situation, l'arrêté méconnaît les dispositions prévues à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de la Guyane a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par ordonnance du 3 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 septembre 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du Juillet 1991 relative à l'aide juridique;
- le code de la justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant haïtien né le 29 juillet 1999, est entré irrégulièrement en France en décembre 2011 pour y rejoindre son oncle et sa tante, titulaires d'une délégation de l'autorité parentale à son égard. Avant l'obtention de sa majorité, il a effectué une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. F... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 13 Juillet 2017 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour. M. F... relève appel du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de la Guyane prononcé un non-lieu à statuer au motif que, que postérieurement à l'enregistrement de la requête le 17 août 2017, le préfet de la Guyane a délivré à M. F..., le 15 mars 2018, une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " valable du 5 F... 2018 au 4 F... 2019 et que la délivrance de ce titre retirait implicitement le refus de titre de séjour contesté.
3. Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation d'une décision ayant rejeté une demande de titre de séjour lorsque, postérieurement à la saisine de la juridiction, l'autorité administrative a délivré le titre sollicité ou un titre de séjour emportant des effets équivalents à ceux du titre demandé.
4. Comme indiqué au point 1, M. F... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Or, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " valable un an, ne permet pas à son titulaire d'être autorisé à séjourner sur le territoire français dans des conditions au moins aussi favorables que celles dont il bénéficierait en tant que titulaire d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " délivrée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il s'agisse de l'exercice d'une activité professionnelle, du droit au séjour des membres de sa propre famille ou du calcul de la durée de séjour exigée pour l'obtention de la carte de résident. Le titre de séjour délivré n'emportant donc pas des effets équivalents au titre demandé, cette circonstance ne rendait pas sans objet la demande d'annulation du refus de titre de séjour opposé le 13 juillet 2017. Le jugement en date du 27 décembre 2018 constatant l'existence d'un non-lieu à statuer est donc irrégulier doit, dès lors, être annulé.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de la Guyane.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Guyane du 13 juillet 2017 :
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Il n'est pas contesté que M. F... est entré irrégulièrement sur le territoire national en décembre 2011 à l'âge de 12 ans et a depuis lors été hébergé par son oncle et sa tante, titulaires de l'autorité parentale en vertu d'une délégation du 18 octobre 2011, lesquels résident régulièrement en France. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en tant que mineur en France, à ses attaches familiales en France, notamment son oncle, sa tante et divers cousins, à ses efforts d'intégration comme en attestent notamment ses excellents résultats scolaires, son certificat de compétence de citoyen sécurité civile et les diverses attestations produites, le refus de titre de séjour litigieux, porte, nonobstant la présence de ses parents en Haïti où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il soit retourné depuis son arrivée en France, au droit de M. F... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. F... est fondé à solliciter l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guyane du 13 juillet 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
10. Eu égard au motif d'annulation retenu, L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, la délivrance à l'intéressée d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de la Guyane de délivrer à M. F... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
11. Me E..., avocat de M. F..., n'est pas l'avocat d'une partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Par suite, les conclusions relatives aux frais de l'instance, présentées sur le seul fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700791 du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guyane et l'arrêté du préfet de la Guyane en date du 13 juillet 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à M. F... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. F... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane et au ministre des Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
M. G... A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01248 2