Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin 2017 et le 3 novembre 2017, Mme A... E..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 avril 2017 ;
2°) de condamner la région Nouvelle-Aquitaine à lui verser une indemnité de 12 808,68 euros en réparation du préjudice causé par le refus d'octroi d'une aide au financement d'une formation professionnelle, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2015 et de leur capitalisation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de la région Nouvelle-Aquitaine la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que 13 euros au titre du droit de plaidoirie.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle satisfait aux conditions mentionnées sur le site Internet du conseil régional d'Aquitaine pour bénéficier des " chèques régionaux " ;
- en octobre 2014, il lui a été indiqué que la formation n'était pas éligible au financement par le conseil régional d'Aquitaine, ce qui était inexact. Elle n'a appris que cette formation était éligible à un financement qu'au début de la formation le 9 février 2015 et ne pouvait donc respecter le délai de ce fait ;
- sa demande tendant au bénéfice de cette aide est antérieure au début de sa formation comme le démontre le courrier de Pôle emploi du 3 octobre 2014 et les courriers de l'Agefiph. C'est à Pôle emploi qu'il revenait de transmettre cette demande à la région. La circonstance que cette dernière n'ait rien reçu est sans incidence dans la mesure où cela ne lui est pas imputable ;
- le refus méconnaît le principe d'égalité dès lors qu'un autre usager placé dans la même situation et qui avait formulé sa demande en 2014 a obtenu cette aide ;
- la région était tenue de lui verser une aide de 2 000 euros qui aurait été complétée par une aide de 2 180 euros versée par l'Agefiph. Il convient d'y ajouter la gratification prévue par le décret n° 88-368 du 15 avril 1988, soit sur les cinq mois de stage 7 028,68 euros. Il faut enfin y ajouter deux mois de droits à retour à l'emploi qui auraient été repoussés si elle avait été prise en charge, soit 1 600 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2017, la région Nouvelle Aquitaine, prise en la personne du président du conseil régional, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requérante ne remplit pas l'ensemble des conditions prévues par le règlement des aides individuelles pour le développement de la qualification des jeunes et des adultes demandeurs d'emploi adopté par une délibération du 23 juin 2014. En effet, à la date de sa demande d'aide adressée à Pôle Emploi, la formation en cause figurait dans le programme régional de formation au titre de l'année 2014 et ne relevait donc pas du mécanisme des chèques qualification ;
- elle n'a eu connaissance de la demande que le 24 février 2015, soit postérieurement au début de la formation. Cette demande était ainsi tardive ;
- elle ne peut être condamnée à raison des fautes prétendument commises par une autre personne publique, en l'occurrence Pôle Emploi ;
- s'agissant de la méconnaissance du principe d'égalité, la demande de l'autre usager n'était pas tardive puisqu'elle est parvenue avant le début de la formation et avait été présentée en 2015 alors que la formation en cause n'était plus inscrite au programme régional de formation ;
- les sommes demandées ne sont nullement justifiées. Le versement de 2 180 euros par l'Agefiph n'est pas systématique. Selon le règlement d'intervention, la gratification n'est versée que dans l'hypothèse où Pôle Emploi ne verse pas d'indemnité. Or il ressort des pièces produites par la requérante qu'elle bénéficiait de différentes allocations entre les mois de février et juin 2015 ;
- la demande d'astreinte est irrecevable en l'absence d'injonction ou de mesures d'exécution.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2017, la région Nouvelle-Aquitaine, prise en la personne du président du conseil régional, représentée par Me D..., conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.
Par ordonnance du 6 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 novembre 2017 à midi.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. I... C...,
- les conclusions de, rapporteur public,
- et les observations de Me B... J..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Afin de financer sa participation à la formation " gestionnaire de paie " dispensée du 9 février 2015 au 3 juillet 2015, Mme E... a adressé, par un courrier non daté reçu le 24 février 2015, au président du conseil régional d'Aquitaine une demande de financement. Cette demande a été rejetée par une décision du 11 mars 2015 aux motifs, d'une part, que la demande, adressée postérieurement au début de la formation, était tardive et que, d'autre part, cette formation est déjà financée dans le cadre du programme régional de formation. A la suite de ce refus, Mme E... a adressé, par un courrier daté du 10 juin 2015, une réclamation préalable tendant au versement de l'aide ou à l'indemnisation du préjudice à hauteur de 11 500 euros. Cette réclamation ayant été rejetée le 24 juin 2015, Mme E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la région Nouvelle-Aquitaine à lui verser une indemnité de 10 250 euros en réparation des préjudices causés par le refus d'octroi d'un financement de la formation " gestionnaire de paie ". Mme E... relève appel du jugement du 20 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 214-12 du code de l'éducation : " La région définit en lien avec l'Etat et met en oeuvre le service public régional de l'orientation tout au long de la vie professionnelle dans le cadre fixé à l'article L. 6111-3 du code du travail. Elle est chargée de la politique régionale d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle conformément aux articles L. 6121-1 à L. 6121-7 du même code (...) ". En vertu de l'article L. 6121-1 du code du travail, la région : " (...) peut accorder des aides individuelles à la formation et coordonne les interventions contribuant au financement d'actions de formation (...) ".
3. En premier lieu, selon la délibération du 23 juin 2014 du conseil régional d'Aquitaine portant nouveau règlement des aides individuelles pour le développement de la qualification des jeunes et adultes demandeurs d'emploi, le bénéfice du " chèque régional qualification demandeur d'emploi ", aide sollicitée par Mme E..., est subordonné notamment à ce qu'aucun autre dispositif de formation, tel les actions collectives du programme régional de formation, ne puisse être mobilisé et à ce que la transmission par le prescripteur de la demande de chèque soit effectuée à minima quatre semaines avant l'entrée en formation du bénéficiaire ou, à tout le moins, à ce que la demande soit formulée avant l'entrée en formation du bénéficiaire.
4. Il est constant que la demande d'aide adressée au conseil régional par Mme E..., reçue le 24 février 2015, était postérieure à son entrée en formation, celle-ci ayant débuté le 9 février 2015. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'apprécier le bien-fondé de l'autre motif opposé, le président du conseil régional d'Aquitaine, dont il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif, a pu valablement rejeter la demande de " chèque régional qualification demandeur d'emploi " formée par Mme E....
5. Mme E... soutient cependant que la tardiveté de sa demande est exclusivement imputable aux " informations erronées " fournies par Pôle Emploi qui lui a indiqué, dans un courrier du 3 octobre 2014, que cette formation n'était pas éligible au " chèque régional qualification demandeur d'emploi " et que ce n'est que par un autre participant à la formation bénéficiaire du chèque régional qualification demandeur d'emploi qu'elle a appris que cette formation était éligible à cette aide. D'une part, il résulte de l'instruction qu'à la date de ce courrier, cette information n'était pas erronée puisque la formation " gestionnaire de paie " était inscrite au programme régional de formation 2014. D'autre part, Mme E... ne peut utilement se prévaloir d'un manquement, à le supposer établi, de Pôle Emploi pour engager la responsabilité pour faute de la région Nouvelle-Aquitaine, ce manquement ne lui étant pas imputable.
6. En second lieu, l'institution de différences de traitement entre les bénéficiaires potentiels d'une aide implique l'existence ou de différences de situation de nature à justifier ces différences de traitement, ou de nécessités d'intérêt général en rapport avec l'objet de l'aide qui auraient commandé de telles discriminations.
7. Si Mme E... soutient que M. H..., qui a bénéficié d'un " chèque régional qualification demandeur d'emploi " pour financer sa participation à la même formation, était placé dans la même situation qu'elle, il résulte cependant de l'instruction, et notamment de l'attestation de M. H... et de la décision du 30 janvier 2015 du conseil régional Aquitaine lui octroyant cette aide, que M. H... n'était pas dans la même situation puisqu'il a effectué sa demande avant le début de la formation. Cette différence de situation justifiant une différence de traitement au regard de ce que prévoit le règlement des aides individuelles pour le développement de la qualification des jeunes et adultes demandeurs d'emploi, le conseil régional d'Aquitaine a pu rejeter la demande de Mme E... sans méconnaître le principe d'égalité de traitement des usagers.
8. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de faute commise ou imputable à la région Nouvelle-Aquitaine, sa responsabilité pour faute ne peut être engagée. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la région Nouvelle-Aquitaine. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme E... tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et à la région Nouvelle Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme G... F..., présidente-assesseure,
M. I... C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 octobre 2019.
Le rapporteur,
Paul-André C...
Le président,
Pierre Larroumec Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01946