Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017 et deux mémoires en réplique, enregistrés les 16 avril et 17 octobre 2018, M. G... et Mme E..., son épouse, représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 avril 2017 ;
2°) d'annuler l'ensemble des décisions attaquées devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner le syndicat mixte pour l'informatisation des collectivités de Charente-Maritime à leur verser la somme de 123 749,96 euros au titre de leur entier préjudice, sauf à parfaire ;
4°) le cas échéant, de condamner le syndicat à réparer le préjudice capitalisé lié à la différence du montant de la retraite qui aurait dû être servie à M. G... et celle qui lui sera effectivement servie ;
5°) d'assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande préalable, le 28 juillet 2015, ainsi que de la capitalisation des intérêts ;
6°) de rejeter l'appel incident formé par le syndicat mixte ;
7°) de mettre à la charge du syndicat mixte la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils réitèrent leur demande d'annulation de l'ensemble des décisions attaquées en première instance ; ces décisions n'ont jamais été notifiées à M. G..., et en outre, il n'est pas établi qu'il en ait eu connaissance aux dates indiquées par le tribunal ; en tout état de cause, il a bien agi dans un délai raisonnable ;
- ces décisions sont entachées d'un vice d'incompétence, d'un défaut de motivation et d'un vice de procédure, l'employeur public ayant l'obligation de saisir le centre de gestion compétent avant de refuser de le réintégrer faute d'emploi vacant ;
- elles sont entachées d'illégalité interne, dès lors qu'en réalité, le syndicat ne l'a jamais remplacé sur son poste, ne l'a jamais pourvu par voie de mutation interne, mais en revanche, l'a supprimé en mars 2014, alors qu'il demande sa réintégration sur ce poste depuis juillet 2010 ; en tout état de cause, de multiples possibilités d'emploi à son grade existaient depuis sa première demande de réintégration, le syndicat ayant recruté plusieurs agents, notamment des contractuels, sur des postes qui auraient pu lui convenir et qu'il ne lui a jamais proposés ;
- l'entier préjudice de M. G... doit être indemnisé ; le tribunal administratif a insuffisamment indemnisé son préjudice financier, issu de la différence des traitement et des indemnités perçues, du surcoût des trajets effectués en raison de la mauvaise foi de l'employeur et de la différence dans ses droits à pension de retraite ; il a en outre subi un préjudice moral important, ainsi qu'une aggravation du trouble dans ses conditions d'existence lié à la lésion dans ses droits à pension ; de cela, le tribunal l'a insuffisamment indemnisé, dès lors qu'il a refusé de censurer certaines des décisions en lui opposant une irrecevabilité.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 novembre 2017 et 14 mai 2018, Soluris, le syndicat intercommunal d'informatique de la Charente-Maritime, anciennement " SI 17 ", conclut :
1°) à titre principal, à la réformation du jugement, en tant qu'il a annulé les décisions des 5 août et 22 octobre 2014 et en tant qu'il l'a condamné à verser 25 000 euros à M. G... ;
2°) à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement et au rejet de la requête d'appel ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. G... et de Mme H... respectivement les sommes de 4 000 et de 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les décisions des 5 août et 22 octobre 2014 étaient régulières et il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; le renvoi, par l'article 26 du décret du 13 janvier 1986, à l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, ne vise pas la totalité de ce dernier article ; la collectivité n'avait ainsi pas à saisir le centre de gestion, elle pouvait se borner à proposer les emplois vacants ou créées correspondant au grade ; ni l'article 26 ni l'article 97 n'imposent que chacune des demandes de réintégration de l'agent soit transmise au centre de gestion ;
- en tout état de cause, le tribunal a très largement surévalué les préjudices de M. G... ; en outre, le contentieux n'était pas clairement lié s'agissant du préjudice moral, le tribunal a ignoré la fin de non-recevoir opposée en ce sens par le syndicat et a statué ultra petita sur ce chef de préjudice.
Par une ordonnance en date du 25 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 novembre 2018.
Un mémoire en production de pièces du conseil de M. G... et de Mme E... épouse G... a été enregistré le 6 septembre 2019, faisant part du décès de M. G... et de ce que Mme E..., ayant-droit de M. G..., reprenait l'instance, mais n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant Mme E... épouse de M. G... (décédé), et de Me B..., représentant le Syndicat informatique de Charente-Maritime.
Vu la note en délibéré, produite par Mme E... veuve G..., enregistrée le 24 septembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... G..., agent de maîtrise territorial employé par le syndicat mixte pour l'informatisation des collectivités de Charente-Maritime (SI 17), a bénéficié d'une disponibilité pour convenance personnelle du 1er mai 2006 au 31 octobre 2008. A compter du 1er novembre 2008, l'intéressé a bénéficié d'une disponibilité d'un an, renouvelée jusqu'au 31 octobre 2010, au titre de la création d'une entreprise. A la suite de sa demande, effectuée le 5 juillet 2010, tendant à sa réintégration dans les effectifs du syndicat, le président de celui-ci a refusé, par décision du 23 août 2010, de faire droit à cette demande du motif pris de l'absence de poste vacant. L'intéressé ayant réitéré sa demande à plusieurs reprises, le président du syndicat a refusé, par de nouvelles décisions des 2 août 2011, 22 août 2012, 10 juillet 2013, 5 août 2014 et 22 octobre 2014 de procéder à cette réintégration pour le même motif. Devant le tribunal administratif, M. G... et Mme E..., son épouse, ex-Mme H..., ont demandé, d'une part, l'annulation des décisions précitées des 23 août 2010, 2 août 2011, 22 août 2012, 10 juillet 2013, 5 août 2014 et 22 octobre 2014 et, d'autre part, la condamnation du syndicat précité à leur verser la somme de 103 749,96 euros en réparation des préjudices subis à raison des décisions précitées. Par un jugement du 26 avril 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions du 5 août 2014 et du 22 octobre 2014 du président du syndicat mixte pour l'informatisation des collectivités de Charente-Maritime et a condamné le syndicat mixte à verser à M. G... la somme de 25 000 euros, tous intérêts confondus. M. G... et Mme E..., puis, à la suite du décès de M. G..., survenu en cours d'instance, la seule Mme E... laquelle, en tant qu'épouse et ayant-droit, a repris l'instance, demandent la réformation de ce jugement, en tant qu'il n'a pas annulé les décisions des 2 août 2011, 22 août 2012, 10 juillet 2013 et en tant qu'ils ont été insuffisamment indemnisés de leurs préjudices, en portant leurs prétentions indemnitaires à la somme de 123 749,96 euros. Soluris, le syndicat intercommunal d'informatique de la Charente-Maritime, anciennement " SI 17 " demande, à titre principal, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce même jugement, en tant qu'il a annulé les décisions des 5 août et 22 octobre 2014, et en tant qu'il a alloué à M. G... et à Mme E... la somme de 25 000 euros.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation des décisions des 23 août 2010, 2 août 2011, 22 août 2012 et 10 juillet 2013 :
2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
3. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
4. Le syndicat intercommunal ne rapporte pas la preuve, malgré la production d'accusés de réception, que les décisions litigieuses rejetant les demandes de réintégration de M. G... dans les effectifs du SI 17, aient été régulièrement notifiées à l'intéressé. Cependant, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'intéressé a réitéré sa demande de réintégration par courriers respectifs des 28 juillet 2011, 10 juillet 2012, 5 juillet 2013 et 5 juillet 2014, à la suite des décisions en litige comme il le fait lui-même valoir. Il doit donc être réputé en avoir eu connaissance desdites décisions au plus tard à ces dates. En outre, par une lettre adressée à la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) le 15 mai 2014, le conseil de M. G... se réfère aux quatre décisions de refus en cause, en énonçant le motif qui y est contenu, à savoir l'absence de poste vacant correspondant à son grade ou à ses fonctions. Par suite, ces circonstances sont de nature à établir que M. G... avait ainsi connaissance de ces décisions lorsqu'il a renouvelé ses demandes de réintégration chaque année et était informé de leurs motifs. Si, en appel, M. G... et son épouse se prévalent de ce que l'administration a été de mauvaise foi dans la gestion de la carrière de M. G... en le maintenant en disponibilité contre son gré et de ce qu'il a été contraint de formuler, le 15 mai 2014, une demande de communication de documents administratifs auprès de la CADA, de telles circonstances ne sauraient justifier son absence de contestation, par voie contentieuse, des quatre décisions des 23 août 2010, 2 août 2011, 22 août 2012 et 10 juillet 2013, dans des délais raisonnables. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal administratif a, pour accueillir la fin de non-recevoir soulevé par le syndicat, considéré que le recours contre ces quatre décisions, dont M. G... a saisi le tribunal le 3 novembre 2014, excédait le délai raisonnable d'un an durant lequel il pouvait être exercé et que les conclusions dirigées contre ces décisions étaient ainsi irrecevables.
5. Néanmoins, l'irrecevabilité des conclusions en excès de pouvoir à l'encontre des décisions en cause n'entraîne aucune irrecevabilité des conclusions indemnitaires formées par M. G... et Mme E... en réparation des préjudices subis en raison de l'ensemble des décisions attaquées.
En ce qui concerne la légalité des décisions des 5 août et 22 octobre 2014 :
6. Aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " (...) Le fonctionnaire mis en disponibilité, soit d'office (...), soit de droit, sur demande, pour raisons familiales, est réintégré à l'expiration de sa période de disponibilité dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la présente loi. Dans les autres cas, si la durée de la disponibilité n'a pas excédé trois années, une des trois premières vacances dans la collectivité ou l'établissement d'origine doit être proposée au fonctionnaire ". Aux termes de l'article 73 de la même loi : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les cas et conditions de mise en disponibilité, sa durée, ainsi que les modalités de réintégration des fonctionnaires à l'expiration de la période de disponibilité. ". Aux termes du troisième aliéna de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité et de congé parental des fonctionnaires territoriaux, dans la version applicable : " (...) le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer son cadre d'emplois d'origine trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité. / (...) Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions prévues à l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 (...) ". Par cette référence aux prescriptions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, les auteurs du décret du 13 janvier 1986 ont seulement entendu se référer aux conditions dans lesquelles des emplois sont proposés aux agents par leur collectivité ou établissement d'origine ainsi que par le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion, à l'exclusion des règles relatives au maintien en surnombre et à la prise en charge par le centre de gestion. Il suit de là que, dans le cas où la collectivité dont relève l'agent qui a demandé sa réintégration ne peut lui proposer un emploi correspondant à son grade, elle doit saisir le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion afin qu'il lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. G... a une nouvelle fois sollicité, le 5 juillet 2014, sa réintégration dans les effectifs du syndicat conformément aux dispositions précitées de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986 modifié. Le président du syndicat, se fondant sur l'absence d'emploi vacant, a refusé par les deux décisions contestées des 5 août et 22 octobre 2014 de faire droit à cette demande. Or, le syndicat admet lui-même, dans ses écritures, que l'emploi d'agent de maîtrise principal qu'occupait M. G..., avant son placement en disponibilité pour convenances personnelles fin 2005, existait encore dans le tableau des emplois du syndicat sur la période 2010-2013 et n'avait pas été occupé par un autre agent public jusqu'à ce que, par une délibération du 13 mars 2014, le comité syndical décide de la suppression de cet emploi. Par suite, il incombait au syndicat, pour répondre à la nouvelle demande de l'intéressé du 5 juillet 2014, de saisir le centre de gestion consécutivement à la suppression de son emploi le 13 mars 2014. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en se bornant à rejeter la demande de réintégration présentée en juillet 2014 par le requérant sans saisir le centre de gestion, le président du syndicat avait méconnu ces dispositions dont le non-respect a eu pour effet de priver M. G... d'une garantie tenant à la possibilité d'être réintégré sur des emplois vacants correspondant à son grade en dehors des effectifs du syndicat et a, pour ce motif, annulé les décisions contestées des 5 août et 22 octobre 2014.
8. Il résulte de ce qui précède d'une part, que M. G... et Mme E..., qui a repris l'instance en qualité d'ayant-droit, ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement, en ce qu'il a considéré que les conclusions en annulation des décisions des 23 août 2010, 2 août 2011, 22 août 2012 et 10 juillet 2013 étaient irrecevables et, d'autre part, que le syndicat intercommunal d'informatique de la Charente-Maritime n'est pas non plus fondé à en demander la réformation en ce qu'il a annulé les décisions des 5 août et 22 octobre 2014.
Sur les conclusions indemnitaires :
9. Par la voie de l'appel principal, M. G... et Mme E..., son épouse et, depuis son décès, son ayant-droit, demandent la condamnation du syndicat intercommunal d'informatique de la Charente-Maritime à réparer intégralement les préjudices subis par M. G... à raison des décisions précitées des 23 août 2010, 2 août 2011, 22 août 2012, 10 juillet 2013, 5 août 2014 et 22 octobre 2014, pour une somme qu'ils chiffrent en appel à 123 749,96 euros. Par la voie de l'appel incident, le syndicat demande la réformation du jugement, en faisant valoir qu'il n'a commis aucune illégalité fautive.
Sur la responsabilité :
10. L'illégalité des deux dernières décisions, en date des 5 août et 22 octobre 2014, constitue une faute, de nature à engager la responsabilité du syndicat à l'égard de M. G....
11. S'agissant des quatre premières décisions, le tribunal administratif a considéré qu'elles étaient entachées de la même irrégularité de procédure que celles de 2014, à savoir le défaut de saisine du centre de gestion. Toutefois, une telle obligation ne vaut qu'en l'absence de poste vacant susceptible d'être proposé au fonctionnaire. Or, comme cela a été relevé ci-dessus, sur la période allant de 2010 à 2013, le poste qu'occupait M. G... jusqu'en avril 2006 n'avait pas encore été supprimé et pouvait donc lui être proposé. Par suite, en indiquant, dans chacune de ces quatre décisions, qu'il n'existait aucun poste vacant alors que tel n'était pas le cas, le syndicat a entaché ces décisions de refus de réintégration d'une erreur de fait, moyen de légalité interne expressément soulevé par M. G... et Mme E..., et qui peut ainsi être substitué au motif de légalité externe retenu par les premiers juges. A cet égard, si le syndicat se prévaut en appel de ce que l'emploi précédemment occupé par M. G... ne lui était plus d'aucune utilité pendant la période litigieuse et de ce que c'est en raison d'un défaut de conseil du centre de gestion qu'il n'en a pas prononcé la suppression avant le 13 mars 2014, une telle circonstance n'est nullement de nature à l'exonérer de sa responsabilité. Dès lors, celle-ci se trouve pleinement engagée du 23 août 2010, date à laquelle il a pour la première fois refusé à tort de réintégrer M. G... alors qu'il disposait d'un emploi vacant, jusqu'au 22 juin 2015, date à laquelle l'intéressé a été effectivement réintégré sur un emploi d'agent de maîtrise principal nouvellement créé par délibération du comité syndical du 19 février 2015.
Sur l'indemnisation des préjudices :
12. Si, en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain, la responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité. Cependant, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
13. Le syndicat invoque la prescription quadriennale pour la période d'août 2011 à mi-mai 2015. Cependant, lorsqu'est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été valablement notifiée à son destinataire. Or, ainsi qu'il a déjà été dit ci-dessus, le syndicat n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les décisions de refus de réintégration des 23 août 2010, 2 août 2011, 22 août 2012 et 10 juillet 2013, aient été valablement notifiées à M. G.... Dans ces conditions, la prescription quadriennale n'était pas acquise lorsqu'il a sollicité, devant le tribunal administratif de Poitiers, la condamnation du syndicat à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait des décisions litigieuses.
14. Le syndicat n'est par ailleurs pas fondé à contester l'intérêt à agir de Mme E..., ex-Mme H..., épouse de M. G... et qui, en tant qu'ayant-droit, a repris l'instance après le décès de celui-ci.
15. M. G... a donc droit à la réparation intégrale des préjudices qu'il a subis de manière directe et certaine du fait de l'édiction des décisions litigieuses, sur la période courant du 23 août 2010 au 22 juin 2015.
16. S'agissant du préjudice financier, il est constant que M. G... a perçu, au cours de la période allant de 2010 à 2015, d'une part, des traitements versés par la commune de Saint-Georges-de-Didonne, où il avait retrouvé un emploi, soit 33 460,06 euros, d'autre part, des indemnités au titre de l'allocation de retour à l'emploi pour un montant de 43 440,28 euros et enfin, des indemnités journalières durant des périodes de maladie, pour un montant de 4 405,56 euros. Si, le syndicat se base sur le salaire net mensuel perçu par son agent à compter de sa réintégration au 22 juin 2015, soit 2 125,30 euros bruts, M. G... produit son dernier bulletin de salaire en tant qu'agent de maîtrise principal du syndicat, émis en avril 2006, qui fait apparaître un montant net de 2 411,19 euros. Dès lors que le contenu de ce bulletin de salaire n'est pas contesté, il doit servir de base au calcul de la somme totale due par l'employeur public sur la période d'éviction illégale du 23 août 2010 au 22 juin 2015, qui se monte ainsi à 139 849,02 euros. Déduction faite des sommes perçues par M. G... durant cette période, soit 81 305,90 euros, son préjudice financier doit être fixé à la somme de 58 543,12 euros.
17. En revanche, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation de M. G... au titre de l'augmentation de ses frais de déplacement engendrée par son nouvel emploi au sein de la commune de Saint-Georges-de-Didonne, qui ne trouve pas sa cause certaine et directe dans les illégalités dont les six décisions litigieuses se trouvent entachées.
18. S'agissant du préjudice moral, et contrairement à ce que fait valoir le syndicat, la demande indemnitaire préalable formée par M. G... et Mme E... le 27 juillet 2015 et produite par le syndicat lui-même, contenait une demande chiffrée de réparation de ce préjudice. Au demeurant, l'intéressé peut, à tout moment de la procédure, modifier la répartition des chefs de préjudice invoqués dans les limite du quantum de sa réclamation préalable, dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur. Si en appel, les requérants soutiennent qu'outre le préjudice moral déjà indemnisé par les premiers juges, il y a lieu d'indemniser M. G... de l'aggravation des troubles dans ses conditions d'existence, liée à une lésion dans ses droits à pension, ce chef de préjudice, que les requérants chiffrent en termes de perte du montant de la pension, ressortit, en tout état de cause, à un éventuel préjudice financier, et non moral. Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste estimation du préjudice moral de M. G... en l'évaluant à la somme de 10 000 euros, tous intérêts confondus.
19. Les requérants indiquent en effet que, dans l'hypothèse où la cour refuserait de procéder à l'annulation de l'ensemble des décisions attaquées, M. G... allait subir, en l'absence de réévaluation de ses droits sociaux, une baisse importante de ses droits à pension, pour laquelle réparation est également demandée à hauteur de 30 000 euros. Cependant, d'une part, ces conclusions sont présentées à titre subsidiaire et, d'autre part, et en tout état de cause, ainsi que le fait valoir le syndicat, cette nouvelle demande indemnitaire ne se rattache pas au même fait générateur que les autres demandes indemnitaires, à savoir l'illégalité des six décisions, mais à une faute commise par l'administration qui n'a pas procédé à la reconstitution de ses droits à pension. Par suite, une telle demande, nouvelle en appel, est irrecevable.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... épouse G..., est fondée, par la voie de l'appel principal, à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 avril 2017 en ce que, en l'évaluant à la somme de 25 000 euros tous intérêts confondus, il a insuffisamment indemnisé le préjudice de M. G..., qui doit être réparé à hauteur de 68 254,12 euros hors intérêts. En revanche, l'appel incident du syndicat intercommunal d'informatique de la Charente-Maritime sur les conclusions indemnitaires des requérants doit être rejeté.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
21. Mme E... veuve G... a droit aux intérêts au taux légal correspondant aux indemnités fixées ci-dessus à compter du 28 juillet 2015, date de réception de la réclamation indemnitaire préalable formée au nom de M. G... et de son épouse.
22. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 30 octobre 2015. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 juillet 2016, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat Soluris une somme de 2 000 euros que demandent M. G... et Mme E.... En revanche, les conclusions formées par le syndicat sur le fondement de ces dispositions, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le syndicat intercommunal d'informatique de Charente-Maritime (Soluris) est condamné à verser à Mme E... épouse G..., ayant-droit de M. G..., la somme totale de 68 543, 12 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 28 juillet 2015. Les intérêts échus à la date du 28 juillet 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1402895, 1502706 du tribunal administratif de Poitiers du 26 avril 2017 sont annulés en ce qu'ils ont de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le syndicat intercommunal d'informatique de Charente-Maritime (Soluris) versera à Mme E..., veuve G..., la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'appel principal formé par M. G... et Mme E..., ainsi que les conclusions d'appel incident du syndicat, sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E..., veuve G... et ayant-droit de Mme G..., et au syndicat intercommunal d'informatique de Charente-Maritime (Soluris).
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme Karine Butéri, président-assesseur,
Mme I..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 octobre 2019.
Le rapporteur,
I...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX01981
N° 17BX01981