Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 avril 2019, M. F..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en date du 22 mars 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 8 mars 2019 ;
3°) de l'admettre, à titre provisoire, à l'aide juridictionnelle ;
4°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté portant transfert a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la lettre d'information en date du 8 février 2019 ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprend ;
- cet arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où il y a eu absence d'un entretien individualisé dans une langue qu'il comprend ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé en droit dès lors qu'il ne précise pas sur quel point de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 il se fonde ;
- cet arrêté est entaché d'erreur de droit relative à l'incertitude de la nature juridique de son renvoi qui ne précise pas s'il s'agit d'une prise en charge ou d'une reprise en charge ;
- cet arrêté est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2019, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête de M. F....
Il fait valoir que le requérant n'a pas produit le jugement attaqué et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 22 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 juillet 2019 à midi.
M. F... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant afghan, né le 26 juillet 1992 à Loghar, entré en France, selon ses déclarations, le 1er novembre 2018, relève appel du jugement en date du 22 mars 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Lot-et-Garonne en date du 8 mars 2019 portant transfert vers l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile et assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision 16 mai 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de M. F... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur la légalité des arrêtés du 8 mars 2019 :
3. En premier lieu, l'arrêté contesté portant transfert aux autorités allemandes vise les articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application. L'arrêté mentionne les éléments de fait propres à la situation personnelle de M. F... sur lesquels il se fonde. Par suite le préfet a suffisamment motivé sa décision en droit comme en fait.
4. En deuxième lieu, M. F..., dont il ressort, au demeurant, des pièces du dossier qu'il s'est vu remettre l'ensemble des informations mentionnées au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans une langue qu'il comprend et qu'il s'est vu notifier les arrêtés contestés mentionnant les voies et délais de recours par le biais d'un interprète, n'invoque aucune disposition au soutient du moyen tiré de ce que la lettre d'information en date du 8 février 2019 ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprend, lequel n'est, en tout état de cause, pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, M. F... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer utilement la réponse apportée par les premiers juges, les moyens tirés de l'absence d'entretien mené dans une langue qu'il comprend. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. En quatrième lieu, M. F... soutient que l'arrêté contesté du 8 mars 2019 portant transfert vers l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile serait entaché d'erreur de droit relative " à l'incertitude de la nature juridique de son renvoi qui ne précise pas s'il s'agit d'une prise en charge ou d'une reprise en charge " dans la mesure où cet arrêté se fonde sur les dispositions de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ressort toutefois de la lecture de la décision contestée, qui ne vise ni n'applique les dispositions de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que " les autorités allemandes ont été saisie le 3 décembre 2018 d'une demande reprise en charge en application de l'article 18.1 b) du règlement UE n° 604/2013 susvisé " et que " les autorités allemandes ont fait connaître explicitement leur accord le 7 décembre 2018 en application de l'article 18.1 d) du règlement UE n° 604/2013 susvisé ". Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". Il résulte de ces dispositions que si le préfet peut refuser l'admission au séjour d'un demandeur d'asile au motif que la responsabilité de l'examen de cette demande relève de la compétence d'un autre Etat membre, il n'est pas tenu de le faire et peut autoriser une telle admission au séjour en vue de permettre l'examen d'une demande d'asile présentée en France.
8. Si M. F... fait valoir qu'il est originaire de la province de Loghar, désignée comme particulièrement dangereuse, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément probant et vérifiable. En outre, la décision contestée a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors même que l'Allemagne a accepté de reprendre en charge M. F... sur le fondement du d) du 1) de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 qui prévoit la reprise en charge en cas de demande d'asile rejetée, que la demande d'asile de ce dernier déposée en Allemagne serait définitivement rejetée. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités allemandes n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements qui naîtraient pour M. F... du seul fait de son éventuel retour en Afghanistan. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 8 mars 2019 par lesquels le préfet de Lot-et-Garonne a décidé de son transfert auprès des autorités allemandes et de son assignation à résidence. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. F... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre E..., président,
Mme C... B..., présidente- assesseure.
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 octobre 2019.
La présidente-assesseure,
Karine B...
Le président,
Pierre E...
Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01718