Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2021, la préfète de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme E....
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues puisque l'enregistrement de la demande d'asile de la fille de Mme E... est postérieur à l'arrêté et que cette circonstance conduit seulement à différer l'exécution de l'éloignement ;
- l'arrêté dont l'exécution est différée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 octobre 2021, Mme E..., représentée par Me Haas, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la préfète de la Gironde n'est fondé.
Par décision du 28 octobre 2021, Mme E... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordée par une décision du 27 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. D... B...,
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante nigériane née le 15 mars 1995, est entrée sur le territoire français courant 2016. A la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 avril 2018, elle a fait l'objet, par arrêté du 1er juin 2018, d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 11 mars 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par arrêté du 14 décembre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. Par jugement du 30 juin 2021 dont la préfète de la Gironde relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 décembre 2020 et enjoint à la préfète de délivrer à Mme E... une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Pour annuler l'arrêté du 14 décembre 2020, les premiers juges ont, après avoir relevé que Mme E... avait déposé, le 12 janvier 2021, une demande d'asile au nom de sa fille née le 24 janvier 2020, constaté que l'enfant disposait du droit de se maintenir sur le territoire français le temps de l'instruction de sa demande, estimé que sa mère en tant que représentante légale était la seule en mesure de mettre en œuvre le droit de l'enfant de bénéficier des conditions matérielles d'accueil et en ont déduit que l'arrêté litigieux méconnaissait les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de l'enfant Preslee Idehen a été enregistrée le 12 janvier 2021, soit postérieurement à l'arrêté préfectoral en litige. Par suite, cette circonstance qui fait seulement obstacle à l'exécution temporaire de l'éloignement, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 14 décembre 2020, qui s'apprécie à la date de son édiction.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que sur l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, pour annuler l'arrêté préfectoral du 14 décembre 2020.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif de Bordeaux à l'encontre de l'arrêté litigieux.
Sur les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
S'agissant des moyens relatifs à la demande fondée sur l'état de santé :
6. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées de l'article R. 313-22 du même code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées de l'article R. 313-23 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. / Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. ".
7. D'une part, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 4 juin 2020, produit par la préfète en première instance, qu'il a été émis par les trois médecins composant le collège, au vu d'un rapport médical rédigé par un médecin n'ayant pas siégé au sein de ce collège, conformément aux dispositions précitées. La circonstance que l'avis ne mentionne pas la date de transmission de ce rapport au collège de médecins est sans incidence, dès lors que cette mention ne figure pas parmi les mentions obligatoires énoncées par le décret du 27 décembre 2016 ayant établi un modèle d'avis. Par ailleurs, Mme E... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, selon lesquelles " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ", dès lors que l'avis du collège de médecins de l'OFII n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de ces dispositions, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Le fait que les signatures figurant sur l'avis du collège de médecins de l'OFII n'ont pas été apposées dans les conditions prévues par le référentiel général de sécurité ne caractérise ainsi aucune irrégularité et n'est pas de nature à faire douter de ce que l'avis a bien été rendu par les médecins signataires.
8. En outre, la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " fait foi jusqu'à preuve du contraire du caractère collégial de la délibération. En l'occurrence, Mme E... n'apporte aucun élément de nature à mettre en doute le caractère collégial de la délibération. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie tirée du caractère collégial de la délibération du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ni plus largement que la décision aurait été prise selon une procédure irrégulière.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 4 juin 2020, le collège de médecins de l'OFII a mentionné que l'état de santé de Mme E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Mme E... produit, pour la première fois en appel, deux certificats de son médecin généraliste, datés des 10 janvier et 1er avril 2021, faisant état de problèmes à son pied droit nécessitant une intervention chirurgicale. Au vu des pièces du dossier, il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient la requérante, que le défaut de prise en charge de sa pathologie aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
S'agissant des autres moyens :
10. En premier lieu, M. A... C..., direction des migrations et de l'intégration, bénéficie d'une délégation, par arrêté de la préfète de la Gironde du 7 décembre 2020, régulièrement publié le jour même, à l'effet de signer toutes décisions en matière de séjour et d'éloignement en l'absence ou d'empêchement d'autres autorités dont il n'est pas établi ni même allégué qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de la décision attaquée. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué et doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au premier alinéa de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
12. L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
13. Il ressort de l'arrêté préfectoral litigieux qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, Mme E... a produit une attestation de nationalité délivrée le 16 janvier 2020 par l'ambassade du Nigéria en France, ainsi qu'une déclaration sous serment (affidavit) et une attestation de naissance du 3 janvier 2019, mentionnant comme date de naissance le 15 mars 1995. Si la préfète a indiqué que la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée était irrecevable, motif pris de ce que les documents produits à l'appui de cette demande ne pouvaient être regardés comme faisant foi dès lors que l'intéressée a obtenu des autorités consulaires grecques au Nigéria, le 12 septembre 2016, la délivrance d'un visa Schengen de court séjour mentionnant comme année de naissance 1985, au vu d'un passeport dont l'authenticité n'a pas été remise en cause, elle l'a malgré tout examinée au fond. Dès lors, le moyen tiré de ce que la préfète aurait entaché sa décision d'illégalité en estimant la demande de Mme E... irrecevable doit être écarté.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, Mme E... se maintenait en France depuis environ quatre ans, malgré le rejet de sa demande d'asile en dernier lieu par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 avril 2018 et un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français pris à son encontre par le préfet de Gironde le 1er juin 2018. En dépit de cette durée de présence, elle ne fait état d'aucun élément de nature à démontrer une quelconque insertion dans la société française, alors qu'elle a vécu au moins dix-neuf dans son pays d'origine où réside encore sa famille. Si elle fait valoir avoir été victime d'un réseau de proxénétisme dont elle aurait réussi à se défaire, ses allégations à ce sujet, peu circonstanciées, ne sont pas suffisamment probantes. Dans ces conditions, en édictant à son encontre une décision de refus de séjour, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. En quatrième lieu, Mme E... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 et au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la demande présentée par l'intéressée ne tendait pas à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions et que l'autorité préfectorale n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour de Mme E... au titre de ces dispositions.
17. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme E....
18. En dernier lieu, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
19. La décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme E... de sa fille qui a, par ailleurs, une demande d'asile en cours d'instruction. Par ailleurs, la circonstance que le père de l'enfant de Mme E... soit lui-même demandeur d'asile n'est pas de nature à démontrer que la préfète aurait méconnu les stipulations précitées dès lors qu'il n'est pas établi, par la seule production de quelques photographies et d'une attestation peu circonstanciée de l'intéressé, que ce dernier participe à l'entretien et l'éducation de son enfant. Ainsi, Mme E... n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 précité, ni même des stipulations de l'article 9 de la même convention qui ne créent des obligations qu'entre Etats sans ouvrir de droit aux intéressés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire.
21. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
22. Eu égard à ce qui a été dit aux points 6 à 9, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions précitées.
23. En dernier lieu, eu égard aux éléments factuels exposés précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas atteinte au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale. Elle ne porte pas non plus atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille dès lors qu'elle n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de sa mère, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :
24. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
25. Mme E... soutient qu'elle a réussi à échapper à un réseau de prostitution qui l'a faite venir en France, que la demande d'asile qu'elle a déposée peu de temps après son arrivée sur le territoire a été faite à un moment où elle était encore sous la coupe de ce réseau et qu'elle encourt désormais des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Elle fait également valoir que sa fille encourt des risques d'excision au Nigéria. Toutefois, les allégations de l'intéressée sur son appartenance à ce réseau de traite des êtres humains sont peu circonstanciées, notamment sur le fait qu'elle a pu malgré tout déposer une demande d'asile sous sa véritable identité, sur les conditions dans lesquelles elle a pu s'en sortir ou sur le fait que sa famille n'a subi aucune persécution jusqu'alors. Par ailleurs, et alors qu'ils seront examinés par les instances chargées de l'examen de sa demande d'asile, il n'est pas établi que les risques pour sa fille soient réels et actuels. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne précitée doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans :
26. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
27. Ainsi qu'il a été dit au point 15, Mme E... est présente en France depuis environ quatre ans et ne démontre aucune insertion particulière sur le territoire, alors qu'elle a vécu pendant dix-neuf ans au Nigéria, pays dans lequel réside encore sa famille. Si elle fait valoir s'être libérée d'un réseau de proxénétisme et encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine, ses allégations ne sont pas probantes. Par suite, quand bien même l'intéressée n'aurait pas reçu notification de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 1er juin 2018, la préfète de Gironde n'a pas méconnu les dispositions précitées en assortissant sa décision d'éloignement d'une interdiction de retour pendant une durée de deux ans.
28. En deuxième lieu, au regard des éléments de fait rappelés précédemment et notamment de la faiblesse de ses liens sur le territoire, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.
29. En dernier lieu, il n'est pas davantage établi, eu égard à ce qui a été dit précédemment que la préfète de la Gironde aurait, par la décision litigieuse, méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
30. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en première instance, que la préfète de la Gironde est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 30 juin 2021.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2101660 du 30 juin 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la préfète de la Gironde, à Mme F..., au ministre de l'intérieur et à Me Haas.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
Mme Sylvie Cherrier, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021.
Le rapporteur,
Olivier B...
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21BX03021